mardi 1 avril 2014

Projet Poubelle-bis (5)

«"... Un homme tel que ce G., comment crois-tu qu'il se voie ? demanda la femme qui poursuivit, presque comme pour soi, tant elle était absorbée : Il séduit des enfants, il incite de jeunes femmes à se prostituer. Ensuite le voilà qui sourit, debout, considérant d'un oeil fasciné la faible flamme d'érotisme qui vacille quelque part au fond de lui. Crois-tu qu'il pense mal agir ?
- S'il le pense ?... Peut être ; ou peut être non, répondit le mari. Je ne sais si l'on peut poser la question ainsi à propos de tels sentiments.
- Moi je crois... dit la femme, et il apparaissait maintenant qu'elle ne parlait nullement de ce personnage  fortuit mais de quelque chose de précis qui se faisait jour déjà pour elle derrière lui..., je crois qu'il pense  bien agir."
Alors, pendant un instant, leurs pensées glissèrent sans bruit côte à côte, puis de nouveau, très loin, resurgirent en mots. Ce fut néanmoins comme s'ils se tenaient encore les mains sans parler et que tout fût dit déjà.»

Noces. Robert Musil. Seuil (1957)

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