vendredi 30 décembre 2016

L'orgelet du Diable serait une meilleure traduction française (Don Juan chez les protestants)


L'oeil du Diable. Ingmar Bergman (1960)

Dans l'esprit de Noël !

En présence d'un clown. Ingmar Bergman (2010)
«Mais on n'avait pas encore vu les hypocrisies morales, les mesquineries de la vie bourgeoise, peintes avec cette crudité, étalées avec une sincérité âpre. C'était la vie ordinaire, la vie correcte, la vie réputée honorable et comme il faut, c'étaient les bonnes moeurs enfin qui sortaient du livre réprouvées et condamnées. Le livre paraissait donc, et devait paraître "contraire aux bonnes moeurs". Car, qu'est-ce que les bonnes moeurs ? Ce sont les moeurs courantes, les communs usages, tout ce que l'on voit tous les jours, qui, par conséquent, n'étonne, ni ne détonne.»

Art et pornographieGeorge Fonsegrive. Librairie Bloud & compagnie (1911)
«J'observe la nièce, qui est très belle, et je me dis : le pain, à travers elle, se fait grâce mélancolique. Il se fait pudeur. Il se fait douceur du silence. Or le même pain, par la vertu d'une simple tache grise à la lisière d'un océan de blé, s'il nourrit demain la même lampe, ne formera peut être plus la même flamme. L'essentiel du pouvoir du pain aura changé.»

Pilote de guerreAntoine de Saint-Exupéry. Éditions Gallimard (1959)

lundi 26 décembre 2016

«Dans un pareil état de choses, où la vertu est infirme et où la morale consiste essentiellement à limiter l'immoralité, on conçoit que celle-ci apparaisse non seulement plus originelle et plus vigoureuse, mais encore plus morale que celle-là, dans la mesure où il est permis d'employer ce mot non pas dans le sens du droit et de loi, mais comme la mesure de la passion que peuvent encore enflammer les questions de conscience.»

L'Homme sans qualitésRobert Musil. Éditions du Seuil (1956)

jeudi 22 décembre 2016

«Les musiciens qui pratiquent la musique usuelle peuvent dormir tranquilles, car le galinisme est sapé dans sa base, frappé à mort. En effet, il y a en Belgique, en Italie et en Autriche, des sectes rivales qui ont modifié, dans ses parties essentielles, la notation chiffrée inventée par J.-J. Rousseau, et ces modifications ont rompu pour jamais l'unité d'enseignement qui aurait pu exister dans ces écoles.
A quand le congrès des nouvelles couches musicales ? Quelle tour de Babel !»

Ecole Galin-Paris-Chevé ou les plaisantins de la musique. Auguste Laget. Imprimerie A. Chauvin et fils (1882)

samedi 17 décembre 2016

«A présent seulement je prends tout à fait conscience de la manière combien pauvre et coupée de faveurs extérieures ma vie s'est déroulée depuis bien des années - maintenant que le silencieux espoir m'a quitté, que ces allègements et ces faveurs me viendraient nécessairement. Je ne cesse d'enrager aussitôt que j'y songe de ce que je n'aie personne avec qui je puisse réfléchir à l'avenir de l'homme - en fait je suis intérieurement tout à fait malade et blessé de la longue privation d'une compagnie qui soit faite pour moi. Rien ne me vient en aide, personne n'invente quelque chose qui pourrait me rasséréner et m'élever, rien ne se présente entre-temps qui me libère de toutes les impressions outrageantes dont les dernières années m'ont accablé. Mes yeux sont beaucoup plus affaiblis que jamais, si souvent la solitude me pèse.»

Lettre à Overbeck du 11 novembre 1883Friedrich Nietzsche

jeudi 15 décembre 2016

«Sur le tas des dalles d’ardoise descellées, grisâtres, qui étaient exposées au soleil couchant, un geai se tenait sur le dos, ailes grandes ouvertes, bec ouvert.

Le cheval s’ébroua. Mais l’homme caressa la longue et lourde chevelure qui recouvrait son échine.

Hagus, qui était le passeur de la rivière, attacha sa barque au tronc du grand aulne. Il vint se poster auprès du cavalier intrigué et du cheval immobile. Tenant sa gaffe posée sur son épaule, il mêla son regard à leurs regards.

Car quelque chose était étrange dans ce geai mort.

Alors Hagus prit son courage à deux mains et s’approcha de l’oiseau aux ailes bleues.

Mais il s’immobilisa presque aussitôt car le geai soulevait régulièrement ses plumes noires et bleu azur. Il se tournait un peu en respirant. Il s’y prenait de la façon suivante : un coup vers la rive et la barque et le feuillage de l’aulne et la rivière ; un coup vers les chardons et le cavalier tétanisé par sa vision et le cheval immobile et anxieux.

En vérité le geai offrait ses plumes colorées à la chaleur du dernier soleil.

Il les séchait.

Puis, en moins d’une seconde, il pirouetta, il se remit sur ses pattes et d’un bond il s’envola et se retrouva perché au bout de la gaffe du passeur de rive.

Alors Hagus sentit, sur son épaule, qu’il lui fallait quitter ce monde.

Il tourna la tête vers l’oiseau qui le regardait et qui poussait son cri affreux puis il se tourna vers le cavalier mais il n’y avait plus rien à côté de lui. Le chevalier et le cheval s’en étaient allés sans qu’il les ait vus disparaître.»

Les Larmes. Pascal Quignard. Bernard Grasset (2016)

mercredi 14 décembre 2016

«Le peintre Lebrun venait de mourir (1690), et avec lui disparaissait le genre académique, emprunté à l'Italie. Les draperies, les riches manteaux tombaient pour laisser place aux bergers, aux dominos, à la poudre et aux mouches. L'art splendide du Poussin s'effaçait devant Mignard, comme Vanloo devait s'effacer devant Boucher. Les boudoirs alors remplacent les ruelles des précieuses, l'ombres, le grand jour. Aux costumes sévères succèdent des étoffes légères, semées de paillettes, parsemées de fleurs. Les paniers égalent, en diamètre, la hauteur des dames ; les hommes mettent du fard ! - Le vêtement a toujours été un signe infaillible de décadence, or la décadence venait ; la noblesse blasée riait de tout et pour tout ; elle se faisait un jeu des cérémonies funèbres, allait voir supplicier les misérables en place de Grève, et louait d'avance les fenêtres, quand elle n'y allait pas en carrosse.»

De La Tour, peintre du roi Louis XV. Charles Desmaze. Doloy (1853)

jeudi 8 décembre 2016

«A ce moment, la crue prenait des proportions des plus redoutables ; le premier bâtardeau construit avenue de Muret, à la Croix-de-Pierre, était surmonté, et les eaux montaient de 0m30 à 0m35 par heure. A quatre heures et demie, le second bâtardeau de l'avenue de Muret, construit dans le but de  donner aux habitants de Saint-Cyprien le temps d'échapper au désatre, était à son tour franchi. A 5 heures, les eaux se déversaient sur le cours Dillon et franchissaient la balustrade qui le limite. Le bâtardeau de la rue Viguerie, élevé dans la nuit du 22, résistait encore ; mais les eaux avaient envahi l'hospice commençaient à faire irruption dans les quartiers bas de Saint-Cyprien ; la ruine de la Croix-de-Pierre était à peu près consommée. Une heure plus tard, Saint-Cyprien était envahi.»

Inondation du 23 juin 1875 - Rapport de l'ingénieur des Ponts et Chaussées, chargé du service municipal. Dieulafoy. Typographie Mélanie Dupin (1875)
«I Comté de Foix
Il se divise en haut & bas qu'arrosent l'Arriege, connue pour les truites saumonées & les aloses excellentes qu'on y pêche, comme par l'or qui se mêle au sable de ses bords ; la Rise dont le cours bizarre commence à la montagne du Maz-d'Azil, & se continue dans une vaste caverne d'une obscurité profonde où ses eaux se précipitent avec grand bruit ; l'Arget ou Argey qui, dans son cours peu étendu, nourrit une multitude poissons. [...] Ses vallées ont de beaux pâturages. Il renferme des mines de fer abondantes, & un grand nombre de forges où on le travaille, des mines d'argent, de cuivre & de plomb négligées, des carrières de marbre, de jaspe, &c.  des eaux minérales, des curiosités naturelles, de l'amiante qu'on y travaille, dont on fait des jarretieres, des cordons, des ceintures, & dont on ferait des toiles si on la savait mieux filer.»

Nouvelle description de la France, dans laquelle on voit le gouvernement général de ce royaume, celui de chaque province en particulier, et la description des villes, maisons royales, châteaux et monumens les plus remarquables, avec la distance des lieux pour la commodité des voyageurs. Jean-Aymard Piganiol de La Force. F. Delaulne ([1722)
«Voici d'après un acte de la fin du XVIIe siècle, quelles étaient les statues qui ornaient le portail :
Audit portail sont trois grandes figures en pierre, dont l'une posée dans le milieu représente le Sauveur, celle à droite représente Saint-Julien, et celle à gauche Saint Genès tenant d'une main un violon et de l'autre un archet, et dans le tour du cintre dudit portail sont insculptés en relief de pierres douze figures assises, qui sont six de chaque côté.
De celui de droite, en entrant :
La 1re figure joue d'un instrument difficile à cognoistre, à cause de l'antiquité.
La 2e figure joue d'une trompette marine.
La 3e figure, d'une musette.
La 4e figure, d'une fluste.
La 5e figure, de timballes.
La 6e figure, qui est tout en haut, représente un musicien qui tient un papier de musique développé.
Et du costé gauche :
La 1re figure, au dessus de la tête de Saint Julien, joue du serpent.
La 2e figure joue d'un instrument à six cordes qui est un sistre.
La 3e figure joue d'une harpe.
La 4e figure joue d'un luth.
La 5e figure joue d'un instrument en manière de harpe renversée dont les cordes sont en large devant luy.
La 6e figure qui est tout en hault et à costé de la clef dudit contre, joue du clavessin en forme d'épinette, et au-dessous de la traverse de la dicte porte, sont deux figures de chaque costé, qui représentent des musiciens, dont deux tiennent en main chacun un roulleau de papier de musique.»

La Corporation des ménétriers et le roi des violons. Eugène d'Auriac. E. Dentu éditeur (1880)
«Nous n'avons plus de provinces, & nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms.
Peut être n'est-il pas inutile d'en faire l'énumération : La bas-breton, le normand, le picard, le rouchi ou wallon, le flamand, le champenois, le messin, le lorrain, le franc-comtois, le bourguignon, le bressan, le lyonnais, le dauphinois, l'auvergnat, le poitevin, le limousin, le picard, le provençal, le languedocien, le velayen, le catalan, le béarnois, le basque, le rouergat & le gascon ; ce dernier seul est parlé sur une surface de 60 lieues en tous sens.»

Rapport sur la nécessité & les moyens d'anéantir le patois, & d'universaliser l'usage de la langue française ‎: séance du 16 prairial, l'an deuxième la République une & indivisible, suivi du décret de la Convention nationale, et envoyés aux autorités constituées, aux sociétés populaires, & à toutes les communes de la République. Grégoire‎. Imprimerie Nationale [1794]
«M. de Pompignan avoit probablement en vue dans cette ode, le célèbre auteur du poëme sur le désastre de Lisbonne, poëme dont nous ne citerons que ces quatre vers, qui auroient toujours dû être la devise de l'auteur :

Humble dans mes soupirs, soumis dans ma souffrance,
Je ne m'élève point contre la providence.
Dans une épaisse nuit cherchant à m'éclairer,
Je ne sais que souffrir, et non pas murmurer.»

Éphémérides politiques, littéraires et religieuses, présentant pour chacun des jours de l'année un tableau des évémens remarquables qui datent de ce même jour dans l'histoire de tous les siècles et de tous les pays, et commençant au I septembre 1796, pour finir au I septembre 1797. Mois de novembre. H. Neuville (1796)
«En 1608, Claude Guillaume Nyon, dit Lafont, alors roi des violons de France, fut informé de la réputation qu'avait acquise à Toulouse un certain Mathelin Taillasson, habile joueur de violon. Ce Taillasson, dont le frère était revêtu de la dignité de capitoul en 1613, ne fut pas seulement chanté par le poète Augier Gaillard, le charron de Rabastens ; il était tellement admiré dans le pays qu'on le citait comme une des merveilles de Toulouse, dans un distique méridional qui mettait sur le même rang : 1° la plus belle fille de l'époque, Paule de Viguier, dite la Belle Paule ; 2° une basilique admirable Saint-Sernin ; 3° un moulin sans rival, le Bazacle ; un artiste de talent, Mathelin Taillasson.
La Bello Paulo, San-Sarni
Lé Bazaclé, Mathali.»

La corporation des ménétriers et le roi des violons‎. Eugène d'Auriac. E. Dentu, éditeur (1880)

samedi 3 décembre 2016

Convergence freudienne

Ainsi parlait Zarathoustra  : un livre qui est pour tous et qui n'est pour personneFriedrich Nietzsche. Éditions Gallimard (1971)

«J'ai interrogé mon fermier sur le nombre des instruments. Et mon fermier m'a répondu :
- Je ne connais rien à votre boutique. Faut croire, les instruments, qu'il en manque quelques-uns : ceux qui nous auraient fait gagner la guerre... Voulez-vous souper avec nous ?
- J'ai déjà dîné.
Mais l'on m'a installé de force, entre la nièce et la fermière :
- Toi, la nièce, pousse-toi un peu... Fais une place au Capitaine.»

Pilote de guerreAntoine de Saint-Exupéry. Éditions Gallimard (1959)
«Voire mais que fera-t-il, si on le presse de la subtilité sophistique de quelque syllogisme ? Le jambon fait boire, le boire désaltère, par quoi le jambon désaltère. Qu'il s'en moque. Il est plus subtil de s'en moquer que d'y répondre.»

Les Essais : De l'institution des enfants. Montaigne. Librairie Générale Française (2002)

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (6)

«L'adolescence est une catégorie récemment créée par les exigences de la consommation de masse.»

Premiers matériaux pour une théorie de la jeune filleTiqqun. Mille et une nuits (2001)