samedi 19 avril 2014

«... partout où nous nous montrâmes nos tronches depuis presque bientôt trente ans, que ce soit dans les brasiers des villes, on en a fait des douzaines mi-consumées, ou plus que cendres, brides de décombres, de Constance presque en Suisse à Flenburg là-haut en France, mettons Courbevoie ou passage Choiseul ou rue Lepic, toujours bien eu le sentiment que j'aurais jamais dû exister... ni même ici même à Meudon, pourtant infiniment discret, on ne peut plus courtois bien élevé, serviable, si on m'a fait voir ce qu'on pensait...  d'abord par pétitions tambours, et puis plus fort tambouriné, tout ce que murmuré, et puis par disques et haut-parleurs, tout ce que j'étais dans les détails... dix fois Petiot, hyper-Landru... super bougnat, traître à vingt-cinq masques, pornographe à cent organes... oh, sans surprise !... le même, incroyable, à Copenhague, même qu'à Montmartre, même qu'à Zornhof Prusse, même qu'à Honolulu demain... surtout culot de se plaindre ! toutes âmes trempées autour de lui ! héros sublimes : Quos vult perdere ! (pages roses). »

[Quos vult perdere Jupiter dementat : Quand Jupiter veut perdre un homme, il lui ôte la raison.]

Rigodon. Louis-Ferdinand Céline. Gallimard (1969)

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