mercredi 22 janvier 2020

PBF 2020.02P : Un poulpe au regard de soie

Mercredi 22 janvier 2020 à 19H sur Radio-Radio, (en hertzien Toulouse : 106.8 Mhz ou sur https://www.radioradiotoulouse.net) nouvelle émission de la Petite Boutique Boutique Fantasque autour du travail de Pierre Henry sur les Chants de Maldoror de Lautréamont pour le feuilleton radiophonique qui a été diffusé sur France Musique en 1993.

Morceaux diffusés :
1) Les Ombres du soir (Hubert-Félix Thiéfaine)
2) Solfeggio Arvo Pärt (Jean-Baptiste Pergolèse) par l'Estonian philharmonie chamber choir dirigé par Tönu Kaljuste
3) Les Chants de Maldoror  (Lautréamont / Pierre Henry) 1er chant 
- Un chemin abrupt et sauvage
- J'ai fait un pacte avec la prostitution
- Alors les chiens
- Un poulpe au regard de soi
- Le frère de la sangsue

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/-un-poulpe-au-regard-de-soie/

Allons-y gaiement et sans mollir !

dimanche 19 janvier 2020

«Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses deviennent ordinairement incapables des grandes.»

Maximes et réflexions diverses. La Rochefoucauld. Garnier-Flammarion (1977)

mercredi 15 janvier 2020

Visionnage domestique parisien (33)

Les Jeunes loups. Marcel Carné (1968)

PBF 2020.01P : Les chats siamois de tes seins

Mercredi 15 janvier 2020 à 19H sur Radio-Radio, (en hertzien Toulouse : 106.8 Mhz ou sur https://www.radioradiotoulouse.net) nouvelle émission de la Petite Boutique Boutique Fantasque de l'année 2020 autour du livre de Michel de Saint-Pierre, les Aristocrates publié en 1954. L'émission commence par un entretien de cet auteur avec une journaliste. J'aime beaucoup la question qu'elle lui pose : 
«- A 18 ans, vous abandonnez La Sorbonne, où vous aviez commencé une licence de lettres. Vous partez pour Saint-Nazaire et vous vous engagez comme ouvrier-métallurgiste. A 19 ans vous êtes chef d'équipe. Pourquoi cette volonté de rupture avec votre milieu ?» La réponse qu'il donne à cette question est malheureusement très convenue comme vous pourrez l'entendre.


Morceaux diffusés :
1) Doux objets de mes sens (Charles d'Assoucy) par l'ensemble Faenza dirigé par Marco Horvat
2) Sancta Mater (Jean-Baptiste Pergolèse) tiré du Stabat Mater par Magali Léger, l'orchestre les Passions dirigé par Jean-Marc Andrieu
3) Season's song (Robert Plant)
4) Most holy mother of god (Jan Garbarek / Hilliard ensemble)
5) The electricity goes out and we move to a hotel (Laurie Anderson / Kronos quartet)
6) Ashes (Pussy warmers)

+ 4 extraits des Aristocrates de Michel de Saint-Pierre lus par Juliette (Éditions de la Table ronde, 1954) . Les thèmes de ces extraits sont :
- Rapports conflictuels d'un père avec sa fille
- Description saisissante d'un infarctus
- Présentation d'une maîtresse
- L'art moderne

Le titre de l'émission est emprunté à Adive d'André_Pieyre de Mandiarges. La phrase complète est : "Les chats siamois de tes seins qui jouent sous la soie, s'ils ronronnaient, mes doigts les entendraient [...]"

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/la-petite-boutique-fantasque-les-chats-siamois-de-tes-seins/

Allons-y gaiement et sans mollir !

lundi 13 janvier 2020

Visionnage domestique parisien (32) : joie du chant de la première scène


La double vie de VéroniqueKrystof Kieslowki (1991)

Weronika, chanteuse à la voix d’or, s’est brûlé un doigt lorsqu’elle était petite. Elle aime les boules de cristal et souffre du cœur. Au cours d’un concert à Cracovie, elle meurt sur scène d’une crise cardiaque. À Paris, une jeune femme se sent soudainement emplie d’une tristesse qu’elle ne comprend pas. Véronique chante et, enfant, a failli se brûler le doigt. Elle aime les balles magiques et souffre, elle aussi, du cœur…

Weronica vit à Cracovie, en Pologne. La jeune femme croque la vie à pleine dent et irradie de sa voix angélique le monde. Véronique, française installée à Clermont-Ferrant, semble quant à elle habitée par une douce mélancolie. Ces deux femmes séparées par des milliers de kilomètres se croisent un jour, au loin. De là naît un film aux questions qui resteront en suspens, laissant le spectateur face à une oeuvre poétique et trans-sensorielle. Car pourquoi vouloir tout expliquer lorsqu’il suffit de ressentir ? 

Ressentir la musique de Zbigniew Preisner qui amène La double vie de Véronique à un autre niveau et lui confère son atmosphère étrange, envoûtante. Une composition qui trouve son plus grand souffle lors d’un opéra interprété par Weronica et un spectacle de marionnettes auquel assiste Véronique. Sans le travail de Zbigniew Preisner, La double vie de Véronique ne serait pas cette oeuvre dont les images marquent profondément la rétine et hantent des jours entiers. Chaque plan imaginé par Krystof Kieslowki fait ressentir le lien spécial entre Weronica et Véronique, du choix des couleurs à la mise en scène de leurs habitudes communes. Jamais le cinéaste ne place face à l’évidence mais opte pour la carte de la pudeur. La double vie de Véronique n’est pas tape-à-l’oeil et prend son temps pour installer la relation entre Alexandre (Philippe Volter) et Véronique (Irène Jacob).

La naissance de ces deux amants qui s’aiment de manière silencieuse mais passionnée touche en plein coeur. Ce couple, Krystof Kieslowki l’aime aussi et il filme consciencieusement la belle Irène Jacob et le fascinant Philippe Volter partageant un rapport charnel. Baignée dans une lumière verte, l’actrice trouve là son plus beau rôle aux côtés de Trois Couleurs : Rouge du même cinéaste. Un artiste et sa muse, comme le cinéma en a très souvent connu (Anna Karina et Jean-Luc Godard pour ne citer qu’eux), forçant l’admiration. La double vie de Véronique n’aurait pas été le film qu’il est aujourd’hui sans la grâce de Irène Jacob dont le jeu est à l’image de la réalisation de Kieslowki : en retenue.

Le Bleu du miroir

samedi 11 janvier 2020

Visionnage domestique parisien (31)

Le Ventre de l'architecte. Peter Greenaway (1987)
«Je rendis encore une fois visite à Tatline, ce grand excentrique. Il habitait un vieil appartement exigu, où régnait un véritable capharnaüm, des poules dormaient dans son lit et pondaient des oeufs dans un coin de la pièce. Pendant que nous prenions le thé, Tatline me parla dessus souvenirs de Berlin, du grand magasin Wertheim et de la représentation qu’il avait donnée à la Cour. Derrière lui, était appuyée contre le mur un sommier métallique complètement rouillé, sur lequel étaient perchées quelques poules endormies, la tête rentrée sous les plumes. Il me joua des airs sur la balalaïka de sa propre fabrication, et bientôt, à travers la fenêtre sans rideau et dont certaines vitres étaient remplacées par des lattes de bois, je vis que la nuit était déjà tombée ; dans cette ambiance, Tatline cessa de m’apparaître comme un de ces constructivistes à la pointe de la modernité, pour devenir une sorte d’ultime témoin de la Russie éternelle. Comme dans les livres de Gogol, il régnait dans dans la pièce un humour mélancolique. Par la suite, je ne devais plus entendre parler de Tatline, ni même du Tatline, qui pourtant avait fait couler beaucoup d’encre en son temps. Sans doute est-il mort dans s a solitude, oublié de tous »

Un petit oui et un petit non : sa vie racontée par lui-même. George Grosz. Éditions Jacqueline Chambon (1990)
«Dans la force de notre âge, nos enfants nous entourent invisiblement comme des anges, même s'ils ne sont pas là.»

D'un bloc-notes à l'autre. François Mauriac. Bartillat (2004)
«- Rêvez-vous en couleurs demande l'esthéticien
-En quoi voulez-vous que je rêve répond l'Indien»

Adonides. Jacques Prévert. Maeght (1975)

Sous le soleil en contrebas

«Ce qui s'écrit c'est un corps 
dont ce soubresaut, dont le souffle
dont les crocs incestueux...
un corps où se creuse la route.»

Embrasure. Jacques Dupin. Gallimard (1969)
«J'ai laissé mon enfance
aux autres petits
ceux dont on rira
la bouche pleine.»

Parler seul. Tristan Tzara. Maeght (1950)

«Il ne faut pas voir la réalité telle que je suis.»

À toute épreuve. Paul Éluard. (1958)
«des céramiques qu'on peut se jeter sur la figure pendant les extases d'
A
M
OUR
non pas ces vitrines
figées de porcelaines
à la couleur des nichons 
des danseuses décadentes
dansant sur
la Seine
par un jour de brouillard
[...]
des istes aussi artichauts à trois cheveux
de radis que les ismes

De l'assassinat de la peinture à la céramique. Juan Miró. Cahiers d'art (1948)
«La famille coquelicot va à Montceau-les-Mines
Pour que les mineurs aient des fleurs.»

Il était une petite pie. Lise Hirtz (Deharme). Jeanne Bucher (1928)

Joan Miró

«Le surréalisme m'a permis de dépasser de loin la recherche plastique,
il m'a mené au cœur de la poésie,
au cœur de la joie ; joie de découvrir ce que je fais après l'avoir fait,
de sentir gonfler en moi, à mesure que je peins un tableau
le sens et le titre d'un tableau.»

Les Nouvelles littéraires. Pierre Bouvier (8 août 1968)

C’était mieux avant…

«Je voudrais montrer combien, autrefois, tout ce qui était grand se faisait avec de petits moyens, tandis que ce que font aujourd’hui les hommes est petit, quoique fait avec de grands moyens»

Essais et pamphlets : Dans les ténèbres. Léon Bloy. Robert Laffont Bouquins (2017)

Visionnage domestique parisien (30) / Croisement de vies nostalgène


A swedish love story. Roy Andersson (1969)


L'amour à quinze ans par Nicolas Giuliani

Nous voyons aujourd’hui Une histoire d’amour suédoise réalisé en 1969 – objet cinématographique intrigant, ensemencé déjà par les problématiques à venir (le burlesque, le cynisme, l’humour noir), mais dans lequel participe aussi l’innocence amoureuse de Pär et Annika, tout en fraîcheur et en gracilité.

Pär est venu voir son grand-père à la maison de repos. Il a quinze ans, une moto, un blouson et des airs de caïds que déjouent un sourire franc et des yeux rieurs – quel est donc l’enfant qui se meut dans ce corps de jeune adulte ? Annika est venu voir sa tante Eva. Elle a un grand chapeau à turban, un chien, une robe dans le vent. L’espace d’un instant, lors d’un buffet campagnard, leur regard se croise. Tout est dit, tout se tient dans ce régime dramatique, ténu et droit : il a suffit de quelques plans pour que Roy Andersson relève la gageure de la scène de première vue et nous raconte le mouvement amoureux, terriblement simple, de deux êtres qui se voient et semblent se reconnaître. Montage précis, alternance de champ contre-champ, chassé croisé des regards : la caméra, serrée en gros plan sur les visages d’Annika et de Pär, capte tout, par petites touches précises et fortes, et dessine les contours émus d’une première rencontre.

On a rarement vu un tel effet de réalisme, une telle coïncidence émotionnelle entre les personnages et la situation dramatique. Le désir, la honte, l’innocence, parfois la souffrance, se concrétisent dans l’évidence des situations. Rien n’est outré, tout se justifie. Le style tranché et net, d’une justesse imparable, fait penser à Pialat ; l’univers visuel, stylisé par une lumière douce, à un autre film suédois qui traitait également de l’amour de deux adolescents : Monika. Comme dans le film de Bergman, les deux adolescents se soustraient à la médiocrité du monde pour pouvoir vivre leur amour. Pendant ce temps les adultes offrent souvent le spectacle pitoyable et grinçant de gens englués dans leur étroitesse d’esprit. Alors que l’on fête l’écrevisse dans la maison de campagne des parents de Pär, le père d’Annika, commercial raté, cherche à refourguer un frigo. Le ton monte. Les masques tombent : chacun est un peu le clown grimé de son voisin ou le miroir déformant de son propre échec.

Les adolescents d’un côté, les parents de l’autre. L’amour, la vie, l’innocence, face à la honte, le désœuvrement et l’échec. Les tableaux sont fortement typifiés – et il est aisé de sentir que la caricature deviendra plus tard un des outils dramatiques de Roy Andersson. Mais dans Une histoire d’amour suédoise, on se prête au jeu de cette alternance, de ce va-et-vient oscillant entre innocence juvénile et désespérance adulte, car il nous donne envie de croire en Pär, Annika, et leur amour fragile qui éclate à l’écran comme une première fois.

https://www.critikat.com/actualite-cine/critique/a-swedish-love-story/

Éblouissement des prémisses (49)

«Le disque a changé notre rapport à la musique. En premier lieu la connaissance de la musique passe pour beaucoup par l'audition passive, alors qu'elle passait auparavant par la réappropriation active, par le déchiffrage d'une partition. [...] En second lieu, l'œuvre musicale, qui est par essence mobile, changeante et diverse, se fige inconsciemment pour nous en une unité statique, immobile et éternelle, considérée comme l'équivalent musical de la partition. Alors qu'une œuvre musicale n'est jamais exactement la même, puisque toute exécution est singulière, le disque au contraire peut nous amener à croire à l'identité de cette œuvre  pour autant que, à chaque fois qu'on met un disque, c'est exactement la même chose qu'on entend. Le disque, en ce sens, est la négation du musical. On comprend la différence entre l'audition d'un disque et celle d'un concert : si j'entends au disque ce que je sais déjà, parce que rien ne pourrait me surprendre dans la mesure où je l'ai déjà écouté un nombre incalculable de fois, le concert est un événement non reproductible dans lequel l'artiste surprend toujours mon attente et mes anticipations.»

Qu'est-ce que la musique ? Éric Dufour. Vrin (2005)

samedi 4 janvier 2020

En guise de carte de voeux 2020

Photographie Ektachrome sélectionnée pour les 10 ans de photographies. Que des verticales, barreaux de prison.  Quelle atmosphère grise de jour pluvieux, de jour sans joie !

mercredi 1 janvier 2020

«Pourquoi vous ai-je conté ceci ? Pour mettre en évidence la différence profonde qui existe entre la production spontanée de l'esprit -ou plutôt, par l'ensemble de notre sensibilité, et la fabrication des œuvres. Dans mon histoire, la substance d'une œuvre musicale me fut libéralement donnée ; mais l'organisation qui l'eut saisie, fixée, redessinée me manquait. Le grand peintre Degas m'a souvent rapporté ce mot de Mallarmé qui est si juste et si simple. Degas faisait parfois des vers, et il en a laissé de délicieux. Mais il trouvait souvent de grandes difficultés dans ce travail accessoire de sa peinture. (D'ailleurs, il était homme à introduire dans n'importe quel art toute la difficulté possible.) Il dit un jour à Mallarmé : "Votre métier est infernal. Je n'arrive pas à faire ce que je veux et pourtant, je suis plein d'idées..." Et Mallarmé lui répondit : "Ce n'est point avec des idées, mon cher Degas, que l'on fait des vers. C'est avec des mots."»

Variété III, IV et V. Paul Valéry. Gallimard (1936-1944)