lundi 30 mars 2015

Bibliothèque imaginaire (2)

«Approbation

J'ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier les Elemens de Mathématiques & les Tables des Sinus, des Tangentes, des Sécantes & des Logarithmes, avec la construction de ces Tables & les deux Trigonometries, rectiligne & sphérique par M. Rivard, & je n'y ai rien trouvé qui en puisse empêcher l'impression. A Paris ce 24 juin 1742. CLAIRAUT»


Tables des sinus, tangentes, secantes, et de leurs logarithmes; avec la construction de ces tables, et les problêmes de la trigonométrie rectiligne & spherique. Par M. Rivard, professeur de philosophie en l'université de Paris. A Paris, chez Jean Desaint & Charles Saillant (1743)

dimanche 29 mars 2015

«Il est, en effet, plus difficile de manier la phrase à son gré, de lui faire dire, même ce qu'elle n'exprime pas, de l'emplir de sous-entendus, d'intentions secrètes et non formulées, que d'inventer des expressions nouvelles ou de rechercher, au fond de vieux livres inconnus, toutes celles dont nous avons perdu l'usage et la signification, et qui sont pour nous comme des verbes morts.
La langue française, d'ailleurs est une eau pure que les écrivains maniérés n'ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. Chaque siècle a jeté dans ce courant limpide ses modes, ses archaïsmes prétentieux et ses préciosités, sans que rien surnage de ces tentatives inutiles, de ces efforts impuissants. La nature de cette langue est d'être claire, logique et nerveuse. Elle ne se laisse pas affaiblir,obscurcir ou corrompre.»

Le RomanGuy de Maupassant. Editions Belin / Editions Gallimard (2011)

samedi 28 mars 2015

Préfiguration 17/17 (3)

«Mais je pense aussi bien entendu et fatalement à Baudelaire, osant des choses énormes pour l'époque sur cette question recouverte d'une couche de sacré cuirassé. Dans son admirable article sur Delacroix qui vient de mourir, il  laisse tomber ceci par exemple :
"Je dois ajouter, au risque de jeter une ombre sur sa mémoire, au jugement des âmes élégiaques, qu'il ne montrait  pas non plus de tendres faiblesses pour l'enfance. L'enfance n'apparaissait à son esprit que les mains barbouillées de confiture (ce qui salit la toile et le papier), ou battant le tambour (ce qui trouble la méditation), ou incendiaire et animalement dangereuse comme le singe.
Je me souviens fort bien, disait-il parfois, que quand j'étais enfant, j'étais un monstre. La connaissance du devoir ne s'acquiert que très lentement, ce n'est que par la douleur, le châtiment, et par l'exercice progressif de la raison que l'homme diminue sa méchanceté naturelle.
Ainsi par le simple bon sens, il faisait un retour vers l'idée catholique. Car on peu dire que l'enfant, en général, est, relativement à l'homme, en général, beaucoup plus rapproché du péché originel."
 [...]
Tout de même, faire en plein 19e cette proposition anti-enfant qui se redouble d'une affirmation du péché originel, c'est aller tout simplement contre le 19e en son entier, c'est vomir le 19e dans un spasme insultant, c'est repousser la voix écrasante du 19e qui pourrait s'appeler Hugo ou Michelet, gardiens monumentaux de l'orthodoxie.»

Le XIXe siècle à travers les âgesPhilippe Muray. Editions Denoël (1999)
«Voir devant soi la haine et la fureur ; pire, les sentir en soi-même comme une crue ; chercher des causes de cela ; n'en point trouver qui suffisent ; ne pouvoir jamais inventer en aucun homme assez d'erreurs, de notions confuses, d'infatuation et de vanité pour rendre compte, si l'on peut dire, de ce cataclysme humain ; voir tous les héros à la roue et les lâches devant le fouet ; sans aucune colline ni montagne où se retirer, où ce flot n'arrive point. Savoir que, quand on se serait sauvé dans la lune, on en reviendrait aussitôt, non point pour faire digue, mais pour être flot ; par des raisons flamboyantes qui mordent le coeur ; par une émulation de souffrir, qui rend impitoyable ; par un amour, par un fol espoir ; par un remords aussi, d'avoir approuvé trop légèrement tant de discours emphatiques ; et, il faut le dire quoique ce soit plus amer, par une profonde paresse, un appétit de dormir, et, en dormant, d'être ouragan, avalanche, torrent ou flamme, sans pensée aucune, sans vouloir aucun. Car, dites-moi qui nous a donné cette pensée, cette arme qui est la pensée, sans nous en expliquer l'usage ?»


Mars ou la guerre jugéeAlain. Editions Gallimard (1936)

«Monsieur a quinze ans,  je crois, et moi, je le sais, j'en ai dix-neuf. Monsieur est gentilhomme ; je suis la fille d'un pauvre tourbier. Monsieur a tâté, sans doute, des filles de la ville ; quant à moi, je suis vierge ou peu s'en faut. De plus, si je devais m'éprendre de monsieur -m'éprendre tout de bon- et cela pourrait bien arriver hélas, si monsieur me possédait rien qu'une petite fois, je n'en récolterais que chagrin, flammes infernales, désespoir et même trépas. J'ajouterai, pour finir, que j'ai des pertes blanches et que je dois consulter le docteur Chronique, Crolique veux-je dire, mon prochain jour de sortie. A présent, il faut nous séparer ; le moineau a disparu, voyez, et monsieur Bouteillan qui vient d'entrer dans la pièce voisine peut nous observer tout à loisir dans le miroir suspendu au-dessus du sofa que dissimule ce paravent de soie.»

Ada ou l'ardeurVladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)

dimanche 22 mars 2015

«Hans ne pouvait plus admettre que sa femme se donne toujours raison à elle-même, de l'accuser lui d'être le seul coupable de la mésentente. Elle ne doutait pas un instant de la justesse de sa cause, de son innocence absolue. Il n'avait que des torts, à elle on ne lui faisait que du tort. Comme elle ne faisait jamais de mal, comme il ne faisait que du mal, il devait, pour que la paix revienne  à la suite des scènes de ménage, reconnaître qu'il avait tort, qu'il était le seul à avoir tort. Il devait capituler. Elle demandait la capitulation totale, sans conditions. Naturellement , puisqu'elle avait raison. Elle s'arrangeait pour qu'il fût toujours en état d'accusation. Il se débattait , bien entendu, comme un beau diable, il essayait de se justifier, de s'expliquer, donc, de se trouver des excuses. Ce qui faisait que plus il se débattait, plus il s'enfonçait aux yeux de sa femme, peut être même à ses propres yeux, dans le marécage de la culpabilité. Toute discussion était vaine, il se trouvait devant un mur , un mur sans oreilles, un refus d'entendre, elle était le refus incarné ; bien entendu il piquait des colères folles, des crises de rage et c'est justement cette crise de colère qu'elle espérait, consciemment ou non. De cette façon, la colère de l'homme étant obtenue, celui-ci ne pouvait plus se sentir coupable, ne pas être envahi par un remords énorme : et c'est ainsi qu'il capitulait, après chaque discussion, pendant des années, tous les jours, plusieurs fois pour jour. A la fin, elle pardonnait. Pas d'arrangement, pas de marchandage, pas de contrat, pas de parole entendue, c'était déjà pas mal qu'il obtienne le pardon.»

Journal en miettesEugène Ionesco. Mercure de France (1967)

dimanche 15 mars 2015

«Eh ! Quel est, en effet, j’en appelle à vos consciences, j’en appelle à vos sentiments à tous, quel est le grand péril de la situation actuelle ? L’ignorance.

 L’ignorance encore plus que la misère. L’ignorance qui nous déborde, qui nous assiège, qui nous investit de toutes parts. C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes.
 
 Et c’est dans un pareil moment, devant un pareil danger, qu’on songerait à attaquer, à mutiler, à ébranler toutes ces institutions qui ont pour but spécial de poursuivre, de combattre, de détruire l’ignorance.
 
 On pourvoit à l’éclairage des villes, on allume tous les soirs, et on fait très bien, des réverbères dans les carrefours, dans les places publiques ; quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire dans le monde moral et qu’il faut allumer des flambeaux dans les esprits ?
 
 Oui, messieurs, j’y insiste. Un mal moral, un mal profond nous travaille et nous tourmente. Ce mal moral, cela est étrange à dire, n’est autre chose que l’excès des tendances matérielles. Eh bien, comment combattre le développement des tendances matérielles ? Par le développement des tendances intellectuelles ; il faut ôter au corps et donner à l’âme.
 
 Quand je dis : il faut ôter au corps et donner à l’âme, ne vous méprenez pas sur mon sentiment. Vous me comprenez tous ; je souhaite passionnément, comme chacun de vous, l’amélioration du sort matériel des classes souffrantes ; c’est là selon moi, le grand, l’excellent progrès auquel nous devons tous tendre de tous nos veux comme hommes et de tous nos efforts comme législateurs.
 
Eh bien, la grande erreur de notre temps, ça a été de pencher, je dis plus, de courber l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel.
 
Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission [ … ] relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société.
 
 Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ?
 
Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies.
 
Il faudrait multiplier les maisons d’études où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd.
 Ce résultat, vous l’aurez quand vous voudrez.

Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique mouvement intellectuel ; ce mouvement, vous l’avez déjà ; il ne s’agit pas de l’utiliser et de le diriger ; il ne s’agit que de bien cultiver le sol. L'époque où vous êtes est une époque riche et féconde ; ce ne sont pas les intelligences qui manquent, ce ne sont pas les talents ni les grandes aptitudes ; ce qui manque, c’est l’impulsion sympathique, c’est l’encouragement enthousiaste d’un grand gouvernement. 
Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler et qui amoindriraient l’éclat utile des lettres, des arts et des sciences.
 
 Je ne dirai plus qu’un mot aux honorables auteurs du rapport.
 
Vous êtes tombés dans une méprise regrettable ; vous avez cru faire une économie d’argent, c’est une économie de gloire que vous faites.
 
 Je la repousse pour la dignité de la France, je la repousse pour l’honneur de la République.»



Petit extrait d'un discours prononcé le 10 novembre 1848 par Victor Hugo devant l’Assemblée nationale

samedi 14 mars 2015

«Ada n'était pas une fillette qu'on effarouchait aisément et sa délicatesse n'avait rien d'excessif : "Je raffole de tout ce qui rampe." Van n'avait  jamais eu l'occasion de remarquer chez elle le plus petit sursaut  de révolte virginale. Pourtant il lui suffisait de se remémorer deux ou trois rêves horribles pour imaginer l'offensée -dans la vie réelle, ou du moins dans la vie des comptes à rendre- reculant, l'oeil hagard, reléguant l'agresseur dans le désert de son désir pour aller tout dire à son institutrice ou à sa mère -ou encore à un gigantesque laquais (introuvable dans le logis, mais non pas incroyable en rêve : bien au contraire, perforable à souhait, comme une outre de sang qu'on crève d'un coup de ceste clouté); l'incident était nécessairement suivi d'une mesure d'expulsion définitive...»

Ada ou l'ardeur. Vladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)

vendredi 13 mars 2015

Épiphanie artefactuelle (10)


«Tu voudras bien écrire
Autrement.

Voir naître sous ta main,
sous tes yeux,

Quelque forme
qui ne te rappelle rien,
Mais en vain :

Tu es condamné»


Art poétiqueGuillevic. Editions Gallimard (1989) 

jeudi 12 mars 2015

«En somme le public est composé de groupes nombreux qui nous crient : 
- Consolez-moi.
- Amusez-moi.
- Attristez-moi.
- Attendrissez-moi.
- Faites-moi rêver.
- Faites-moi rire.
- Faites-moi frémir.
- Faites-moi pleurer.
- Faites-moi penser.
Seuls quelques esprits d'élite demandent à l'artiste :
- Faites-moi quelque chose de beau, dans la forme qui vous conviendra le mieux, suivant votre tempérament.
L'ariste essaie, réussit ou échoue.»

Le Roman. Guy de Maupassant. Editions Belin / Editions Gallimard (2011)

dimanche 8 mars 2015

Querelle des Anciens et des Modernes (1)

«Le temps qui seul fait la réputation des hommes, rend à la fin leurs défauts respectables. La plupart des idées bizarres et gigantesques de cet auteur ont acquis au bout de deux cent ans le droit de passer pour sublimes ; les auteurs modernes l'ont presque tout copié ; mais ce qui réussissait chez Shakespeare est sifflé chez eux, et vous croyez bien que la vénération qu'on a pour cet ancien augmente à mesure que l'on méprise les modernes.»

Lettres philosophiques. Voltaire. Garnier-Flammarion (1964)

Quelques Éléments de la Société du Spectacle (2)


17

«La première phase de la domination de l'économie sur la vie sociale avait entraîné dans la définition de toute réalisation humaine une évidente dégradation de l'être en avoir. La phase présente de l'occupation  totale de la vie sociale par les résultats accumulés de l'économie conduit à un glissement généralisé de l'avoir au paraître, dont tout "avoir" effectif doit tirer son prestige immédiat et sa fonction dernière. En même temps toute réalité individuelle est devenue sociale, directement dépendante de la puissance sociale, façonnée par elle. En ceci seulement qu'elle n'est pas, il lui est permis d'apparaître.»

La Société du SpectacleGuy Debord. Éditions Gallimard (1992)
«Les balles continuent à pleuvoir autour de moi, je risque  d'être à nouveau atteint ; je fais donc tout mon possible pour me traîner dans un trou, j'ai bien du mal à m'y blottir. Le combat est terminé, tous mes camarades ont battu en retraite, et nous les blessés, nous restons abandonnés, sans soin, mourant de soif.
Quelle affreuse nuit !
Rien que la fusillade, car à chaque bruit que fait un blessé, la fusillade reprend, au beau milieu de la nuit, la mitrailleuse balaye  le terrain, les balles me passent par-dessus la tête, mais elles ne peuvent m'atteindre dans mon trou, la soif me torture de plus en plus, j'arrache des poignées d'avoine que je mâche.
Le canon ne cesse de gronder car les allemands bombardent la ville de Longwy.
La nuit s'avance, comme je souffre, je pense alors à mes parents, surtout à ma mère, comme quand j'étais malade et que j'étais tout petit, et je ne suis pas seul à penser à ma mère, car j'entends les blessés et les mourants appeler leur maman.»


Paroles de poilus : lettres et carnets du front 1914-1918. Désiré Edmond Renault. Radio France (1998)

samedi 7 mars 2015

«Enfin la mise en scène atteste l'indifférence profonde et de l'impresario et de l'auditoire pour les règles esthétiques du drame. Les vastes dimensions du théâtre, chez les anciens, la représentation donnée en plein jour, ne laissaient pas de prise aux finesse du geste : des hommes y jouaient les rôles de femmes : il fallait communiquer à la voix un plus ample volume, toutes conditions scéniques et acoustiques exigeant l'emploi du masque sonore. Les Romains adoptèrent les mêmes pratiques : quand la pièce était jouée par des amateurs, ceux-ci ne se montraient jamais que masqués. Il n'en fut point ainsi pour les représentations des comédies traduites ; les acteurs ne reçurent pas le masque obligé et artistique de la Grèce ; par suite, et sans compter les autres inconvénients non moins sérieux, il leur fallut, dans les conditions acoustiques très défectueuses de la scène latine, forcer la voix au-delà des limites convenables.»

Histoire romaine Livre I à IV : Des commencements de Rome jusqu'aux guerres civilesTheodor Mommsen. Bouquins Robert Laffont (1985)

vendredi 6 mars 2015

Bibliothèque imaginaire (1)



000 $062,67,88
003 100083676
200 1#$aLe @monarque accompli ou prodiges de bonté, de savoir et de sagesse qui font l'éloge de Sa Majesté Impériale Joseph II. Et qui rendent cet auguste monarque si précieux à l'humanité, discutés au tribunal de la raison & de l'équité par Mr de Lanjuinais...
210 ##$aA Lausanne$cChez Jean Pierre Heubach. M. DCC. LXXIV$d1774
215 ##$a3 vol. ([1-1bl.-1-1bl.]-490 ; [1-1bl.]-308 ; [1-1bl.-1-1bl.]-330-1 p.$din-8
307 ##$aBandeau, lettres ornées, gravés sur bois
600 #1$3027484688$3027797376$2rameau
620 ##$dLausanne
686 ##$a5511C$2brp-sys
700 #1$303364618X$4070
801 #1$aFR$bBSG/AIC-SAFIG$c19991201
E01
e01 $a06-03-15$bx
930 ##$b315552103$a10820 (1-3)$jg
991 ##$aCatalogage retrospectif-2015-FINANCEMENT ABES-CRE-DER-Fonds Montauban$bPRES-SICD$bcrédits ABES2014
A97 06-03-15 08:41:42.000
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A99 523596375
E316 ##$aNotre exemplaire contient en fin de volume 3 un arrêt de la cour du Parlement signée Dufranc sur des pages qui se déplient. Reliure veau, 18ème siècle, dos orné à nerfs
E317 ##$aCachets : "Bibliothèque du Tribunat" cote BIII no932ter (vol 1 et 2), FIII no3036 (vol 3) "Faculté de théologie protestante de Montauban" et "Bibliothèque universitaire de Montauban"
E712 02$3058649794$4390
E712 02$3058294902$4390



Arrest de la cour du Parlement

La Cour, toutes les Chambres assemblées, a ordonné & ordonne que ladite Brochure sera lacérée & brûlée au pied du grand Escalier du Palais, par l’Exécuteur de la Haute-Justice, comme séditieuse, tendance à la révolte & à soulever les esprits contre toute autorité légitime, attentatoire à la souveraineté des Rois, & destructive de toute subordination, en cherchant à anéantir, s’il étoit possible, dans le cœur des Peuples les sentimens d’obéissance, d’amour & de respect, qu’ils doivent à leurs Souverains ; fait défenses à tous les Imprimeurs, Libraires, & autres, de l’imprimer, vendre, débiter ou autrement distribuer, à peine d’être poursuivis extraordinairement : Enjoint à tous ceux qui en ont des exemplaires, de les remettre incessamment au Greffe de la Cour, pour y être supprimés ; ordonne qu’à la requête, poursuite & diligence du Procureur-Général du Roi, il sera informé pardevant le Conseiller-Rapporteur que la Cour commet à cet effet, contre les auteurs, Imprimeurs & Distributeurs de ladite Brochure ; pour, l’information faite & communiquée au Procureur-Général du Roi, être par lui requis, & par la Cour ordonné ce qu’il appartiendra ; comme aussi ordonne qu’un exemplaire de ladite Brochure sera déposé au Greffe de la Cour, pour servir à l’instruction du Procès ; ordonne en outre que le présent Arrêt sera imprimé, lu, publié & affiché par-tout où besoin sera. Fait en Parlement, toutes les Chambres assemblées, le trois Mai mil sept cent soixante seize.
Signé, DUFRANC


Et le Lundi 6 Mai 1776, à la levée de la Cour, ladite Brochure imprimée énoncée en l’Arrêt ci-dessus, ayant pour titre : Le Monarque accompli, &c. par Me de Lanjuinais, Principal du Collège de Moudon, avec cette épigraphe latine : Narrando laudare & laudando monere, novum scribendi genus hactenùs intactum, contenant trois volumes, a été lacrée & brûlée au pied du grand Escalier du Palais, par l’Exécuteur de la Haute-Justice, en présence de nous François-Louis Dufranc, l’un des trois premiers & principaux Commis pour la Grand’Chambre, assisté de deux Huissiers de la Cour.
Signé, DUFRANC


mercredi 4 mars 2015

«La vieillesse de l'aigle vaut mieux que la jeunesse de l'alouette.»

Le Divertissement des Sages. Jean-Marie du Vernon. G. Josse (1665)
«Il y a trois unités primitives et de chacune il ne saurait y avoir une seule : un Dieu, une vérité et un point de liberté, c'est à dire (le point) où se trouve l'équilibre de toute opposition.»

Mystère des bardes de l'île de Bretagne ou la doctrine des bardes gallois du Moyen-âge. Adolphe Pictet. Joël Cherbulliez, libraire-éditeur (1856)

dimanche 1 mars 2015

«.. vous savez bien de qui je veux parler, la jeune femme rousse, que vous a-t-elle fait ? Quelles raisons aviez-vous de lui en vouloir ? Répondez !! (Ricanement du Tueur.) Admettons que vous détestez les femmes : elles vous ont peut être trahi, elles ne vous ont pas aimé parce que... vous êtes... enfin, vous n'êtes pas très beau... c'est injuste en effet, mais il n'y a pas que l'érotisme dans la vie, dépassez cette rancune... (Ricanement du Tueur.) Mais l'enfant, l'enfant, que vous a-t-il fait ? Les enfants ne sont coupables de rien ! N'est-ce pas ? Vous savez de qui je veux parler : du petit que vous avez jeté dans le bassin avec la femme et l'officier, le pauvret... les enfants sont notre espoir, on ne doit pas toucher à un enfant, c'est l'opinion générale ! (Ricanement du Tueur.) Peut-être pensez-vous que l'espèce humaine est mauvaise en soi. Répondez ! Vous voulez punir l'espèce humaine même en l'enfant, dans ce qu'elle a de moins impur...»

Tueur sans gages. Eugène Ionesco. Editions Gallimard (1958)