mercredi 29 juillet 2020

«La télévision m'aura fait voir et presque toucher ce phénomène essentiel du monde moderne, ce détournement des passions de millions d'êtres humains au profit de ce qui les divertit de leur vie besogneuse : le sport innombrable. Seuls les professionnels et les amateurs de toutes sortes de compétitions (et ce qu'il y en a, c'est à ne pas croire !) mettent en mouvement ces foules immenses qui ne hurlent plus aujourd'hui que pour encourager une équipe ou insulter  l'arbitre.»

D'un bloc-notes à l'autre. François Mauriac. Bartillat (2004)
«Hier, Maria -passionnée jusque-là par la pop : les Who's sont me semble-t-il sa passion- est entrée en  courant dans ma cabane : Qu'est-ce qui passe en ce moment à la radio, Papa ? As-tu le disque ? C'était le début du troisième mouvement de la 2e Symphonie de Malher -avec ce roulement impérieux de timbales sur lequel s'appuie le thème discontinu de perpetuum mobile, bientôt brisé, coupé net comme au sécateur par les coups de timbales, et qui repart pourtant, et qui, repart pourtant, et qui s'obstine. La joie de Maria était si grande, si profonde, si naïve aussi : son âme, son coeur venaient de s'ouvrir à cette musique.»

Les Papiers de Walter Jonas. Baptiste Marrey. Actes Sud (1985)

Le monde est si petit et il n'y a, peut être, pas de hasard !

La dernière émission de la PBF avait comme illustration Haydée Politoff que l'on retrouve sur le numéro d'été des Cahiers du cinéma toujours dans la Collectionneuse d'Éric Rohmer...

mardi 28 juillet 2020

«Autrefois, il y avait la Gloire qui vivait sans bruit comme sans magnificence et, quoiqu'elle fut grande souveraine, elle ne revêtait jamais d'autre pourpre que celle de son propre sang quand elle se répandait pour devenir immortelle. Aujourd'hui que l'immortelle est décédée, l'infâme drôlesse qui l'a détrônée, l'Opinion publique, nage dans les splendeurs, car son concubin préféré est le plus incontinent des aveugles riches et il s'appelle le Succès.
Dans une société égalitaire toute supériorité est donc un crime et le plus grand des crimes, puisqu'il tombe sur toutes les têtes à la fois et qu'il lèse la solde majesté du Nombre. aussi la noble Gloire n'est-elle plus possible dans cet ergastule révolté ! »

Propos d'un entrepreneur de démolitions In essais et pamphlets. Léon Bloy. Robert Laffont. Bouquins (2017)
«On chante, on danse ici l'on fait mille merveilles
L'on use d'instrumens de toutes les façons
L'un vous prend par les yeux l'autre par les oreilles
Jugez si l'amour pèche avec tant d'hameçons ?»

L'opéra. Nicolas Bonnart éditeur
«XI
La nature est déjà peinte, les objets fouillés
Nous n'avons qu'à les rejoindre, et retrouver
Les signes de l'esprit, par l'esprit plastique rayés
En recherchant les tons perdus dans les objets
[...]»

Réflexions sur Pascin. Isidore Isou

«Le Grand Bouleversement
Le déplacement du centre de gravité dans
L'art, la littérature, la musique,
La diversité des fortunes, considérées sous l'aspect
De la construction et la composition,
La Nécessité de se tourner avec intensité
Vers la Nature intérieure et de renoncer par conséquent
À tout embellissement des formes extérieures de la Nature,
[...]
Tels sont, dans l'ensemble, les signes de la Renaissance intérieure.
Montrer les caractères et les manifestations de cette transformation
Faire ressortir la continuité de cette tendance par rapport
Aux époques passées, faire apparaître les impulsions intérieures
Dans toutes les formes qui provoquent une réaction intime chez
Le spectateur, tel est le but que le Blaue Reiter s'efforcera d'atteindre.»

Catalogue de la première exposition du Blaue Reiter. Franz Marc (1911)
«- Tout le monde a besoin d'amour.
- Vous avez changé. Vous avez perdu votre cynisme.
- Je n'en ai plus l'usage depuis que j'ai cessé de lutter.
- Il y a toujours une raison de lutter.
- Pas pour moi. Après  la crise, j'ai perdu ma femme et mon fils.
- Pardon, je ne savais pas...
- Ils sont plus heureux là où ils sont que dans ce monde de peur et d'incertitude.
- Vous avez changé, je vois bien.
- Depuis la perte de ma famille, je crois m'éveiller d'un rêve.
- Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- J'étais employé de banque. J'avais une vie monotone. Jour après jour, compter l'argent des autres. Et puis le rythme s'est brisé. J'ai perdu mon poste. La suite est très confuse, un cauchemar où je vivais dans un monde irréel, un monde horrible. Et me voici réveillé. Je me demande parfois si ce monde a existé.
- Vous avez subi une terrible épreuve mais il ne faut pas se résigner.
- Le désespoir est une drogue qui mène à l'indifférence.
- C'est renoncer à la vie.
- Nous devons tous y renoncer.
- Pas avant notre heure.
- Pourquoi ? 
- Vous faut-il toujours une raison ?
- Cela aiderait un peu.
- La vie dépasse la raison.
- Il vous faut continuer, accomplir votre destinée.
- Ma destinée...»

Monsieur Verdoux. Charlie Chaplin (1947)
«La musique est peut être de tous les arts le plus étranger à tout érotisme. Par opposition à cette insupportable érotomanie qui est une forme de la morosité contemporaine et du mortel blasement, l'innocence d'un Moussorgski, d'un Albeniz, d'un Ravel, ne représente-t-elle pas une merveilleuse leçon de pudeur et de pureté ?»

La musique et l'ineffableVladimir Jankélévitch. Le Seuil (1983)

dimanche 26 juillet 2020

Visionnage domestique parisien (46)

Souvenirs d'en France. André Téchiné (1975)

Distanciation brechtienne et absence d'identification...

Réminiscence personnelle (44)

«Dehors, la fenêtre ouverte cadre un morceau de lac, d'un bleu léger, et, là-haut, des nuages qui courent sans but. Comme ma vie. Pourquoi les marins me sont-ils si pénibles de lus en plus asphyxiants Je me réveille pris dans une purée désespérée comme si le monde allait s'écrouler Ce serait trop beau Le monderas bêtement d'une solidité de roc Il n'y a que moi qui m'écroule Les autres vaquent sans souci à leurs affaires »

Les Papiers de Walter Jonas. Baptiste Marrey. Actes Sud (1985)

Visionnage domestique parisien (45)

Au coeur du mensonge. Claude Chabrol (1998)

mercredi 22 juillet 2020

Réminiscence personnelle (43)

«Une fois de plus, cette solitude si ardemment enviée et enfin acquise, avait abouti à une détresse affreuse ; ce silence qui lui était autrefois apparu comme une compensation des sottises écoutées pendant des ans, lui pesait maintenant d'un poids insoutenable.»

À reboursJ.-K. Huysmans. Gallimard (1977)


Réminiscence personnelle (42)

«Le tas confus des lectures, des méditations artistiques, qu'il avait accumulées depuis son isolement ainsi qu'un barrage pour arrêter le courant des anciens souvenirs, avait été brusquement emporté, et le flot s'ébranlait, culbutant le présent, l'avenir, noyant tout sous la nappe du passé, emplissant son esprit d'une immense étendue de tristesse sur laquelle nageaient, semblables à de ridicules épaves, des épisodes de son existence, des riens absurdes.»

À reboursJ.-K. Huysmans. Gallimard (1977)

PBF 2020.17 : Elle appose, rouge, le sceau

Ce mercredi 22 juillet 2020 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque intitulée : Elle appose, rouge le sceau. Ce titre provient d'un beau quatrain de François Cheng tiré du recueil Enfin le royaume paru chez Poésie/ Gallimard
Sur le fond de brume, l'aube dessine
Un ruisseau bordé de saules, 
Et puis, tout au bas du ciel, 
Elle appose, rouge, le sceau
Elle est encore réalisée avec les moyens du bord et diffusée en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming
https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.
Programmation musicale :
1) Le Jour de clarté (Graeme Allright)
2) Marietty (Chloé Mons)
3) Ô mon Dieu (Christophe)
4) Twilight (Acid mothers temple)
5) Cause we're ended (Jeff Beck / Tal Wilkenfeld) 
6) If you can't give me love (Suzy Quatro) 
7) Silver threads and golden needles (Linda Ronstadt)
8) Michael (Joan Baez)
9) Tears of a clown (The Beat)
10) Recuerdos de Alhambra (Torrega) Alexandre Lagoya, Academy of Saint Martin in the Fields, Kenneth Sillito
11) Ederlezi (Goran Bregovic) 

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF :
https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/pbf-202017-elle-appose-rouge-le-sceau/

Allons-y gaiement et sans mollir !

Photographie d'Haydée Politoff

jeudi 16 juillet 2020

«Il y avait, selon lui, que deux manières d'organiser une chambre à coucher : ou bien en faire une excitante alcôve, un lieu de délectation nocturne ; ou bien agencer un lieu de solitude et de repos, un retrait de pensées, une espèce d'oratoire.
Dans le premier cas, le style Louis XV s'imposait aux délicats, aux gens épuisés surtout par des éréthismes de cervelle ; seul en effet, le XVIIIe siècle a su envelopper la femme d'une atmosphère vicieuse, contournant les meubles selon la forme de ses charmes, imitant les contractions de ses plaisirs, les volutes de ses spasmes, avec les ondulations, les tortillements du bois et du cuivre, épiçant la langueur sucrée de la blonde, par son décor vif et clair, atténuant le goût salé de la brune, par des tapisseries aux tons douceâtres, aqueux, presque insipides.
[...]
Dans l'autre cas -et maintenant qu'il voulait rompre avec des irritants souvenirs de sa vie passée, celui-là était seul possible- il fallait façonner une chambre en cellule monastique ; mais alors les difficultés s'accumulaient, car il refusait à accepter, pour sa part, l'austère laideur des asiles à pénitence et à prière.»

À rebours. J.-K. Huysmans. Gallimard (1977)
«Saint-Simon est une apocalypse d'acier, une machine infernale. Il a décidé un déluge. Tout va à la décadence à la confusion, au chaos ? Déjà ? Depuis toujours ? La révélation qu'on en fait va provoquer une "convulsion générale" ? Le comble : il va s'excuser pour finir de son style. Lui ! "Je ne fus jamais un sujet académique ; je n'ai pu me défaire d'écrire rapidement." Quelle arrogance ! Quelle insolence ! Quelqu'un me dit : "On comprend, à le lire, que la guillotine ait surgi." Et oui : trop de vérité, trop de matière emportée, trop de courant, coupez-moi ça, du calme. Il nous noierait l'animal ! Sa stratégie ? Le tourbillon, la cataracte, et : "Faire surnager à tout la vérité la plus pure." Mais qui a envie de "surnager" dans ces conditions ?»

La guerre du goût. Philippe Sollers. Gallimard (1994)

mardi 14 juillet 2020

Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaires, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent, il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir.
Pascal


«Personne n'a jamais pu réfuter l'impitoyable analyses que Pascal a faite, dans les Pensées, de l'ennui comme l'étoffe même des jours de notre vie sous les braderies et les passementeries dont nous essayons, plus ou moins vaillamment, de l'agrémenter. Voltaire et Mme du Deffand tâtèrent en frémissant cette bure, qui démentait en secret l'éclat des Lumières. Mais c'est au XIXe siècle que l'ennui, devenu "mal du siècle" dans l'éloquence de René, ne cessa d'aggraver ses ravages et de multiplier les prestiges qui le détournaient vainement de sa rêche vérité. Avec À Rebours en 1884, l'ennui romantique, enfiévré par le "spleen" de Baudelaire, qualifié de "névrose" par le diagnostic de Zola, se flatta enfin d'entrer en agonie.»

Préface d'À rebours. Marc Fumaroli. Gallimard (1977)

vendredi 10 juillet 2020

Visionnage domestique parisien (44)

Film. Alain Schneider sur un scénario de Samuel Beckett (1964)

Éblouissement des prémisses (50)

«Quoiqu'il tentât, un immense ennui l'opprimait. Il s'acharna, recourut aux périlleuses caresses des virtuoses, mais alors sa santé faiblit et son système nerveux s'exacerba ; la nuque devenait déjà sensible et la main remuait, droite encore lorsqu'elle saisissait un objet lourd, captivante et penchée quand elle tenait quelque chose de léger tel qu'un petit verre.
Les médecins consultés l'effrayèrent. Il était temps d'enrayer cette vie, de renoncer à ces manoeuvres qui alitaient ses forces. Il demeura, pendant quelque temps tranquille ; mais bientôt le cervelet s'exalta, appela de nouveau aux armes. De même que ces gamines qui, sous le coup de la puberté, s'affament de mets altérés ou abjects, il envient à rêver, à pratiquer les cours exceptionnelles, les joies déviées ; alors, ce fut la fin : comme satisfaits d'avoir tout épuisé, comme fourbu de fatigues, ressens tombèrent en léthargie, l'impuissance fut proche.
Il se retrouva sur le chemin, dégrisé, sel, abominablement lassé, implorant une fin que la lâcheté de sa chair l'empêchait d'atteindre.»

A rebours. J.-K. Huysmans. Gallimard (1977)

mercredi 8 juillet 2020

«A la terrasse du café, des couples pratiquaient le bouche à bouche, et la salive dégoulinait le long de leurs mentons amoureux ; parmi les plus acharnés à faire la ventouse se trouvaient Lamélie et un ératépiste, Lamélie surtout, car l'ératépiste n'oubliait pas de regarder sa montre de temps à autre vu ses occupations professionnelles. Lamélie fermait les yeux et se consacrait religieusement à la languistique.»

Les fleurs bleues. Raymond Queneau. Gallimard (1965)

PBF 2020.16 : Trop de concombres, pas assez de verbes

Première émission totalement parisienne après le retour sur site, intitulée : Trop de concombres, pas assez de verbes. Elle est toujours réalisée avec les moyens du bord et diffusée le mercredi 8 juillet 2020 à 19 H en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming
https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.

Cette émission comprend Une chronique de l'univers, place Pinel qui pose la question fondamentale : pourquoi la place Pinel ?


Programmation musicale :
1) Underground tango (Goran Bregovic)
2) Dis quand reviendras-tu ? (Grande Sophie)
3) Chimène (René Joly)
4) Rain (Pickford project)
5) La fin de l'histoire (Maneige)
6) Morceau traditionnel chinois joué par Li Yan (erhu) et Chen Jean (guzheng)
7) Music Queen (Camel)
8) Nuages (Claude Debussy) par Les Siècles dirigé par François-Xavier Roth

+ C
hronique de l'univers, place Pinel de Marius Pinel : Pourquoi la place Pinel ?
+ cri du cochon d'Inde de Jeanne qui demande un peu de poivrons

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF :
https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/pbf/

Allons-y gaiement et sans mollir !

jeudi 2 juillet 2020

«Avec la langue française et l'écriture de fiction, j'ai commencé par essayer de faire [...] comme le petit garçon qui démonte un réveille-matin. J'ai essayé de démonter les lettres, les phrases, les paragraphes, les chapitres et les livres, et de réorganiser le jeu.»

Entretiens, conférences, textes rares, inéditsGeorges Perec. Joseph K (2019)

mercredi 1 juillet 2020

Visionnage domestique parisien (43) : pour Jean Christophe

L'acrobate. Jean-Daniel Pollet (1976)

Réminiscence personnelle (41)

«C'est effrayant d'être bâtie de telle sorte qu'on ne peut retenir ses larmes, et qu'on pleure pour la moindre chose qui vous émeut.»

Invitation à la valse. Rosamond Lehmann. Plon (1955)

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (25)

«La Jeune-Fille est le geôlier d'elle-même, prisonnière d'un corps fait signe dans un langage fait de corps.»

Premiers matériaux pour une théorie de la jeune filleTiqqun. Mille et une nuits (2001)

PBF 2020.15 : Moitié goéland, moitié potager

Première émission toulouso-parisienne après le déconfinement, intitulée Moitié goéland, moitié potager. Elle est toujours réalisée avec les moyens du bord et diffusée le mercredi 1er juillet 2020 à 19 H en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming 
https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud. 
Cette émission est la dernière de la série des émissions toulousaines produites lors du confinement et du déconfinement avec la participation de Jeanne Tympa .



Programmation musicale :

1) Pritouritze planinata (The Bulgarian State Radio & Television Female Vocal Choir)
2) Love (Bill Frizell)
3) Games without frontier (Peter Gabriel)
4) The last dance (Ken Hensley)
5) El can't del ocells (version Pau Casals) Lluis Claret et les violoncellistes de Barcelone
6) Shalom Alechem (Barcelona gipsy klezmer orchestra)
7) Les barricades mystérieuses (François Couperin) Jean Rondeau et Thomas Dunford
8) Chribim chiribom (Barry sisters)
9) The bluest blues (Alvin Lee)
10) Cosmic dancer (Nick Cave)


+ extrait de Tirez sur le pianiste (François Truffaut), avec la voix de Marie Dubois

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF :

Allons-y gaiement et sans mollir !