dimanche 30 avril 2023

vendredi 28 avril 2023

«J'ai un rêve. Ça serait d'avoir les deux Nobel, parce que ça me sortirait de l'emmerdement : celui de la paix et celui de la littérature. J'ai demandé, je demande partout. Ça ne vient pas. Mais les deux Nobel, ça me sortirait, je serais content. Mais alors, oui, oui, oui, Voltaire le disait, n'est-ce pas, mélancoliquement et c'est rare que Voltaire soit mélancolique, mais enfin il l'était un jour, il disait : je fréquente beaucoup les tragédiens grecs mais je n'en vois que trois : Sophocle, Euripide et Eschyle. Ils traitent tous les trois les mêmes sujets en même temps et puis après, il n'y a plus personne. Alors, dit Voltaire qui était assez théoricien, il vient une giclée dans un certain pays, à un certain moment, représentée par trois, quatre types, et puis, après, une nuée de bonnes gens qui ne veulent rien dire, une myriade de crottes qui sont partout. Bon, c'est un peu ce qui s'est produit en France pour l'impressionnisme. Il y a dix gros impressionnistes, surtout trois ou quatre très gros, et puis, après, des imitateurs. C'est comme un feu d'artifice. Après, il n'y a plus rien. Voltaire remarque encore : Faire des fables après La Fontaine, c'est ridicule. Bien sûr, des fables il y en a toujours. Mais en somme il y a plus rien à dire. C'est fini après La Fontaine. Rien. Plus personne. Mais c'est comme ça pour tout, bien sûr. Il y a de bonnes années et puis, après, il y a des années creuses et même des époques creuses, n'est-ce pas. C'est fini.»

Entretien de Louis-Ferdinand Céline avec Roger Mauge. Le Figaro 19/04/2023

jeudi 27 avril 2023

Visionnage toulousain en salle (52) à Utopia Tournefeuille


 Bach pour tous. Jacques Mitsch (2023)

Visionnage toulousain en salle (51) à Utopia Borderouge


 

Visionnage toulousain en salle (49 bis) au Cratère

Légio patria nostra. Kevin Favillier (2023)

Visionnage toulousain en salle (50 quater) à Utopia Tournefeuille avec Louloute


Comment on arrive à doser l’émotion inhérente à ce qu’elle traverse et éviter le piège facile du film ultra-larmoyant ?

C’était évidemment le grand défi. De ne pas abîmer cette émotion mais sans la restreindre. Je savais dès le départ que je n’allais pas utiliser de voix off pour traduire à l’écran les pensées de la jeune héroïne qui constituent la colonne vertébrale de la nouvelle. Et qu’au contraire mon film devait accompagner son titre et laisser sans peur le silence envahir l’espace, en comptant pour cela sur le regard de l’actrice qui allait l’incarner. Au fond, ici, je fais confiance aux spectateurs, je les laisse s’emparer du personnage et lire entre les lignes pour percer son mystère. Comme si je faisais un documentaire sur elle. C’est tout cela qui empêche de surenchérir dans les émotions. Je filme simplement ce qu’elle est et je le transmets sans artifice.


Vous avez mis longtemps à trouver la fascinante Catherine Clinch qui incarne votre héroïne ?

Le processus d’audition a pris 7 mois et on savait que si on ne trouvait pas la perle rare, le film n’existerait pas. Il fallait évidemment que la petite fille en question parle le gaélique, ce qui restreint déjà les possibilités. En plus, à cause du COVID, on n’a pas pu les voir directement. On est passé par des self- tapes. Notre directrice de casting avait repéré Catherine dans une école et on a donc reçu ses essais où elle s’était enregistrée à l’Iphone. Ce fut un éblouissement pour nous car sans alors jamais l’avoir rencontrée ou lui avoir donné la moindre indication de ce que nous souhaitions, elle était le personnage ! Dans sa retenue comme dans sa capacité à laisser la caméra explorer sa vulnérabilité. Pour quelqu’un qui n’avait jamais évolué devant une caméra, c’est inouï. Et la rencontrer n’a fait que confirmer cette première impression. On a su instantanément que, grâce à elle, notre film allait pouvoir prendre vie.

Extrait de l'entretien par Thierry Chez De Colm Bairead. Première (avril 2023)

Visionnage toulousain en salle (50 ter) à Utopia Tournefeuille avec Louloute

Irlande, 1981, Cáit, une jeune fille effacée et négligée par sa famille, est envoyée vivre auprès de parents éloignés pendant l’été. Mais dans cette maison en apparence sans secret, où elle trouve l’épanouissement et l’affection, Cáit découvre une vérité douloureuse.

Elle pourrait être morte dans cet amas d’herbes folles. En réalité, Cáit fuit une réalité familiale des plus austères. Certes, il n’y a pas de violence. Mais il n’y a pas d’amour non plus : les parents élèvent leurs enfants sans affectation véritable, dans une sorte d’indifférence affective, pendant que la petite crie au secours en manifestant chaque matin son énurésie. Jusqu’au jour où une lettre arrive au domicile familial, priant les parents de confier Cáit pour le mois d’été à un couple de cousins.

On dit que l’argent ne fait pas le bonheur mais il en faut quand même. Cáit en arrivant chez ces cousins réapprend à s’habiller, à se coiffer comme une jeune fille de son âge. Elle découvre la douceur d’un bain, la délicatesse d’un gâteau posé sur la table et la douceur d’une main le long de sa joue ou son bras. The Quiet Girl est un film d’une immense tendresse. Une fois que la jeune fille a pris ses marques dans la maison estivale, elle s’abandonne à la beauté des champs, les couleurs de la mer et l’air agréable des chemins pavés d’arbres. Le long-métrage raconte avec une très belle sobriété la mécanique de la carence affective, et comment, avec une myriade d’attentions et de jolis gestes, l’amour, la confiance en soi reprennent leur place. C’est un film sur l’enfance, une enfance qu’il faut choyer, protéger, et aimer pour ce qu’elle est : une fenêtre sur le monde de demain.

Colm Bairéad apporte à ce récit une dimension à la fois spirituelle et sensible. Le réalisateur accompagne les pas de cette petite fille vers une reconstruction personnelle, à l’aune d’un couple, apparemment solide, mais qui projette dans les yeux de cette gamine leurs propres tourments. Le cinéaste évite le drame, les excès. Tout se joue dans l’épure de la mise en scène, la délicatesse presque invisible des gestes du quotidien, et une mise en valeur merveilleuse de la nature irlandaise. Acclamé à juste titre au festival de Berlin en 2022, The Quiet Girl réinvente presque un genre cinématographique à l’heure où les spectateurs se délectent d’effets spéciaux en tout genre. Ici, le dépouillement est convoqué et chaque image ressemble à un tableau de peinture classique.

Sans aucun doute, The Quiet Girl est peut-être le film le plus simple, mais aussi le plus profond et le plus sincère de la programmation de ce printemps 2023. Le métrage se laisse regarder comme une œuvre picturale, avec le sentiment que le temps qui passe devant l’écran, constitue pour le spectateur un petit cadeau de calme et de bien-être.

Laurent Cambon Avoiràlire

Visionnage toulousain en salle (50 bis) à Utopia Tournefeuille avec Louloute

Irlande 1981. Une jeune fille effacée et négligée par sa famille est envoyée vivre auprès de parents éloignés pendant l’été. Elle s’épanouit avec eux, mais dans cette maison où il ne devrait pas y avoir de secrets, elle en découvre un…

Taiseuse et introvertie, Cáit est une fillette de neuf ans issue d’une famille défavorisée et défaillante. En difficulté à l’école, où elle a du mal avec la lecture, et en souffrance à la maison, où elle se fait tout aussi discrète – l’hygiène n’a pas l’air d’être la préoccupation principale et elle souffre d’énurésie -, elle a appris à ne pas se faire remarquer, disparaissant presque aux yeux de ceux qui l’entourent. Alors que les vacances estivales arrivent et que la grossesse de sa mère approche de son terme, Cáit est envoyée chez des parents éloignés pour l’été. Confiée sans explications à ce couple quinquagénaire qui représente deux étrangers pour elle, elle tente de faire connaissance avec 
 Eibhlín et Sean Kinsellas.

Dans leur demeure, modeste mais nettement plus spacieuse et mieux entretenue que ce qu’elle a connu jusqu’à présent, elle ne manque désormais de rien et peut enfin bénéficier de l’attention dont tout enfant a besoin pour grandir sereinement : de la compagnie, de la bienveillance, des soins, mais aussi de nouveaux vêtements propres, des repas réguliers et de bons bains chauds. Tandis que la femme, Eibhlín, se montre chaleureuse et douce avec l’enfant, son époux, Seán, garde d’abord ses distances avec Cáit – qui en fait de même. Il n’a visiblement guère envie de s’investir dans l’éducation de cette enfant de passage, mais montre quelques signes de responsabilité et d’intérêt au fil du temps. La distance s’atténue progressivement et leur lien commence à se tisser alors que Cáit découvre de plus en plus la vie à la ferme et y prend part avec curiosité et envie.


Derrière le minimalisme de The Quiet Girl, qui préfère suggérer plutôt que dire, la belle retenue dont fait preuve le cinéaste irlandais Colm Bairéad est une force réelle pour sa tendre adaptation du roman Foster de Claire Keegan. Au plus proche de sa jeune protagoniste principale, incarnée avec grâce par Catherine Clinch, la caméra de Bairéad intègre ça et là ce qu’il faut de détails pour exprimer comment la vie de cette enfant se transforme loin de ses parents négligents, chez ces cousins éloignés qui lui témoignent cette gentillesse et cette affection dont elle a jusqu’alors manqué.

La simplicité (apparente) de The Quiet Girl est finalement ce qui lui confère une telle puissance émotionnelle. Soigneusement mis en scène et magnifiquement photographié, le long-métrage envoûte par sa délicatesse et sa fragilité, pour véhiculer la simple idée qu’un enfant a besoin d’amour et de dévotion pour grandir et s’épanouir. Lorsqu’elle jaillit de la réserve de ses deux "foster" parents, la bonté de ces deux adultes cabossés par un drame touche en plein coeur et pulvérise toute once de cynisme. Un joyau discret, engageant et bouleversant.

Le bleu du miroir : reflets cinématographique

Littérature et musique

«La musique est un levain pour l'oeuvre littéraire ; elle déclenche cette prolifération de l'imaginaire qui, une fois surmontés les problèmes de l'expression, ne pourra qu'alimenter la création. La musique entretient avec le désir un lien très profond ; la libido travaille dans l'expérience musicale comme dans la création littéraire. La musique qui engage tout le corps, tout ce que l'on continue à appeler l'âme, les sentiments, les idées, est un prodigieux stimulant dont le dynamisme se répercute dans le texte.» 

La musique des LumièresBéatrice Didier. (1621) 

mardi 25 avril 2023

PBF 2023.07 : Le banquet macabre


Mercredi 26 avril 2023 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque autour de la lecture d'une nouvelle tirée de Sueurs de sang de Léon Bloy. Si vous avez des enfants autour de vous, il serait peut-être plus judicieux de les écarter du poste de radio ou de l'ordinateur. En effet cette nouvelle ayant pour cadre la guerre franco-prussienne de 1870 est vraiment horrible.
Cette émission a été enregistrée et montée au studio de RadioRadioToulouse et diffusée en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.

Programmation musicale :
1) Tes yeux pour pleurer (Dominique Gaumont)
2) Promenade pour orchestre (Maurice Blackburn)
3) Vida y muerte de Joaquim Murietta (Quilapayun)
4) La misère et la mort (Jean-Marc Le Bihan)
5) La vie (Arthur H.) 
6) Nisi Dominus (Antonio Vivaldi) 
James Bowman / Christopher Hogwood / Academy of ancient music

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/le-banquet-horrible-la-petite-boutique-fantasque/

Sus aux Béotiens ! 

photographie de Louise Brooks

dimanche 23 avril 2023

Puissance de la musique !

«On fait dire au luth tout ce qu'on veut, et fait-on des auditeurs tout ce qu'on veut. Quand un brave joueur en prend un, et pour tâter les cordes et les accords, se met en bout de table à rechercher une fantaisie, il a sitôt donné trois pinçades et entamé l'air d'un frelon qu'il attire les oreilles de tout le monde ; s'il veut laisser mourir les cordes sous ses doigts, il transporte tous ces gens et les charmes d'une gaie mélancolie, si que l'un laissant tomber son menton sur sa poitrine , l'autre sur sa main, qui lâchement s'étend tout de son long comme tiré par l'oreille ; l'autre et les yeux tout ouverts, ou la bouche ouverte, comme s'il avait son esprit sur les cordes ; vous diriez que tous sont privés de sentiment, hormis l'ouïe, comme si l'âme ayant abandonnée tous les sens se fût retiré au bord des oreilles pour jouir plus à son aise de sa puissante harmonie ; mais si, changeant son jeu, il ressuscite ses chordes, aussitost il remet en vie tous les assistants, et leur remettant le coeur au ventre, et l'âme ès sentiments à qui elle avait été volée, ramène tout le monde avec abonnement,et faict ce qu'il veut des hommes .» 

Essai des merveilles du mondeMichel Brenet. (1621) 

vendredi 14 avril 2023

Prière à la Charlotte

Seigneur Jésus, je pense à vous !
Ça m’ prend comm’ ça, gn’y a pas d’offense !
J’ suis mort’ de foid, j’ me quiens pus d’bout,
ce soir encor... j’ai pas eu d’ chance

Ce soir, pardi ! c’est Réveillon :
On n’ voit passer qu’ des rigoleurs ;
j’ gueul’rais « au feu » ou « au voleur »,
qu’ personne il y f’rait attention.
Et vous aussi, Vierge Marie,
Sainte-Vierge, Mère de Dieu,
qui pourriez croir’ que j’ vous oublie,
ayez pitié du haut des cieux.

J’ suis là, Saint’-Vierge, à mon coin d’ rue
où d’pis l’apéro, j’ bats la semelle ;
j’ suis qu’eune ordur’, qu’eun’ fill’ perdue,
c’est la Charlotte qu’on m’appelle.

Sûr qu’avant d’ vous causer preumière,
eun’ femm’ qu’ est pus bas que l’ ruisseau
devrait conobrer ses prières,
mais y m’en r’vient qu’ des p’tits morceaux.

Vierge Marie... pleine de grâce...
j’ suis fauchée à mort, vous savez ;
mes pognets, c’est pus qu’eun’ crevasse
et me v’là ce soir su’ l’ pavé.
Si j’entrais m’ chauffer à l’église,
on m’ foutrait dehors, c’est couru ;
ça s’ voit trop que j’ suis fill’ soumise...
(oh ! mand’ pardon, j’ viens d’ dir’ « foutu. »)

T’nez, z’yeutez, c’est la Saint-Poivrot ;
tout flamb’, tout chahut’, tout reluit...
les restaurants et les bistrots
y z’ont la permission d’ la nuit.

Tout chacun n’ pens’ qu’à croustiller.
Y a plein d’ mond’ dans les rôtiss’ries,
les épic’mards, les charcut’ries,
et ça sent bon l’ boudin grillé.

Ça m’ fait gazouiller les boïaux !
Brrr ! à présent Jésus est né.
Dans les temps, quand c’est arrivé,
s’ y g’lait comme y gèle c’te nuit,
su’ la paill’de vot’ écurie
v’s z’avez rien dû avoir frio,
Jésus et vous, Vierge Marie.

Bing !... on m’ bouscule avec des litres,
des pains d’ quatr’ livr’s, des assiett’s d’huîtres,
Non, r’gardez-moi tous ces salauds !

(Oh ! esscusez, Vierge Marie,
j’ crois qu’ j’ai cor dit un vilain mot !)

N’est-c’ pas que vous êt’s pas fâchée
qu’eun’ fill’ d’amour plein’ de péchés
vous caus’ ce soir à sa magnère
pour vous esspliquer ses misères ?
Dit’s-moi que vous êt’s pas fâchée !

C’est vrai que j’ai quitté d’ chez nous,
mais c’était qu’ la dèche et les coups,
la doche à crans, l’ dâb toujours saoul,
les frangin’s déjà affranchies....
(C’était h’un vrai enfer, Saint’-Vierge ;
soit dit sans ête eune effrontée,
vous-même y seriez pas restée.)

C’est vrai que j’ai plaqué l’ turbin.
Mais l’ouvrièr’ gagn’ pas son pain ;
quoi qu’a fasse, elle est mal payée,
a n’ fait mêm’ pas pour son loyer ;

à la fin, quoi, ça décourage,
on n’a pus de cœur à l’ouvrage,
ni le caractère ouvrier.

J’ dois dire encor, Vierge Marie !
que j’ai aimé sans permission
mon p’tit... « mon béguin... » un voyou,
qu’ est en c’ moment en Algérie,
rapport à ses condamnations.
(Mais quand on a trinqué tout gosse,
on a toujours besoin d’ caresses,
on se meurt d’amour tout’ sa vie :
on s’arr’fait pas que voulez-vous !)

Pourtant j’y suis encore fidèle,
malgré les aut’s qui m’ cour’nt après.
Y a l’ grand Jul’s qui veut pas m’ laisser,
faudrait qu’avec lui j’ me marie,
histoir’ comme on dit, d’ l’engraisser.
Ben, jusqu’à présent, y a rien d’ fait ;
j’ai pas voulu, Vierge Marie !

Enfin, je suis déringolée,
souvent on m’a mise à l’hosto,
et j’ m’ai tant battue et soûlée,
que j’en suis plein’ de coups d’ couteau.
Bref, je suis pus qu’eun’ salop’rie,
un vrai fumier Vierge Marie !
(Seul’ment, quoi qu’on fasse ou qu’on dise
pour essayer d’ se bien conduire,
y a quèqu’ chos’ qu’ est pus fort que vous.)

Eh ! ben, c’est pas des boniments,
j’ vous l’ jure, c’est vrai, Vierge Marie !
Malgré comm’ ça qu’ j’aye fait la vie,
j’ai pensé à vous ben souvent.

Et ce soir encor ça m’ rappelle
un temps, qui jamais n’arr’viendra,
ousque j’allais à vot’ chapelle
les mois que c’était votre fête.

J’arr’vois vot’ bell’ rob’ bleue, vot’ voile,
(mêm’ qu’il était piqué d’étoiles),
vot’ bell’ couronn’ d’or su’ la tête
et votre trésor su’ les bras.
Pour sûr que vous étiez jolie
comme eun’ reine, comme un miroir,
et c’est vrai que j’ vous r’vois ce soir
avec mes z’yeux de gosseline ;
c’est comm’ si que j’y étais... parole.

Seul’ment, c’est pus comme à l’école ;
ces pauv’s callots, ce soir, Madame,
y sont rougis et pleins de larmes.

Aussi, si vous vouliez, Saint’-Vierge,
fair’ ce soir quelque chos’ pour moi,
en vous rapp’lant de ce temps-là,
ousque j’étais pas eune impie ;
vous n’avez qu’à l’ver un p’tit doigt
et n’ pas vous occuper du reste....

J’ vous d’mand’ pas des chos’s... pas honnêtes !
Fait’s seul’ment que j’ trouve et ramasse
un port’-monnaie avec galette
perdu par un d’ ces muf’s qui passent
(à moi putôt qu’au balayeur !)
Un port’-lazagn’, Vierge Marie !
gn’y aurait-y d’dans qu’un larantqué,
ça m’aid’rait pour m’aller planquer
ça m’ permettrait d’attendre à d’main
et d’ m’enfoncer dix ronds d’ boudin !

Ou alorss, si vous pouez pas
ou voulez pas, Vierge Marie...
vous allez m’ trouver ben hardie,
mais... fait’s-moi de suit’ sauter l’ pas !

Et pis... emm’nez-moi avec vous,
prenez-moi dans le Paradis
ousqu’y fait chaud, ousqu’y fait doux,
où pus jamais je f’rai la vie,

(sauf mon p’tit, dont j’ suis pas guérie,
vous pensez qu’ je n’arr’grett’rai rien
d’ Saint-Lago, d’ la Tour, des méd’cins,
des barbots et des argousins !)
Ah ! emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi
avant que la nuit soye passée
et que j’ soye encor ramassée ;
Saint’-Vierge, emm’nez-moi, j’ vous en prie ?

Je n’en peux pus de grelotter...
t’nez... allumez mes mains gercées
et mes p’tits souliers découverts ;
j’ n’ai toujours qu’ mon costume d’été
qu’ j’ai fait teindre en noir pour l’hiver.

Voui, emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi.
Et comme y doit gn’y avoir du ch’min
si des fois vous vous sentiez lasse
Vierge Marie, pleine de grâce,
de porter à bras not’ Seigneur,
(un enfant, c’est lourd à la fin),
Vous me l’ repass’rez un moment,
et moi, je l’ port’rai à mon tour,
(sans le laisser tomber par terre),
comm’ je faisais chez mes parents
La p’tit’ moman dans les faubourgs
quand j’ trimballais mes petits frères.

Jehan-Rictus

Dictionnaire additif (1) pour poème-continuum

 


lundi 10 avril 2023

Pleure ma Terre au ventre déchiré 
Pleure la terre où mon sang a coulé 
Gouttes de sang pour qu’un jour elles germent 
Combien de morts pour qu’elle se referme? 
Combien de cris en silence poussés? 
Pleure ma Terre au ventre déchiré 

Oh, que les cieux se couvrent de nuages 
Que les éclairs déchirent l’horizon 
Avec mon sang s’écoule tout un âge 
Un peuple meurt quand meurent les bisons 

J’étais la bête venue du fond des temps 
Et mon galop avec les pieds du vent 
J’étais poussière et sang de vos ancêtres 
Et dans mes reins combien d’enfants à naître? 
Ils sont partis vers le soleil couchant 
J’étais la bête venue du fond des temps 

Oh, que les cieux se couvrent de nuages 
Que les éclairs déchirent l’horizon 
Avec mon sang s’écoule tout un âge 
Un peuple meurt quand meurent les bisons 

La terre est rouge de mon sang répandu 
La terre brûle de guerriers étendus 
Partout des feux et la mort imbécile 
Hommes perdus, à jamais inutiles 
Chant de la vie qu’on n’a pas entendu 
La terre est rouge de mon sang répandu 

Oh, que les cieux se couvrent de nuages 
Que les éclairs déchirent l’horizon 
Avec mon sang s’écoule tout un âge 
Un peuple meurt quand meurent les bisons 

Pleure ma Terre au ventre déchiré 
Pleure la terre où mon sang va germer 
Bourgeons de sang, ne restez pas inertes 
La terre est là comme une plaie ouverte 
Puisse la vie un jour la refermer 
Pleure ma Terre au ventre déchiré 

Oh, que les cieux se couvrent de nuages 
Que les éclairs déchirent l’horizon 
Avec mon sang s’écoule tout un âge 
Un peuple meurt quand meurent les bisons 

Oh, que les cieux se couvrent de nuages 
Que les éclairs déchirent l’horizon 
Avec mon sang s’écoule tout un âge 
Un peuple meurt quand meurent les bisons 

Oh, que les cieux se couvrent de nuages 
Que les éclairs déchirent l’horizon 
Avec mon sang s’écoule tout un âge 
Un peuple meurt quand meurent les bisons

Pleure ma terre Anne Sylvestre


dimanche 9 avril 2023

Véritable périple flasque (pour un chien) : documentation 10

«Le 14 du mois de janvier de l'an de grâce de 1893, lequel était un samedi, commença ma liaison d'amour avec Suzanne Valadon, laquelle prit fin le mardi 20 du mois de juin de la même année. Le lundi 16 du mois de janvier 1893, mon amie Suzanne Valadon est venue pour la première fois de sa vie en cet endroit et aussi pour lia dernière le samedi 17 de juin de la même année.»

Écrits. Erik Satie. Champs libres (1977)

Pour 17/17

«Dès le plus jeune âge, entre six et dix ans, souvent après quelques toutes premières initiations avec la mère, une éducation bien conçue impose à la petite demoiselle, en plus des leçons de lecture, de calcul, d'histoire ou de géographie, l'apprentissage du solfège et du chant, d'un ou plusieurs instruments et de la danse.» 

La musique dans la ville : de Lully à RameauJean Marie Duhamel. Presses universitaires de Lille (1994)

samedi 8 avril 2023

«Si le vedettariat prend au XVIIIe siècle une telle place, cela signifie que l'artiste, pour prendre un terme générique, acquiert une nouvelle dimension au sein de la société. Emancipé ou tentant de s'émanciper de toute tutelle traditionnelle -royale, princière ou privée, le musicien est en passe de prendre sa place -au côté de l'écrivain, du peintre (?)- dans l'émergence de cette nouvelle sphère culturelle (R. Chartier) en plein formation.» 

La musique dans la ville : de Lully à RameauJean Marie Duhamel. Presses universitaires de Lille (1994)

dimanche 2 avril 2023

Historiette voiturette


 

Résonances contemporaines (25)

«Un fait singulier c'est l'importance croissante de tout ce qui touche aux goûts, aux libertés, et même aux plaisirs du public assemblé. Le théâtre, l'Académie, les salons, tout ce qui est foyer d'opinion, centre et point d'appui de la libre pensée ou de la libre parole, devient pour le pouvoir un continuel sujet de souci et d'alarme. Les questions de politique intérieure surgissent au moindre incident, sous les prétextes les plus légers en apparence. On tient des conseils de cabinet à propos d'une tragédie ; la mutinerie d'un danseur ou d'un comédien est une affaire d'État.» 

L'esprit public au XVIIIe siècleCharles Aubertin. Paris (1873)

«En fait, une évolution semble très nettement perceptible en ce dernier tiers du siècle [18ème] : le public averti, les gens de culture acceptent de moins en moins ce joyeux mélange entre professionnels et non-professionnels qui prévalait jusqu'alors, dernier feu, sans doute du vieil héritage de l'idéal humaniste, de la culture de cour. Désormais chacun son métier. On exige non seulement du talent et des connaissances, mais aussi du professionnalisme. Ces années 1770-1780 voient le début d'une redéfinition des rôles et du statut des artistes comme du public. Les bouleversements politiques, sociaux et économiques de la Révolution viendront, quelques années plus tard, concrétiser cette évolution.» 

La musique dans la ville : de Lully à RameauJean Marie Duhamel. Presses universitaires de Lille (1994)

samedi 1 avril 2023

Réminiscence personnelle (67)


 

Réminiscence personnelle (66)


 

«Les lycéennes d’Ivry correspondent bien plus aux petites bourgeoises, consacrées par le langage de mai 68. Elles se baladent dans une sorte d’entre-deux social qui les rend à la fois différentes et accessibles. Elles portent des vêtements à la mode, qui les mettent en valeur et les associent à la belle marche de la société de croissance ; elles vont parfois aux sports d’hiver et en reviennent bronzées (…), elles parviennent à penser le monde à partir d’un poème, d’un tableau ou de chansons. Elles font de la culture savante leur propre culture ; en écoutant Joan Baez, elles parlent de l’engagement.»

Sans classe, ni place
Norbert Alter. PUF (2022)
«Trou de mémoire. Je bafouille dans la stupeur, pour moi-même, bouche cousue : trou noir de mots. Mouroir de trop. Trop de miroir. Mer de moire déroute. Muette mort du Roi. Plonger dans un océan de mille routes en fuites, patauger dans la merde noire d'une diarrhée immédiate, mourir soudain et sans un cri de s'être cru voix royale, mourir sur un mot, déchu. Se liquéfier dans la bouillie du babil qui boursoufle aux lèvres de bafouilleur. Noir.»

Scènes de la vie d'acteur. Denis Podalydès. Seuil / Archimbaud (2006)

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (58)

 

«L'adolescence est une catégorie récemment créée par les exigences de la consommation de masse.»

Premiers matériaux pour la théorie de la jeune-FilleTiqqun. Mille et une nuit. (2001)

Photographie de Jeanne Goupil dans Ne nous délivrez ps du mal de Joël Séria