jeudi 29 septembre 2016

«De cinquante barbouillages peinturlurés sur le visage et les membres, ainsi vous vis-je assis, pour ma stupeur, vous mes contemporains. 
Et cinquante miroirs autour de vous, qui flattaient et reflétaient le jeu de vos couleurs !
En vérité, vous ne sauriez porter masque meilleur, vous mes contemporains, que votre propre visage ! Qui donc vous pourrait -reconnaître

 Ainsi parlait Zarathoustra  : un livre qui est pour tous et qui n'est pour personneFriedrich Nietzsche. Éditions Gallimard (1971)

mercredi 28 septembre 2016

«Malheureusement, contre les hommes on joue un jeu, où compte si peu le vrai sens des choses. L'on gagne ou l'on perd sur des apparences, on marque des point misérables. Et l'on se trouve ligoté par une apparence de défaite.»

Vol de nuit. Antoine de Saint-Exupéry. Éditions Gallimard (1959)

Eblouissement des prémisses (incipit 26)

«Monelle se tut et me regarda : 
Je suis sorti de la nuit, dit-elle, et je rentrerai dans la nuit. Car moi aussi je suis une petite prostituée.
Et Monelle dit encore :
J'ai pitié de toi, j'ai pitié de toi, mon aimé. Cependant je rentrerai dans la nuit ; car il est nécessaire que tu me perdes, avant de me retrouver. Et si tu me retrouves, je t'échapperai encore. Car je suis celle qui est seule. 
Et Monelle dit encore :
Parce que je suis seule, tu me donneras le nom de Monelle. Mais tu songeras que j'ai tous les autres noms.»

Le livre de Monelle. Marcel Schwob. Mercure de France (1959)
«Et les dames riches et intelligentes que je hante te répondront aussitôt, si tu leur poses une question de ce genre, que le dernier homme qui ait peint de telles expériences est Van Gogh. Peut être au lieu de citer un peintre, évoqueront-elles les poèmes de Rilke ; en général elles préfèrent Van Gogh qui représente un excellent placement et qui s'est coupé l'oreille parce que sa peinture, comparée à la ferveur des choses, le décevait. La majorité de nos compatriotes dirait, en revanche, que se couper l'oreille n'est pas l'expression d'un sentiment vraiment allemand, plutôt le vide indubitable que vous inspirent les panoramas des sommets. Pour eux, la solitude, les petites fleurs et le murmure des ruisseaux sont la quintessence de l'exaltation humaine ; et l'on peut découvrir, jusque dans la complète niaiserie de cette adoration toute crue de la Nature, l'ultime reflet mal compris d'une seconde vie ; finalement il faut donc bien que celle-ci existe ou ait existé !»

L'Homme sans qualitésRobert Musil. Éditions du Seuil (1956)

jeudi 22 septembre 2016

Convergence genrée

 Ainsi parlait Zarathoustra  : un livre qui est pour tous et qui n'est pour personneFriedrich Nietzsche. Éditions Gallimard (1971)
«Il ne possède rien dont il n'aspire aussitôt à se défaire, sans toutefois y parvenir, moins possédant que possédé par une surabondance d'images fastueuses où il voit la preuve de son inaptitude à modérer le mouvement qui l'entraîne bien au-delà de cette part de lui-même que son peu d'éclat rend impropre à la magnification mystificatrice. Négliger les régions arides où se trahit l'insuffisance de l'être ne répond nullement à une à une volonté préméditée de se prendre ni de se donner pour qui n'aurait respiré que l'air des sommets, mais au besoin insatiable d'aller plus loin, encore et encore plus loin, toute illusion écartée d'infléchir le parcours en le subordonnant à une fin incompatible avec sa nature qui est de n'en viser aucune et de poursuivre indéfiniment.»

Ostinato. Louis-René des Forêts. Gallimard  Quarto (2015)

lundi 19 septembre 2016

Résonances contemporaines (20)

«Mais comme en Occident on ne vit pas sous la menace des camps de concentration, comme on peut dire ou écrire n’importe quoi, à mesure que la lutte pour les droits de l’homme gagnait en popularité elle perdait tout contenu concret, pour devenir finalement l’attitude commune de tous à l’égard de tout, une sorte d’énergie transformant tous les désirs en droits. Le monde est devenu un droit de l’homme et tout s’est mué en droit : le désir d’amour en droit à l’amour, le désir de repos en droit au repos, le désir d’amitié en droit à l’amitié, le désir de rouler trop vite en droit à rouler trop vite, le désir de bonheur en droit au bonheur, le désir de publier un livre en droit de publier un livre, le désir de crier la nuit dans les rues en droit de crier la nuit dans les rues.»

L’immortalité. Milan Kundera. Éditions Gallimard (1990)

vendredi 16 septembre 2016

«- On m'aurait dit ça, dit-elle enfin, quand ils étaient petits, on m'aurait dit qu'à vingt ans ils feraient encore des fautes d'orthographe, j'aurais préféré qu'ils meurent. J'étais comme ça quand j'étais jeune, j'étais terrible.
Elle ne les regardait plus, ni l'un ni l'autre.
- Puis ensuite bien sûr, j'ai changé. Puis voilà maintenant que ça me revient comme quand j'étais jeune, il me semble quelquefois que je préfèrerais voir Joseph mort que de le voir faire tellement de fautes d'orthographe.
- Il est intelligent dit Suzanne, quand il le voudra, il apprendra l'orthographe. Suffit qu'il veuille.»

Un Barrage contre le Pacifique. Marguerite Duras. Gallimard (1950)

«La langue de Lucilius est celle d'un homme ayant reçu à fond la culture gréco-latine : tout d'une venue et d'abandon, il est trop pressé de dire pour châtier son vers : il improvise jusqu'à deux cent hexamètres avant la table mise et deux cents encore la table desservie. Aussi rencontrerez-vous chez lui d'inutiles longueurs, et les mêmes tours se répètent de façon bavarde, les négligences les plus fâcheuses : le premier mot qui lui vient, grec ou latin, lui est le meilleur.»

Histoire romaine Livre I à IV : Des commencements de Rome jusqu'aux guerres civilesTheodor Mommsen. Bouquins Robert Laffont (1985)

vendredi 9 septembre 2016

Convergence passéiste

 Ainsi parlait Zarathoustra  : un livre qui est pour tous et qui n'est pour personneFriedrich Nietzsche. Éditions Gallimard (1971)

«Le génie de l'augmentation qui le possède (et qui n'est évidemment pas étranger à la tonalité même de son antisémitisme), cet art de l'exagération, et même de l'exagération d'exagération, qui transforme certaines scènes de ses romans en séquences de comics (ce qu'il n'aurait sans doute pas désavoué, lui qui déclarait :"J'aurais chez moi, si je pouvais, tous les Dessins animés"... C'est vous dire que je suis bignolle, pas délicat pour un rond... je veux bien (voyez-vous ça) de tous les genres, aucun ne me semble inférieur, à condition que la matière soit organique et organisée, que le sang circule, partout, autour et dedans à partir du cœur, respire avec les poumons, tienne debout, en somme, que le truc tourne, avec un point de catalyse bien vivant, le plus vivant possible, insupportable ! au centre, bien caché, bien scellé, au tréfonds de la viande, qu'on ne se trompe pas, que cela palpite, qu'on ne me vante pas tel pauvre cadavre en froufrous babillards..."), trahissent un effort stylistique de chaque instant pour se rapprocher de l'exagération même du réel, qu'il ne semble envisager que dans la catégorie du délire.»

Céline. Philippe Muray. Gallimard (2001)

jeudi 8 septembre 2016

«Le désordre du monde, voilà le sujet de l'art. Impossible d'affirmer que, sans désordre, il n'y aurait pas d'art et pas davantage qu'il pourrait y en avoir un : nous ne connaissons pas de monde qui ne soit désordre. Quoi que les universités nous susurrent à propos de l'harmonie grecque, le monde d'Eschyle était rempli de luttes et de terreur, et tout autant celui de Shakespeare et celui d'Homère, de Dante et de Cervantès, de Voltaire et de Goethe. Si pacifique que parût le compte rendu qu'on en faisait, il parle de guerres, et quand l'art fait  la paix avec le monde, il l'a toujours signée avec un monde en guerre.»

Écrits sur le théâtre. Bertold Brecht. Éditions Gallimard (1940)

mardi 6 septembre 2016

Convergence divinatoire


 Ainsi parlait Zarathoustra  : un livre qui est pour tous et qui n'est pour personneFriedrich Nietzsche. Éditions Gallimard (1971)

Résonances contemporaines (19)

«La Toilette intime ne porte-t-elle pas atteinte à la dignité de la femme ? Ne fait-elle pas l'éloge de son asservissement ? La question mérite  d'être posée, comme pour un grand nombre d’œuvres anciennes et, dans une moindre mesure, heureusement modernes. Notre Commission s'est à nouveau réunie, consciente de la tâche immense qui est devant elle : la constitution d'un Index des mille et trois productions littéraires, plastiques et musicales suspectes. Il sera remis bientôt à la presse et au Parlement.»

La Fête à Venise. Philippe Sollers. Éditions Gallimard (1991)

Résipiscence : Reconnaissance de sa faute avec amendement

«Celles de ses sœurs qui menaient une vie de patachon, un amant aujourd'hui, un autre demain et tous les jours faire la valise, vinrent les premières à résipiscence. La plupart des autres tenaient au vice par un apéritif à heure fixe, un appartement commode, un rond de serviette, au restaurant, un sourire de la concierge, un chat siamois, un lévrier, une mise en plis hebdomadaire, un poste  de radio, une couturière, un fauteuil profond, des partenaires de bridge, et enfin par la présence régulière de l'homme, par des opinions échangées sur le temps, les cravates, le cinéma, la mort, l'amour, le tabac ou le torticolis.»

La Passe-muraille : nouvelles. Marcel Aymé. Librairie Gallimard (1943)

dimanche 4 septembre 2016

Réminiscence personnelle (22)

«De le main, il touche le flanc de cette femme, là où la chair est sans défense. Femme : la plus nue des choses vivantes et celle qui luit du plus doux éclat. Il pense à cette vie mystérieuse qui l'anime, qui la réchauffe comme un soleil, comme un climat intérieur. Bernie ne se dit pas  qu'elle est tendre, ni qu'elle est belle, mais qu'elle est tiède. Tiède comme un bête. Vivante. Et ce cœur toujours qui bat, source différente de la sienne et fermée dans ce corps.»

Courrier Sud. Antoine de Saint-Exupéry. Éditions Gallimard (1959)

samedi 3 septembre 2016

«Double vouloir a l'homme vraiment homme : péril et jeu. Pour quoi il veut la femme comme plus périlleux des jouets.
Pour la guerre l'homme doit être élevé, et la femme pour le repos du guerrier ; tout le reste est folie.
Des fruits trop doux - point n'aime le guerrier. Pourquoi il aime la femme : amère encore est la plus douce des femmes» 

Ainsi parlait Zarathoustra  : un livre qui est pour tous et qui n'est pour personneFriedrich Nietzsche. Éditions Gallimard (1971)

Convergence paroxystique

 Ainsi parlait Zarathoustra  : un livre qui est pour tous et qui n'est pour personneFriedrich Nietzsche. Éditions Gallimard (1971)

Résonances contemporaines (18)

«Un aussi brusque et total changement aurait pu être dangereux. A cette époque Mme Mermoz était une femme jeune et Jean entrait dans l'adolescence. Les mœurs aimables et faciles, le laisser-aller, la violence et la licence des instincts chez des natures dont le seul ordre moral était la beauté d'une ligne, d'une couleur ou d'un volume, le mélange de l'exaltation et de la débauche, de la misère et de la miraculeuse réussite, tout cela formait une sorte de tourbillon contagieux où pouvaient se désagréger des caractères mal trempés.»

Mermoz. Joseph Kessel. Éditions Gallimard (1938)

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (3)

L'intimité de la jeune fille se trouvant mise en équivalence avec toute intimité, est ainsi devenue quelque chose d'anonyme, d'extérieur et d'objectal.

Premiers matériaux pour une théorie de la jeune fille. Tiqqun. Mille et une nuits (2001)