mercredi 23 avril 2014

Projet Poubelle-bis (8)

«Je songe quelquefois que ce repas a déterminé ma vie. Il est vrai que tout s'enchaînait pour me conduire ici. Le désespoir éprouvé depuis la nuit passée chez David à pleurer la mort de la Prairie par-dessus une bouteille de gin ; les avis de l'apoplectique Jerry K. Walker, au bar de Moose Jaw ; et, plus tard, il y aura ce voyage dans le Nord... Mais eussé-je été le denier compagnon de Paul Durand, et le messager de son testament si, ce soir-là, je n'eusse trouvé un inconscient et perfide plaisir à regarder Hannah 0' Molloy, blonde ? 
- Oui, laissez-moi la revoir ainsi... Blonde 
(et dans les cheveux, ce reflet d'or fauve que lui légua un ancêtre roux),
longue,
mince,
et cette peau éblouissante de ses bras et de son cou nu, vierge blancheur, qu'aucun baiser du soleil du soleil ne parvient à déflorer,
rieuse, rieuse aussi, - avec ces dents éclatantes, et ces mains longues, que ni la traite des vaches, ni le lavage des planchers, ni les travaux de l'aiguille n'avaient pu abîmer,
... mais aussi, surtout cette splendeur d'être femme, et de paraître telle devant un homme de la Prairie dont le sang brulait.» 

Un Homme se penche sur son passé. Maurice Constantin-Weyer. Les éditions Rieder (1928)

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