jeudi 30 avril 2015

«A 1 heure du matin, Colette téléphone :
- C'est l'heure où les anémones se ferment... Est ce que vous savez encore embrasser comme hier ?
- Oui.»


 Peau d'oursHenri Calet. Editions Gallimard, collection L'imaginaire (1958) 

mardi 28 avril 2015

«Les yeux baissés, Martine quitte la maison avec son filet à provisions, suit le trottoir bleuté, et derrière elle, à trois pas, se dandine un fat à moustaches noires ; sur le boulevard filent et voguent  les wagonnets électriques, en forme de cygnes et de bateaux, dans lesquels on s'assied comme dans une nacelle de carrousel ; des magasins d'ameublement on sort divans et fauteuils pour leur faire prendre l'air et les écoliers s'y vautrent pour s'y reposer, cependant que le petit élève de service, avec sa brouette pleine de livres et cahiers de la communauté, essuie la sueur à son front, tel un artisan adulte ; sur le pavé rafraîchi et humide passent avec un bruit de crécelle les voitures biplaces à remontoir, les pendulettes, comme in les désigne ici, en province, et qui sont tout bonnement les rejetons abâtardis des machines d'antan à d'immenses conques laquées (pourquoi donc me reviennent-elles en mémoire ? Ah oui les photos de la revue) ;»

Invitation au suppliceVladimir Nabokov. Éditions Gallimard (1960)

dimanche 26 avril 2015

Quelques Éléments de la Société du Spectacle (3)



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«La domination de la marchandise s'est d'abord exercée d'une manière occulte sur l'économie, qui elle-même, en tant que base matérielle de la vie sociale, restait inaperçue et incomprise, comme le familier, qui n'est pas pour autant connu. Dans une société où la marchandise concrète reste rare ou minoritaire, c'est la domination apparente de l'argent qui se présente comme l'émissaire muni des pleins pouvoirs qui parle au nom d'une puissance inconnue. Avec la révolution industrielle, la division manufacturière du travail et la production massive pour le marché mondial, la marchandise apparaît effectivement, comme une puissance qui vient réellement occuper la vie sociale. C'est alors que se constitue l'économie politique, comme science dominante et comme science de la domination.»

La Société du SpectacleGuy Debord. Éditions Gallimard (1992)

samedi 25 avril 2015

«Il s'endormait à l'instant où il venait de se dire que jamais plus il ne trouverait le sommeil et ses rêves étaient les rêves de la jeunesse. Quand les premiers feux du matin atteignaient son hamac, il s'éveillait et se retrouvait un autre homme (très homme, il faut le dire). "Ada, our ardors, and arbors", ce trimètre dactylique qui devait rester la seule contribution de Van Veen à la poésie anglo-américaine, résonnait dans son âme aurorale. Maudites les Pléiades et bénies les aubades. Il avait quatorze ans et demi, que diable ! Il avait l'ardeur et l'audace, un jour, farouchement, il la posséderait.»

Ada ou l'ardeurVladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)
«Alexis, Hélène, Thalberg, ainsi qu'Aniouta, élevée chez les Tourbine, et Nikolka, abasourdi par la mort et dont la mèche rebelle pendait sur son sourcil droit, se tenaient debout aux pieds de la vieille icône brunie de Saint Nicolas. Les yeux bleus de Nikolka, plantés aux bords d'un long nez d'oiseau, avaient un regard perdu, sans vie. De temps à autre , il les levait sur l'iconostase, vers la voûte noyée d'ombre qui surplombait l'autel, où se dressait un vieillard morose et énigmatique qui semblait cligner de l'oeil - Dieu. Pourquoi  ce malheur qui nous frappe ? Pourquoi cette injustice ? Quel besoin avait-il de nous enlever notre mère, quand nous allions être tous réunis, quand tout commençait à aller mieux ?
Mais Dieu s'envolait sans répondre dans le ciel noir et fissuré. Quant à Nikolka, il ne savait pas encore que tout ce qui arrive, est dans l'ordre des choses, et que tout est pour le mieux.»

La Garde blanche. Mikhaïl Boulgakov. Editions Robert Laffont (1993)
«COLARDEAU ou Collardeau (Julien), procureur du roi à Fontenai-le-Comte, sa patrie, né vers 1590, mourut le 20 mars 1669. Il sut allier les amusements de la poésie à l'étude sèche des lois. On a de lui : Larvina, satyricon in chorearum lascivias et personata tripudia. Paris, 1629, in-12. Les vers de cette pièce se ressentent du style obscur d'Apulée que l'auteur a affecté d'imiter : mais l'objet fait honneur à son zèle pour les bonnes moeurs ; Les tableaux des victoires de Louis XIII ; Description du château de Richelieu. Ces deux poèmes en vers français annoncent du talent dans l'auteur. Il y a de l'aisance dans ses vers, et de la force dans ses descriptions. Ces ouvrages sont peu connus.


Biographie universelle des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes. F.-X. Fellert. Revue et continué jusqu'en 1860 par l'Abbé Simonin chanoine. Tome Troisième Co-Fox. J. B. Pelagaud imprimeur-libraire (1867)


vendredi 24 avril 2015

L'idée fixe du XIXe siècle

«"Il s'agit ici non seulement de réfuter le papisme mais de l'extirper ; non seulement de l'extirper, mais de le déshonorer.»


Le Livre de l'exilé. Edgar QuinetDentu. (1875)

lundi 20 avril 2015

L'Epiderme de la Réalité


«Pour moi qui suis un être affranchi de préjugés nationaux, la face extérieure du problème - en l'espèce, l'élément d'organisation - m'apparaît simple : les Etats créent une autorité législative et judiciaire pour l'apaisement de tous les conflits pouvant surgir entre eux. Ils prennent l'engagement de se soumettre aux lois élaborés par l'autorité législative, de faire appel au tribunal dans tous les cas litigieux, de se plier sans réserve à ses décisions et d'exécuter, pour en assurer l'application, toutes les mesures que le tribunal estime nécessaires. Je touche là à la première difficulté : un tribunal est une institution humaine qui pourra se montrer, dans ses décisions, d'autant plus accessible aux sollicitations extra-juridiques qu'elle disposera de moins de forces pour la mise en vigueur de ses verdicts. Il est un fait avec lequel il faut compter : droit et force sont inséparablement liés, et les verdicts d'un organe juridique se rapprochent de l'idéal de justice de la communauté, au nom et dans l'intérêt de laquelle le droit est prononcé, dans la mesure même où cette communauté peut réunir les forces nécessaires pour faire respecter son idéal de justice. Mais nous sommes actuellement fort loin de détenir une organisation supra-étatiste qui soit capable de conférer à son tribunal une autorité inattaquable et de garantir la soumission absolue à l'exécution de ses sentences. Et voici le premier principe qui s'impose à mon attention : la voie qui mène à la sécurité internationale impose aux Etats l'abandon sans condition d'une partie de leur liberté d'action, en d'autres termes, de leur souveraineté, et il est hors doute qu'on ne saurait trouver d'autre chemin vers cette sécurité.


Un simple coup d'oeil sur l'insuccès des efforts, certainement sincères, déployés au cours des dix dernières années, permet à chacun de se rendre compte que de puissantes forces psychologiques sont à l'oeuvre, qui paralysent ces efforts. Certaines d'entre elles sont aisément perceptibles. L'appétit de pouvoir que manifeste la classe régnante d'un Etat contrecarre une limitation de ses droits souveraineté. Cet "appétit politique de puissance" trouve souvent un aliment dans les prétentions d'une autre catégorie dont l'effort économique se manifeste de façon toute matérielle. Je songe particulièrement ici à ce groupe que l'on trouve au sein de chaque peuple et qui, peu nombreux mais décidé, peu soucieux des expériences et des facteurs sociaux, se compose d'individus pour qui la guerre, la fabrication et le trafic des armes ne représentent rien d'autre qu'une occasion de retirer des avantages particuliers, d'élargir le champ de leur pouvoir personnel.



Cette simple constatation n'est toutefois qu'un premier pas dans la connaissance des conjonctures. Une question se pose aussitôt : comment se fait-il que cette minorité-là puisse asservir à ses appétits la grande masse du peuple qui ne retire d'une guerre que souffrance et appauvrissement ? (Quand je parle de la masse du peuple, je n'ai pas dessein d'en exclure ceux qui, soldats de tout rang, ont fait de la guerre une profession, avec la conviction de s'employer à défendre les biens les plus précieux de leur peuple et dans la pensée que la meilleure défense est parfois l'attaque.) Voici quelle est à mon avis la première réponse qui s'impose : cette minorité des dirigeants de l'heure a dans la main tout d'abord l'école, la presse et presque toujours les organisations religieuses. C'est par ces moyens qu'elle domine et dirige les sentiments de la grande masse dont elle fait son instrument aveugle.



Mais cette réponse n'explique pas encore l'enchaînement des facteurs en présence car une autre question se pose comment est-il possible que la masse, par les moyens que nous avons indiqués, se laisse enflammer jusqu'à la folie et au sacrifice ? Je ne vois pas d'autre réponse que celle-ci : l'homme a en lui un besoin de haine et destruction. En temps ordinaire, cette disposition existe à l'état latent et ne se manifeste qu'en période anormale ; mais elle peut être éveillée avec une certaine facilité et dégénérer en psychose collective. C'est là, semble t-il, que réside le problème essentiel et le plus secret de cet ensemble de facteurs. Là est le point sur lequel, seul, le grand connaisseur des instincts humains peut apporter la lumière.



Nous en arrivons ainsi à une dernière question : existe t-il une possibilité de diriger le développement psychique de l'homme de manière à le rendre armé contre les psychoses de haine et de destruction ? Et loin de moi la pensé de ne songer ici qu'aux êtres dits incultes. J'ai pu éprouver moi-même que c'est bien plutôt la soi-disant "intelligence" qui se trouve être la proie la plus facile des funestes suggestions collectives, car elle n'a pas coutume de puiser aux sources de l'expérience vécue, et que c'est au contraire par le truchement du papier imprimé qu'elle se laisse le plus aisément et le plus complètement saisir.



Et, pour terminer, ceci encore : je n'ai parlé jusqu'ici que de la guerre entre Etats, en d'autres termes, des conflits dits internationaux. Je n'ignore pas que l'agressivité humaine se manifeste également sous d'autres formes et dans d'autres conditions (par exemple la guerre civile - autrefois causée par des mobiles religieux, aujourd'hui par des mobiles sociaux -, la persécution des minorités nationales). Mais c'est à dessein que j'ai mis en avant la forme de conflit la plus effrénée qui se manifeste au sein des communautés humaines, car c'est en partant de cette forme-là qu'on décèlera le plus facilement les moyens d'éviter les conflits armés.



Je sais que dans vos ouvrages vous avez répondu, soit directement soit indirectement, à toutes les questions touchant au problème qui nous intéresse et nous presse. Mais il y aurait grand profit à vous voir développer le problème de la pacification du monde sous le jour de vos nouvelles investigations, car un tel exposé peut être la source de fructueux efforts.

Très cordialement à vous.
A. Einstein»


Pourquoi la guerre ? Albert Einstein, Sigmund Freud. Edition Rivage Poche/ Petite Bibliothèque (2005)


samedi 18 avril 2015

«Apparition du concept d'amour maternel. L'Encyclopédie consacre un article intitulé "Bonheur" à la vie de famile. On approche de la lumière du 19e, l'unanimité s'établit et il n' y aura plus désormais que des fausses notes très isolées venant d'individus non conformes et négligeables dans l'harmonie philosophique du contrat optimiste social. Certaines d'ailleurs moins négligeables que d'autres malheureusement, il faut bien le reconnaître. Je pense à Freud par exemple réaffirmant le péché originel sous la forme de la perversité polymorphe et affirmant contre tout le monde que, quoiqu'on fasse, l'éducation est toujours un échec... Ce qui aurait paru moins saugrenu certainement à un rédacteur du Talmud ou à saint-Augustin qu'à un vivant de la fin du 19e ou au début du 20e...»

Le XIXe siècle à travers les âgesPhilippe Muray. Editions Denoël (1999)

vendredi 17 avril 2015

«Il est à remarquer qu'aucun de ces beaux esprits n'a mal parlé de Molière. Il n'y a que les mauvais auteurs anglais qui aient dit du mal de ce grand homme. Ce sont les mauvais musiciens d'Italie qui méprisent Lully, mais un Buononcini l'estime et lui rend justice, de même qu'un Mead fait cas d'un Helvétius et d'un Silva.»

Lettres philosophiquesVoltaire. Garnier-Flammarion (1964)

lundi 13 avril 2015

«La domination masculine, qui constitue les femmes en objets symboliques, dont l'être (esse) est un être perçu (percipi), a pour effet de les placer dans un état permanent d'insécurité corporelle, ou, mieux, de dépendance symbolique : elles existent d'abord par  et pour le regard des autres, c'est à dire en tant qu'objets accueillants, attrayants, disponibles. On attend d'elles qu'elles soient "féminines", c'est à dire souriantes, sympathiques, attentionnées, soumises, discrètes, retenues, voire effacées. Et la prétendue "féminité" n'est souvent pas autre chose qu'une forme de complaisance à l'égard des attentes masculines, réelles ou supposées, notamment en matière d'agrandissement de l'ego. En conséquence, le rapport de dépendance à l'égard des autres (et pas seulement des hommes) tend à devenir constitutif de leur être.
Cette hétéronomie est le principe de dispositions comme le désir d'attirer l'attention et de plaire, désigné parfois comme coquetterie, ou la propension à attendre beaucoup de l'amour, seul capable, comme le dit Sartre, de procurer le sentiment d'être justifié dans les particularités les plus contingentes de son être, et d'abord de son corps. Sans cesse sous le regard des autres, elles sont condamnées à éprouver constamment l'écart entre le corps réel, auquel elles sont enchaînées et le corps idéal dont elles travaillent sans relâche à se rapprocher. Ayant besoin du regard d'autrui pour se constituer, elles sont continûment orientées dans leur pratique par l'évaluation anticipée du prix que leur apparence corporelle, leur manière de tenir leur corps et de le présenter, pourra recevoir (de là une propension plus ou moins marquée à l'auto-dénigrement et à l'incorporation du jugement social sous forme de gêne corporelle ou de timidité).»

La Domination masculine. Pierre Bourdieu. Editions du Seuil (1998)

dimanche 12 avril 2015

«J'avais quinze ans lorsque c'est arrivé. J'étais une adolescente qui s'essayait à la rébellion. Je ne travaillais pas au lycée. Je faisais tout le temps la gueule, j'étais amoureuse de garçons qui ne me regardaient pas. Et puis soudain, mon père a disparu de ma vie. C'était au printemps 1981, le printemps de mes quinze ans, de ses trente-six ans -nous sommes nés tous deux au mois d'avril-, à une poignée de jours de jours de l'élection de François Mitterand. La gauche enfin au pouvoir, après une si longue attente, ça allait être gai vraiment ; mais non, ça ne l'a pas été du tout. »

Le Jour où mon père s'est tu. Virginie Linhart. Editions du Seuil (2008)
«De nos jours, contrairement à autrefois, le pouvoir n'est plus entre les mains chargés des choses de l'âme. Si les prêtres du monde moderne, les écrivains, les savants et les penseurs, représentants de l'aristocratie intellectuelle, étaient en même temps les ministre ou chefs d'Etat ou rois (comme il conviendrait dans une société résolue, à une humanité logique et conséquente), l'attention accordée à l'enquête londonienne aurait sûrement reflété plus fidèlement l'importance de la question posée. Enfin si l'on pense (mais justement toute la question est là !), savoir s'il existe ou non une vie dans l'au-delà n'est pas tout à fait négligeable pour décider comment je dois vivre, ce que je dois faire, à quoi m'en tenir dans le monde, dans ma vie ici-bas. »

Reportage céleste de notre envoyé spécial au paradisFrigyes Karinthy. Editions Cambourakis (2007)

vendredi 10 avril 2015

«Cela dit, Van convenait avec Ada que l'écran parlant était certainement préférable au théâtre vivant pour la simple raison qu'il permettait au metteur en scène d'atteindre et de maintenir ses propres normes de perfection pendant un nombre illimité de représentation.»

Ada ou l'ardeurVladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)

jeudi 9 avril 2015

Tentative d'autoportrait (12)

«Et puis tout à coup, donc cette joie dont je ne peux rien dire, sauf qu'elle est insensée. Mais il faut l'accepter comme insensée, admettre que tout bonheur ne peut être qu'insensé, mais le vivre intensément. Je dois dire que parfois, durant ces dernières années , une promesse, un début de bonheur, venait éclairer le ciel de ma tristesse : je lui opposais un " à quoi bon ?" un "qu'est-ce que cela veut dire ?" ou " cela ne m'empêchera pas de mourir" ou "aucune raison d'être heureux" ; cette sorte de lueur de bonheur s'éteignait instantanément et je retrouvais ma grisaille.»

Journal en miettesEugène Ionesco. Mercure de France (1967)

mardi 7 avril 2015

«Laissez-moi tranquille avec votre hideuse réalité ! Qu'est-ce que cela veut dire la réalité ? Les uns voient noir, d'autres bleu, la multitude voit bête. Rien de moins naturel que Michel-Ange, rien de plus fort ! Le souci de la vérité extérieure dénote la bassesse  contemporaine ; et l'art deviendra, si l'on continue, je ne sais quelle rocambole au-dessous de la religion comme poésie, et de la politique comme intérêt. Vous n'arriverez pas à son but , - oui, son but ! - qui est de nous causer une exaltation impersonnelle, avec de petites oeuvres,malgré toutes vos finasseries d'exécution. Voilà les tableaux de Bassolier, par exemple : c'est joli, coquet, propret et pas lourd ! Ça peut se mettre dans la poche, se prendre en voyage ! Les notaires achètent ça vingt mille francs ; il y a pour trois sous d'idées ; mais, sans l'idée, rien de grand !  sans grandeur, pas de beau ! L'Olympe est une montagne ! Le plus crâne monument, ce sera toujours les Pyramides. Mieux vaut l'exubérance que le goût, le désert qu'un trottoir, et un sauvage qu'un coiffeur !»

L'Éducation sentimentaleGustave Flaubert. Librairie Générale Française (1972)

lundi 6 avril 2015

Résonances contemporaines (8)

«Le bolchevisme, dit-il, est un désastre économique, mais c'est un succès sentimental. Il est stupide de ne voir dans la rapidité de sa propagande que l'effort d'agents ennemis. Ce qui fait le danger d'un Lénine, ce n'est pas qu'il est un bandit à la solde de l'Allemagne, c'est qu'il n'est pas un bandit à la solde de l'Allemagne. La trahison n'est pas contagieuse, mais le martyre est épidémique. Le sacrifice de l'individu à une communauté est un vice agréable, comme la morphine ou le whisky. Il y a une ivresse d'altruisme qu'on peut étudier dans le Révolution française et dans l'Eglise primitive, et ces crises de fraternité répondent à un besoin aussi violent que la faim, la soif et l'amour.»

Les Silences du colonel BrambleAndré Maurois. Grasset (1950)
«Proust, mi-revenant lui-même, s'est perdu avec une extraordinaire ténacité dans l'infinie, la diluante futilité des rites et démarches qui s'entortillent autour des gens du monde, gens du vide, fantômes de désirs, partouzards indécis attendant leur Watteau toujours, chercheurs sans entrain d'improbables Cythères.»

Voyage au bout de la nuitLouis-Ferdinand Céline. Editions Gallimard (1952)

dimanche 5 avril 2015

«Dès qu'ils furent arrivés dans un lieu propice, Van prit Cordula sur ses genoux et la posséda fort commodément, avec de tels hurlements qu'elle en fut touchée et flattée.
- Insouciante Cordula ! s'écria joyeusement l'insouciante Cordula. Voilà qui va sans doute me coûter un autre avortement... encore un petit enfantôme, comme disait la femme de chambre de ma pauvre tante chaque fois que ça lui arrivait. Est-ce que j'ai dit quelque chose de mal ?
- Non, non ! rien de mal, dit Van en l'embrassant avec tendresse.»

Ada ou l'ardeurVladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)

Pas ce soir au trait !

Nouveau lecteur pour cette partie de Nuit galante qui n'a pas vu le jour... Ruthène Sith assume parfaitement son côté misogyne. 

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Bonjour Jean Patin,
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L'ère du puritanisme s'étend...
«Toutes ces toilettes multicolores qui couvraient le sable comme un bouquet, ces étoffes jolies, ce ombrelles voyantes, le grâce factice des tailles emprisonnées, toutes ces inventions ingénieuses de la mode depuis la chaussure mignonne  jusqu'au chapeau extravagant, la séduction du geste, de la voix et du sourire, la coquetterie enfin étalée sur cette plage lui apparaissaient soudain comme une immense floraison de la perversité féminine. Toutes ces femmes parées voulaient plaire, séduire, et tenter quelqu'un. Elles s'étaient faites belles pour les hommes, pour tous les hommes; excepté pour l'époux qu'elles n'avaient plus besoin de conquérir. Elles s'étaient faites belles pour l'amant d'aujourd'hui et l'amant de demain, pour l'inconnu rencontré, remarqué, attendu peut être.
Et ces hommes, assis près d'elles, les yeux dans les yeux, parlant la bouche près de la bouche, les appelaient et les désiraient, les chassaient comme un gibier souple et fuyant, bien qu'il semblât si proche et si facile. Cette vaste plage n'était donc qu'une halle d'amour où les unes se vendaient, les autres se donnaient, celles-ci marchandaient leurs caresses et celles-là se promettaient seulement. Toutes ces femmes ne pensaient qu'à la même chose, offrir et faire désirer leur chair déjà donnée, déjà vendue, déjà promise à d'autres hommes. Et il songea que sur la terre entière c'était toujours la même chose.»

Pierre et Jean. Guy de Maupassant. Editions Belin / Gallimard (2011)

samedi 4 avril 2015

«Nous répugnons désormais, en modernes impénitents, à tenter de donner une représentation physique de l'âme et de ses accessoires. Etrange recul du matérialisme : on scrute le cerveau, on compte ses cellules, on localise ses fonctions, mais on n'a pas la moindre idée de l'allure générale que pourrait revêtir la pensée en tant qu'organe.»

La Métaphysique du mou. Jean-Baptiste Botul. Mille et une nuits (2007)

Épiphanie artefactuelle (11)





«Inextricable,
Ce dans quoi tu vis :
Un dédale, un mélange 
De tout de rien.
Alors tu te rabats
Sur l'élémentaire.

Tout ce qui fut
A l'origine
Et qui demeure.
Là tu peux t'appuyer
Sur ce qui te ressemble.»

Art poétiqueGuillevic. Editions Gallimard (1989)