mercredi 30 septembre 2020

«XVII
[...]
Les figures passées étaient mangées de lumière
Elle manquaient de mots qui sont garde-barrières.
Le dictionnaire précis, tous ces problèmes élude :
Les abstractions, silhouettes deviennent certitudes.»

Réflexions sur Pascin. Isidore Isou

lundi 28 septembre 2020

PBF 2020.22 : Les souvenirs d'enfance nous déchirent

Ce mercredi 30 septembre 2020 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque avec comme titre Les souvenirs d'enfance nous déchirent, d'après Mon enfance de Barbara.
Cette émission est réalisée sur Protools ressucité et diffusée en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.

Programmation musicale :
1) Jardin Monsouris (Annie Fratellini)
2) Senza (Gwendoline Absalon)
3) J'aimerai tant savoir (Cyril Mokaiesh)
4) Voices of Australia pour flûte et voix enregistrées (Sophie Lacaze) 
5) Death dance (John Fahey) 
6) The work of death (Lubos Fiser)
7) A vava inouva (Idir)
8) Truffaut tcha tcha tcha (Jean Constantin)
9) Highway holding me now (Samantha Fish)

+ Lectures par Juliette d'extraits de :
- Une bête au paradis (Cécile Coulon)
- Eveil d'une génération : Jean-Yves Debreuille de Nouria Rabeh
- Le comte de Toulouse endormi signé RM
- Indéterminé sur la mort du frère de l'auteur

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/pbf-202022-les-souvenirs-denfance-nous-déchirent/

Violente extraction de l’enfance

«Il la vit. Ce fut soudain. Soudain, il fut surpris d’avoir quitté l’enfance. Ce fut une découverte qui le prit de court : l’enfance était partie ; tous les liens s’étaient dénoués ; la fusion s’en était décomposée. Le temps s’était mis en marche sans qu’il s’en fût rendu compte. Toutes choses s’appauvrirent en un instant. Tout devint conscient. Tout devint distant. Tout devint langage. Tout devint mémoire. Tout devint passible du jugement. Tout se fit de plus en plus éloigné, surgissant à dix mille lieues de lui-même. 

D’un coup il avait quitté la maison du père. Le monde devint espace. Le temps se posa près de lui. Brusquement, les adorations, les jeux absorbants s’effacèrent sous la gomme des mots précis, des terreurs, dans la peur des ridicules, dans la contraction de l’angoisse. Père, mère -mais aussi condisciple, aussi amour d’enfance-, une espèce de niaiserie s’attacha soudain à eux et lui fit honte.» 

L’occupation américaine. Pascal Quignard. Éditions du Seuil (1994)

Visionnage parisien en salle (24) au Grand action

 

Un soupçon d'amour. Paul Vecchialli (2020)

mercredi 23 septembre 2020

Visionnage domestique parisien (54)

La nuit américaine. François Truffaut (1973) 

Visionnage toulousain en salle (23) à l'American cosmograph

 Antoinette et son âne. Caroline Vignal (2020)

 «Voilà pourquoi le charme est le pouvoir spécifique de la musique. Si la Beauté consiste dans la plénitude intemporelle, dans l'accomplissement et l'arrondissement de la forme, dans la perfection statique et l'excellence morphologique, le charme, lui, a quelque chose de nostalgique et de précaire, je ne sais quoi d'insuffisant et d'inachevé qui s'exalte par l'effet du temps. Le charme ne nous apporte pas la solution d'un problème, mais il est bien plutôt un état d'aporie infinie qui provoque en l'homme une féconde perplexité ; en cela il est plutôt ineffable qu'indicible.»

La musique et l'ineffable. Vladimir Jankélévitch. Éditions du Seuil (1983)

PBF 2020.21 : Pas assez de haine pour faire de la politique

Ce mercredi 23 septembre 2020 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque avec comme titre Pas assez de haine pour faire de la politique avec le jeune Claude Melki en illustration et une Chronique de l'univers, place Pinel.
Cette émission est toujours réalisée avec les moyens du bord et diffusée en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.

Programmation musicale :
1) Au bar des naufragés (Gilbert Lafaille)
2) Notre vie comme un western (Paris combo)
3) Une chanson qui s'attarde (Eric Guilleton)
4) Thayani (Myriam Makeba) 
5) L'allégresse (Cream) 
6) Woderschönes abtal (Frölich durch land)
7) Sardana del desamparats (Pascal Comelade)
8) Jockey (Bobby Lapointe)
9) Through hollow lands (Brian Eno)
10) A little green Rosetta (Franck Zappa)
11) My time is gone (Pussy warmers)

+ Chronique de l'univers, place Pinel : Faut-il vendre la place Pinel ?

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/pbf-202021-pas-assez-de-haine-pour-faire-de-la-politique/

mercredi 16 septembre 2020

Éblouissement des prémisses (55)

«La musique, elle, est l'informulé, l'équivoque, l'irresponsable, l'indifférent. Peut-être allez-vous m'objecter qu'elle peut être claire, mais la nature aussi peut être claire, le ruisseau aussi peut être clair, et en quoi cela nous sert-il ? Ce n'est pas la clarté véritable, c'est une clarté rêveuse, qui ne signifie rien et n'engage à rien, une clarté sans conséquences et partant dangereuse, parce qu'elle vous entraîne à vous en contenter.... Laissez prendre à la musique une attitude magnanime. Bien. Elle enflammera nos sentiments. Mais il s'agit d'enflammer notre raison ! La musique semble être la mouvement lui-même, n'importe, je la soupçonne de quiétisme. Laissez-moi pousser ma thèse jusqu'à son extrême. J'ai contre la musique une antipathie d'ordre politique.»

La Montagne magique. Thomas Mann. Arthème Fayard (1931)

PBF 2020.20 : Fragment réorganisé d'impressions



Ce mercredi 16 septembre 2020 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque avec comme titre Fragment réorganisé d'impressions avec Claudia Cardinale et Michel Piccoli en illustration. Elle comprendra une lecture par Sophie d'extraits du livre méconnu de Colette, Ingénue libertine. Il s'agit de la reprise de Minne et les Égarements de Minne, écrits sous l'intigation de son mari, le fameux Willy, fondus en un volume. 
Cette émission est toujours réalisée avec les moyens du bord et diffusée en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.

Programmation musicale :
1) Rimes féminines (Juliette)
2) Les Plaines de Mandchourie (Illiya Alekseivitch Chartrow)
3) Quand la famille dort (Éric Guilleton)
4) Tales II et Tales IV (Goran Bregovic)
5) Un coeur sur les bras (Anne Sylvestre)
6) Je ne chante que l'amour (Annie Fratellini)
7) Bei miz bist du schon (Carling family)
 
+ lecture d'extraits d'Ingénue libertine de Colette :
- Journal de faits divers décrivant les exploits du Frisé
- Mine croit reconnaître le Frisé
- Appel du Frisé
- La fugue de Minne pour rejoindre le Frisé
- Mauvaises rencontres 
 
Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/pbf202020-fragments-r%C3%A9organis%C3%A9-dimpressions/
Allons-y gaiement et sans mollir !

mercredi 9 septembre 2020

Visionnage parisien en salle (22) au MK2 bibliothèque


Antoinette et son âne.Caroline Vignal (2020) 

PBF 2020.19 : Jean U. 30 ans d'expression radiophonique

Ce mercredi 9 septembre 2020 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque en hommage au 30 ans d'expression radiophonique de Jean U. A cette occasion, c'est lui qui a constitué la majeure partie du programme de l'émission. Elle est toujours réalisée avec les moyens du bord et diffusée en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud. 

Programmation musicale :

1) The Legend of mother swan (The Hu)
2) Thunder road (Bruce Springsteen)
3) Four legs (Sister Iodine)
4) Tones2 (vs_price) 
5) Smile (Deity guns) 
6) Goodbye Mr Lawrence (Ryuichi Sakamoto)) 
7) Strictly genteel (Franck Zappa)
+ lecture d'extraits de Le bonheur des tristes (Luc Dietric), L'insurrection qui vient (Comité invisible) et Les esclaves (Roland Topor) lus par Lucie

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/httpswwwmixcloudcomradioradiotoulousepbf-202019-jean-u-30-ans-de-radio/

Allons-y gaiement et sans mollir !

 

dimanche 6 septembre 2020

Prolongement de la Jeune fille à l'écho de Jean Patin


Choisir le monde des garçons, celui de la hiérarchie d'une bande est incompatible avec celui, plus naturel, des filles. On peut manquer de courage en n'osant pas rendre sa robe à Vika devant la bande et en déborder en trouvant les symboles de chef de bande, deux crabes marqués jetés à la mer. Le courage n'est pas de même nature dans les deux cas.

Le monde de Vika tourne autour de son grand-père, chez qui elle passe ses vacances et qu'elle adore, de son père qui doit venir la chercher pour la rentrée, dont elle est la reine et de Romas, un jeune garçon esseulé qui sera sa grande déception transitoire. La bande de garçons n'a pas de réalité à ses yeux et ne sert que de révélateur de la personnalité de Romas.

Le monde Vika tourne aussi autour des cadeaux et des collections. Romas, ce sera les pierres, les timbres, les voitures. Et il est prêt à s'en séparer pour obtenir l'amitié de la jeune fille. Pour Vika, ce seront les inenfermables échos du paysage tourmenté des regs de Crimée. Trésor secret plus volatile que de les simples objets que Romas collectionne, mais qu'il est prêt à dévoiler, à disséminer aux quatre vents pour être accepté par la bande. Mais cela ne marche pas à chaque fois !
 Vika et Romas semblent rejouer le vieil mythe d'Écho et Narcisse. 
Le monde de Vika, dépendant des conditions météorologiques est impénétrable pour Romas et même pour le père de Vika. Seuls le chien du grand-père se rapproche de la connaissance de la nature de la jeune fille et sait déclencher l'écho. 
Les cadeaux du grand-père seront des coquillages extraits de la mer qui permettent d'entendre la poésie du monde des mers. 
Enfin, le cadeau donné par son père, une montre, l'ancre au temps, celui de la rentrée scolaire. Finie la robe à pois des vacances. Un petit uniforme et des chaussures à la place de pieds nus.
Le monde de la modernité cohabite avec celui de Vika. C'est le monde des camions, du bus, de la route, des arches en béton et la cabine téléphonique prodigue où Vika trouve un peu de réconfort après la trahison de Romas. Monde impersonnel de la ville.
Le monde de la bande est celui du jazz et du rock alors que celui de la jeune fille est celui du classique avec cor. Ces mondes ne sont pas miscibles. Romas en fera les frais !

Vika ne pardonne pas à Romas son chemin de croix, traverser nue les membres de la bande pour récupérer sa robe alors qu'il aurait pu la lui apporter. Elle grandira grâce à cette épreuve mais loin de Romas, qui regrettera, mais un peu tard, son absence de geste. Son impuissance à arrêter les camions qui emportent la jeune fille au cor est terrible et le laisse seul, à nouveau.




 

Visionnage parisien en salle (21) à l'Espace Saint-Michel


La jeune fille à l'écho (La jeune fille au cor). Arunas Zebriunas (1964) d'après la nouvelle Ekho de Yuriy Nagibin

«Longtemps ignorée en dehors des frontières de son pays, la Lituanie, l’œuvre d’Arūnas Žebriūnas est sur la voie d’une reconnaissance posthume et c’est heureux. La sortie de La Belle, il y a deux ans, avait permis de découvrir un conte à la poésie rare, où les influences du néoréalisme se trouvaient transcendées par une forme d’onirisme ouvert sur le mystère, comme une trouée dans un quotidien morose. De manière plus radicale, La Jeune fille à l’écho explore le même dispositif formel, avec un surcroît d’influences fantastiques. Les voix qui résonnent entre les parois minérales constituent le secret de Vika, petit elfe sautillant, accompagné de son cor. Livrée à la solitude, depuis que son grand-père s’est éloigné pour pêcher, elle marche au bord de l’eau, pique une tête, tandis que les plans-séquences densifient la contemplation dans un paysage sans âge, un environnement quasi originel. L’intrusion du groupe d’enfants figure une sorte de retour à la civilisation, mais la compagnie d’un garçon solitaire comme l’héroïne recompose une manière d’alliance presque édénique, que prolonge un désir d’exploration. Ricochant sur la crête des falaises inquiétantes, les zooms rompent la langueur de la déambulation initiale, ouvrent sous les pieds des deux protagonistes et du spectateur quelques perspectives bien plus vertigineuses. La succession des paréidolies incarne la métamorphose des pitons rocheux, liés à la jeune oréade par une sorte de secret tacite. Hélas, le charme se brise au ras de l’onde, où s’agrège à nouveau la bande de garçons. La petite fille fait l’expérience d’une perfide trahison qu’elle surmonte par des facéties primesautières. Mais elle ne pardonnera jamais le parjure. 
A la fois récit onirique et conte initiatique douloureux, La Jeune fille à l’écho étreint le cœur comme peu de films sur l’enfance. On n’oubliera pas le visage désespéré de Vika, à l’étroit dans l’habitacle embué d’une cabine téléphonique, ni son rire, lorsqu’ayant saisi le combiné, elle enchaîne les plaisanteries. Dans le rôle principal, Lina Braknytė est tout simplement extraordinaire.»

Jérémy Gallet. avoir-alire.com (2020)

jeudi 3 septembre 2020

«En ces temps-là, il n’y avait pas de pilule. C’était l’époque des anciens francs. C’était la fin des chevaux. Il n’y avait pas de moyen de contraception. Le désir était indistinct de la crainte d’enfanter.
Marie-José se détourna de lui quand le corps de Patrick se cambra et qu’il chercha à jouir. Elle alla s’asseoir sur le coffre.»

L’occupation américaine. Pascal Quignard. Éditions du Seuil (1994)
«D’autres fois, ils n’en pouvaient plus. Ils voulaient se battre, et vaincre. Ils voulaient lutter, conquérir leur bonheur. Mais comment lutter ? Contre qui ? Contre quoi ? Ils vivaient dans un monde étrange et chatoyant, l’univers miroitant de la civilisation mercantile, les prisons de l’abondance, les pièges fascinants du bonheur.
Où étaient les dangers ? Où étaient les menaces ? Des millions d’hommes, jadis, se sont battus, et même se battent encore pour du pain. Jérôme et Sylvie ne croyaient guère que l’on pût se battre pour des divans Chesterfield. Mais c’eût été pourtant le mot d’ordre qui les aurait le plus facilement mobilisés. Rien ne les concernait, leur semblait-il, dans les programmes, dans les plans : ils se moquaient des retraites avancées, des vacances allongées, des repas de midi gratuits, des semaines de trente heures. Ils voulaient la surabondance ; ils rêvaient de platine Clément, de plages désertes pour eux-seuls, de tours du monde de palaces.
L’ennemi était invisible. Ou plutôt, il était en eux, il les avait pourris, gangrenés, ravagés. Ils étaient les dindons de la farce. De petit êtres dociles, les fidèles reflets d’un monde qui les narguait. Ils étaient enfoncés jusqu’au cou dans un gâteau dont ils n’auraient jamais que les miettes.»

Les choses : une histoire des années soixante. Georges Pérec. Julliard (1965)

Bilan d'une vie

 «À présent, affalé, torturé par cette épouvantable gueule de bois, il regardait le temps filer. Il commença à se remémorer d'autres journées, d'autres soirées. Il les passa en revue, comme un film qu'on rembobine -grotesque, dénué de sens, à l'image de sa vie. Toutes ces scènes fourmillaient de détails, mais elles lui parurent minables et insignifiantes. Il revit de la sorte tout son passé, et il n'y découvrit rien dont il pût être fier, qui lui procurât de la joie, qui éveillât de bons sentiments. Non, il n'y avait dans cette récapitulation rien de consistant, rien à quoi il valût la peine de s'accrocher. Uniquement des velléités, des rêves inaccomplis, de désirs inassouvis. "Je ne suis arrivé à rien", se dit-il et il eut envie de pleurer, mais il faut croire qu'il avait oublié comment on fait, vu que cela ne lui était pas arrivé depuis l'enfance. Il avala sa salive amère, essaya de contraindre sa gorge et ses poumons à émettre un sanglot de bambin. Cela ne donna rien.»

Dieu,  le temps et les anges. Olga Tokarczuk. Robert Laffont (2019)

mercredi 2 septembre 2020

«Où sont elles, les choses belles à regarder ? Derrière les vitrines mortes des musées. Défense de toucher. Oubliées sur nos étagères, vaguement époussetées de temps à autre, sans y penser, sans même un regard complice. Nul projet, nulle parole ne les habite plus. Même plus le goût du futile de l'inutile, du gratuit : leur merveilleuse inanité est morte. Les choses sont muettes et froides, nous ne savons plus leur donner la vie.
Les objets, les bibelots, les gadgets. Sans doute continuent-ils de nous être offerts, dans une profusion de plus en plus calculée ; sans doute continuent-ils de s'amonceler, de s'accumuler, de se collectionner. Ils se multiplient, ils foisonnent, ils débordent, mais plus il y en a, plus ils nous échappent : nous ne savons plus nous en servir, nous les consommons passivement.
Dans ces sons déformés, falsifiés, "électroniqués", si l'on me passe l'expression, que nous transmettent à profusion ces milliers et ces milliers d'appareils -électroniques et juke-boxes, télévisions, postes de radio, magnétophones, etc.-, reste-t-il quelque chose de ce chant unique que jadis un homme un peu exercé pouvait obtenir en frottant des crins de chevaux sur des boyaux de chat ? Les violons sont aujourd'hui derrière les vitres épaisses des studios d'enregistrement ; la musique est une affaire de presse-bouton...
Ce n'est pas que le passé m'obsède -au contraire- mais ces simulacres sans vie que l'on prétend y substituer au lieu de s'ouvrir à ce qui est notre présent, notre rythme, notre espace.» 

Entretiens, conférences, textes rares, inédits. Georges Perec. Joseph K. (2019)
«- En Amérique il y a cent Baudelaire, quarante Verlaine, plusieurs centaines de Rodin, mais ce qui manque, c'est un Américain.
- Vous m'amusez, d'où cela provient-il ? 
- Ce pays est trop cosmopolite, il ne peut nourrir une individualité, il est le premier à nous montrer que ce que nous nommons l'art est une chose terminée ; l'art est avant tout la concentration des  besoins d'une époque, la représentation de la civilisation d'un peuple. Le jour où tous les peuples auront fusionné il n'y aura plus d'art pour nous, l'ensemble de nos oeuvres n'intéressera plus que les habitants de la planète Mars. Toutes les races s'amalgamant de plus en plus, le jour viendra où le costume national de la Terre sera le smoking.»

Caravansérail. Francis Picabia. Belfond (2013)

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (27)

«Pour que la sexualité puisse diffuser dans toutes les sphères de l'existence humaine, il a fallu d'abord qu'ON la dissocie fantasmatiquement comme un moment séparé de la totalité du reste de la vie.»

Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille. Tiqqun. Mille et une nuits (2001)