vendredi 30 novembre 2018

«Elle était vaillante dans sa nudité et ne perdait pas les manières de la femme habillée. Elle ne fermait pas non plus les yeux sur ce qu'elle faisait, et l'on voyait à son expression qu'elle se rendait compte de ce que cela était : le délassement du monde ; ce que tous accomplissent en se cachant.
Elle allait sans révolte ni soumission exagérée. Elle était la femme qui entre dans l'amour, comme dans la mer, sans hésiter.»

La veuve blanche et noir. Ramon Gomez de la Serna. Éditions Ivrea (1995)
«Chantal faisait allusion aux mœurs des hommes, des hommes mariés et singulièrement du sien, Paul Boulingra : l'alcoolisme buté, la tabagie autistique, la paresse sexuelle, la médiocrité financière, la lourdeur sentimentale. Seulement voilà, Julia trouvait que sa sœur avait été particulièrement mal servie en la personne de son Popol. Elle cita des types qui ne buvaient que de l'eau comme le mari à la Trendelino, qui ne fumaient point comme celui de la Foucolle, qui braisaient à houilles rehaussées comme celui de la Panigère, qui gagnaient largement leur vie comme celui de la Parpillon et qui pouvaient avoir pour leur épouse de délicates attentions comme celui de la Foucolle, déjà cité. Sans compter ceux qui savent remettre un plomb, porter les paquets, conduire la voiture, baisser les yeux lorsqu'ils croisent une pute. Julia pensait bien que son militaire serait de cette espèce, et elle en sourit de plaisir. Ce qui agaça Chantal.»

Le Dimanche de la vie
. Raymond Queneau. Éditions Gallimard (1952)
«Je cueille les sons échevelés à la mesure champêtre.
Je cultive les tremblements comme des perles.
Je vis les attentes candides au bord du chavirement.
Poids pesant que l'écrasante fraîcheur de mon écho, comme une assiette éclatante.
Libre pensée porteuse en fragile faïence.
La nappe m'offre son coin de fruits répandus.
J'ouvre les doigts comme une dentelle.
Le frôlement des galops m'effeuille.
Profondeur attouchée, si blanche.»

Les Aurores fulminantes
. Suzanne Meloche. Herbes rouges (1980)
«Tu reconnais presque toutes les familles autour de toi. Toutes sont élégantes. Plus qu'à l'habitude. Pas pour cacher la faim. Non, simplement pour l'accueillir avec dignité. Pour bien lui faire savoir qu'on n' pas peur d'elle.
Le son des corps avides, se nourrissant enfin, trahit pourtant le précarité du moment. Sous les tissus immaculés, tout le monde tient sur un fil.»

La Femme qui fuit. Anaïs Barbeau-Lavalette. Éditions Marchand de feuilles (2015)
«Bède raconte qu'un homme avait commis tant de péchés que son évêque hésitait à l'absoudre. Enfin l'évêque envoya cet homme au tombeau de Saint-Jacques avec un papier où étaient inscrits ses péchés. Le jour de la Saint-Jacques, le papier fut placé sur le tombeau du saint ; et quand le pêcheur, après une fervente prière, reprit le papier et l'ouvrit, il vit que la liste de ses péchés se trouvait effacée.»

La Légende dorée : Saint-Jacques Majeur. Jacques de Voragine. Éditions du Seuil (1998)
«- Vraiment, dit-il, je pleure ? Hé bien, ne regardez pas, ce sont des larmes de honte. Depuis cinq minutes, figurez-vous, je cherche en vain un moment, un seul moment de ma vie à vous offrir, qui soit digne de vous. Je ne me rappelle que des niaiseries ou des saletés. Toute la vie d'un homme ne ferait pas seulement de quoi remplir le creux de la main.»

La Joie. Georges Bernanos. Plon (1929)
«Car il y a aussi deux modes hallucinatoires. La mauvaise hallucination est celle des envoûtements et des fausses visions ; c'est le symptôme de la folie qu'on enferme, le stigmate du jugement psychiatrique. Artaud n'a cessé de s'en défendre. Il proteste de sa lucidité.!il affirme que l'opium ne produit pas d'effets de ce type. L'autre hallucination, innommée, active dans l'écriture, dans le choix des vocables, dans la direction du trait, abolit la distinction entre intérieur et extérieur. C'est l'image intérieure concrétisée, c'est-à-dire projetée dans le monde de la perception ; ou, selon un mouvement inverse, la froide apparence, la lettre morte des apparences, rendue au foyer(plus ou moins actif) de la vision.»

Antonin Artaud. Sous la direction de Guillaume Fau. Bibliothèque nationale de France / Gallimard (2006)
 «Et j'entraînai [Fernand] Léger sur la sente qui contourne le cimetière de Gentilly, en direction de la poterne des Peupliers.»

L'Homme foudroyé. Blaise Cendrars. Éditions Denoël (1945)

121 Ne point faire une affaire de ce qui n'en est pas une

«Comme il y a des gens qui ne s'embarrassent de rien, d'autres s'embarrassent de tout, ils parlent toujours en ministres d'État. Ils prennent tout au pied  de la lettre ou au mystérieux. Des choses qui donnent du chagrin, il y en a peu dont il faille faire cas ; autrement  on se tourmente bien en vain. C'est à faire contresens que de prendre à cœur ce qu'il faut jeter derrière le dos. Beaucoup de choses, qui étaient de quelque conséquence, n'ont rien été, parce que l'on ne s'en est pas mis en peine ; et d'autres, qui n'étaient rien, sont devenues choses d'importance, pour en avoir fait grand cas. Du commencement, il est aisé de venir à bout de tout ; après cela non. Très souvent le mal vient du remède même. Ce n'est donc pas la pire règle de vie que de laisser aller les choses.»
 
L'art de la prudence. Balthasar Graciàn. Rivages poche, petite bibliothèque (1994)
«Jamais il n'a senti, après l'union des corps, cette tristesse dont parle la maxime, mais toujours cette fine allégresse, cette clarté intérieure pétillante comme du champagne, cette paix où l'âme et le corps forment un seul cristal translucide. Est-ce seulement parce que l'accomplissement charnel dissipe les nuages que fait monter le désir, brise les verres opaques que celui-ci construit autour de son objet ? S'il en était ainsi, la satisfaction purement physique du désir entraînerait sans doute une sorte d'indifférence, de désintérêt, à l'égard de l'être qui a procuré cette satisfaction, une impression de satiété ou de réplétion semblable à celle du marcheur altéré qui vient de vider à longs traits une gourde d'eau glacée. Peut-être est-ce un pareil sentiment de possession et de perte, d'assouvissement et de dépit, cette conscience de ne pouvoir aller plus loin dans la jouissance et de voir s'évanouir en même temps la soif qui rendait possible cette jouissance que le moraliste a appelé la tristesse de l'animal après l'union charnelle. Le marcheur couvert de sueur et de poussière contemple tristement, en effet la cascade où il vient de s'abreuver et dont les eaux transparentes bondissant dans l'ombre par-dessus les cailloux ne lui sont plus d'aucun secours ; ayant dépassé sa soif, il se retrouve seul avec soi : ayant détruit ce qui le projetait vers le bonheur, il découvre que le monde ne nous apporte rien de plus que l'anéantissement de ce qui nous détournait de nous-mêmes.
Certitude paisible, communication sans un mot, plénitude, sentiment de présence double et indivisible au cœur même de la vie, déploiement autour de soi des immenses horizons du monde, éveil, disponibilité, tels sont au contraire les caractères de cet instant. En l'homme l'animal est sauvé de l'homme.»
 
Les Reins et les coeurs. Paul-André Lesort. Éditions du Seuil (1964)
«Jusqu'ici et depuis la plus haute antiquité, la lecture et l'écriture étaient les seuls mode d'échange comme les seuls procédés de travail et de conservation de l'expression par le langage. On ne peut plus répondre de leur avenir. Quant aux esprits, on voit déjà qu'ils sont sollicités et séduits par tant de prestiges immédiats, tant d'excitants divers qui leur donnent sans effort les sensations les plus intenses, et leur représentent la vie même et la nature toute présente, que l'on peut douter si nos petits-fils trouveront la moindre saveur aux grâces surannées de nos poètes les plus extraordinaires, et de toute poésie en général.»
 
Variété III, IV et V. Paul Valéry. Gallimard (1936-1944)
«Si tu veux mon avis […] on n'a pas besoin de peindre des arbres alors qu'on en voit de mieux fait sur le chemin des galeries. Je peins, oui, mais seulement des conceptions, ou, si tu veux, des synthèses, des accords, et ainsi de suite.»

Frantisek Kupka. Lettre à Machar, 25 juin in Kupka, pionnier de l'abstraction, RMN (2018)
«L'homme est un être qui peut "faire", et "faire" signifie : agir consciemment et de sa propre initiative.
[...]
Dans sa vie personnelle, familiale et sociale, en politique, en sciences, en art, en philosophie, en religion, bref, en tout ce qui constitue le processus de vie ordinaire de l'homme contemporain, tout, du commencement jusqu'à la fin, se fait de soi-même, et il n'est pas une seule de ces « victimes de la civilisation contemporaine » qui puisse « faire » quoi que ce soit.»
 
Récits de Belzébuth à son petit-fils : critique objectivement impartiale de la vie des hommes. Georges Ivanovitch Gurdjieff. Stock + plus (1976)
« L'harmonie est la présence de l'éternité [...] »

Antimémoires. André Malraux. Gallimard (1972)
«Parler en face, des grands monstres poses de Renoir... De plus en plus important pour moi. Rien à voir avec la photo-là... Chair étoupe baudruches à caresser. Délectables géantes.»

Ultima necat I : journal intime 1978-1985. Philippe Muray. Les Belles Lettres (2015)
«Ceux-là sont nés de la morale que t'ont enseignée les marchands, lesquels veulent placer leurs marchandises. Tu crois que ta joie vient de recevoir et d'acheter, comment te souviendrais-tu du contraire quand on a fait tellement d'efforts pour te créer des liens avec l'objet ?»

Citadelle. Antoine de Saint-Éxupery. Gallimard (1959)

mardi 20 novembre 2018

«Alors, en général, on a le choix entre être une fille et être une héroïne – le genre d’héroïnes qu’on trouve dans les romans. Mais je ne suis pas une héroïne non plus ! Une héroïne est belle – ses yeux aussi bleus que la mer lancent des regards mystérieux par-dessous ses paupières baissées –, elle avance en ondulant, son sourire éclatant ensorcelle, elle tombe systématiquement amoureuse d’un homme – un homme, obligatoirement –, elle mange des choses (que les romans appellent toujours “des mets délicats”) avec un appétit d’oiseau, et dans les grandes occasions, sa voix se remplit de larmes. Moi, je ne me livre à aucune de ces activités. Je ne suis pas belle. Ma démarche n’est pas ondulante – d’ailleurs je n’ai jamais vu personne onduler, à part peut-être une vache suralimentée. Mon sourire éclatant n’ensorcelle personne. Mes yeux, qui n’ont rien de commun avec la mer, ne lancent aucun regard mystérieux. Je n’ai jamais mangé de “mets délicats” et j’ai un excellent coup de fourchette. Et pour finir, ma voix, à ma connaissance, ne s’est pas encore remplie de larmes.
Non, je ne suis pas une héroïne.»

Que le diable m'emporte. Mary MacLane. Sous-sol (2018)


 

Sur la photographie (1)

«Le désir de photographier est le contraire du désir de signifier à tout prix, de témoigner ou d’informer. Il est de l’ordre de la sidération et de l’illusion. De l’ordre de la disparition aussi, car si quelque chose veut devenir image, ce n’est pas pour durer, c’est pour mieux disparaître.» 

Sur la photographie. Jean Baudrillard. Librairie générale française (1999)

PBF 2018.35 P : Le diable, la maman et la putain

Mercredi 21 novembre 2018 à 19H sur Radio-Radio, hertzien Toulouse : 106.8 Mhz ou sur http://62.210.215.26:8000/xstream , nouvelle diffusion d'une émission de la Petite Boutique Fantasque, une émission autour d'extraits du film de Jean Eustache : La Maman et la putain.

Liste des morceaux diffusés :

1) Speak no evil (Wayne Shorter)
2) Du gris (Georgette Plana)
3) Comme à la radio (Brigitte Fontaine)
4) Frog galliard (John Dowland) par Thomas Dunford
5) Gnossienne 4 (Erik Satie) par Sébastien Llinares
6) Die interimsliebenden (Einstürzende Neubauten)
7) Sommeil (GAM)
8) Expectans expectavit Dominus (Igor Stravinsky) extrait de la Symphonie des psaumes par Orchestre symphonique tchèque dirigé par Karel Ancerl 

Tous les Toulousains reconnaîtront l'image de couverture. Les autres me demanderont...

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y aura possibilité de rattrapage avec les podcasts:
http://radioradiopodcast.net/…/LA_PETITE_BOUTI…/podcasts.php


Allons-y gaiement sans mollir !

mardi 13 novembre 2018

PBF 2018.34P : Bois ton café à l'eau de pluie place Pinel


Mercredi 14 novembre 2018 à 19H sur Radio-Radio, hertzien Toulouse : 106.8 Mhz ou sur http://62.210.215.26:8000/xstream , nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque, une émission pinelienne contenant la 15ème chronique de l'univers de Marius Pinel qui va nous entretenir de la pluie place Pinel.



Liste des morceaux diffusés :

1) Shapes and shadows (Lorenzo Naccarato trio)
2) Le Siècle des imbéciles (Rosalie Dubois)
3) [ ] (Rony Barrak)
4) Bois ton café, il va être froid (Rosette)
5) Nothing left but their names (Laurie Anderson)
6) A way with words (Robert Plant)
7) Memento mori (Wild women and the savages)



Il s'agit d'un émission un peu toulousaine avec Lorenzo Naccarato, les Wild women et la place Pinel... Un peu de nostalgie ?



Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y aura possibilité de rattrapage avec les podcasts:

http://radioradiopodcast.net/…/LA_PETITE_BOUTI…/podcasts.php



Allons-y gaiement sans mollir !

lundi 5 novembre 2018

PBF 2018.33T : Ombres étranges sur Pachelbel

Mercredi 7 novembre 2018 à 19H sur Radio-Radio, hertzien Toulouse : 106.8 Mhz ou sur http://62.210.215.26:8000/xstream , nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque enregistrée dans la sérénité du studio en sous-sol.


Liste des morceaux diffusés :

1) [ ] (Pascal Comelade)
2) Hallelujah (John Cale)
3) Fullness of wind (Brian Eno)
4) White mischief (Penguine cafe orchestra)
5) Strange arrangement (Carla Bley)
6) Shadows (Canizares / Wemba)
7) Siamese dreams (Carlos Alomar)




Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y aura possibilité de rattrapage avec les podcasts: 

Allons-y gaiement sans mollir !

vendredi 2 novembre 2018

Seins de Ramon Gomez de la Serna (incipit)

«J'ai fait ce livre à la va-comme-je-te-presse, jonglant ludiquement avec les brefs ivoires des seins, jouant du style, les modelant du verbe et de l'imagination comme en leur propre céramique idéale. Sans doute le style en eût pu être un peu plus léché, plus distillé : mais la vie nous presse toujours, toujours, et nous avons beau nous être donné du temps, pour prendre des notes et pour réfléchir au sujet, l'heure de la publication nous prend de son urgence. Comme j'aurais pu polir les seins du style et montrer l'infini de leur variété ! Je les vois, je les touche, je les savoure, j'aurais beaucoup aimé les élaborer délicatement : ils en seraient sortis plus fignolés et plus véritables, mais l'heure de leur publication m'aurait échappé.»

Seins. Ramon Gomez de la Serna. Babel (1992)

jeudi 1 novembre 2018

Saint-Thomas, apôtre

«La virginité est la sœur des anges, la possession de tous biens, la victoire sur les passions, le trophée de la foi, la défaite des démons, le gage des joies éternelles. Mais, au contraire, de la volupté naît la corruption, de la corruption naît la pollution et de la pollution naît la perdition.»


La Légende dorée. Jacques de Voragine. Éditions du Seuil (1998)
«L'idée ne lui vint pas, qu'elle souffrait peut être sans raison, sans but, que la question posée n'a pas de réponse possible, que son angoisse est faite pour se perdre, avec tant d'autres, dans la sérénité universelle, ainsi qu'un cri ne dépasse pas un certain cercle de l'espace, et, hors de ce cercle, n'est rien.»

La Joie. Georges Bernanos. Plon (1929)
«La réalité est l'absence apparente de contradiction.
Le merveilleux, c'est la contradiction qui apparaît dans le réel. 

L'amour est un état de confusion du réel et du merveilleux.
Dans cet état les contradictions de l'être apparaissent comme réellement essentielles à l'être.

Où le merveilleux perd ses droits commence l'abstrait.

Le fantastique, l'au-delà, le rêve, la survie, le paradis, l'enfer, la poésie, autant de mots pour signifier le concret.

Il n'est d'amour que de concret.»

Louis Aragon in Révolution surréaliste n°3 cité dans Antonin Artaud. Sous la direction de Guillaume Fau. Bibliothèque nationale de France / Gallimard (2006)
«C'est très vrai la parole du poète "que la sensualité est la mer où toutes nos vertus se perdent."»

Hécate. Pierre Jean Jouve. Mercure de France (1963)
«Dans la société du spectacle, il s'agit donc de cultiver la crédulité des masses afin de les employer continuellement, et à leur insu, au maintien d'un ordre déterminé par des nécessités économiques profitables à une minorité. En conséquence, la vie nous échappe et la déperdition programmée de notre rapport à un réel de plus en plus lointain s'incarne jusque dans la perte du goût des aliments ou le langage truffé de dogmatismes aux allures de légères passades.»

Guy Debord : un art de la guerre. Bibliothèque Nationale de France / Gallimard (2013)
«Amour, délice et orgue sont féminins au pluriel.
[…]
Amours, délices et orgues sont masculines au singulier.»

L'Homme foudroyé. Blaise Cendrars. Éditions Denoël (1945)

-79- L'humeur joviale

C'est une perfection plutôt qu'un défaut quand il n'y a point d'excès. Un grain de plaisanterie assaisonne tout. Les  plus grands hommes jouent d'enjouement comme les autres, pour se concilier la bienveillance universelle ; mais avec cette différence qu'ils gardent toujours la préférence à la sagesse, et le respect à la bienséance. D'autres se tirent d'affaire par un trait de belle humeur ; car il y a des choses qu'il faut prendre en riant, et quelquefois celles même qu'un autre prend tout de bon. Une telle humeur est l'aimant des cœurs.

L'art de la prudence. Balthasar Graciàn. Rivages poche, petite bibliothèque (1994)
«Outre cela, il était indispensable et il sera indispensable désormais de se garder d'abraser les particularités de chaque personne, en travaillant collectivement, car la future création collective a seulement la nécessité d'avoir conscience de l'esprit et de la valeur des époques qui arrivent et non celle d'être un rassemblement de personnes abrasées uniformes.»


Marc Chagall in Chagal Lissitzky Malevitch, l'avant garde russe à Vitebsk, 1918-1922. Centre Georges Pompidou (2018)
«Qu'est-ce que le mariage pour beaucoup ? Une espèce de camaraderie, d'association, où il faut se faire des concessions, s'arranger, comme dans une chambrée de caserne. Une société où l'on profite d'être deux, mâle et femelle, pour satisfaire, ensemble des besoins charnels : non le besoin charnel l'un de l'autre, mais le besoin charnel tout court, sans objet. Que cela aboutisse à donner une secrète auréole de honte, d'ignominie, aux manifestations sexuelles, comment s'en étonner ? Ce qui est plus grave (plus grave encore que l'existence de couples enfermés dans leur propre bauge de sexualité honteuse), ce qu'ils projettent autour d'eux ce sentiment de honte, d'ignominie, dont ils imprègnent les âmes jeunes, les déforment. Comment ensuite, arracher des êtres, les germes malfaisants si profondément enfouis ?»

Les reins et les coeurs. Paul-André Lesort. Éditions du Seuil (1964)
«Combien il est surprenant, -me dit encore mon esprit de simplicité,- qu'une époque qui pousse à un point incroyable, à l'usine, sur le chantier, dans l'arène, au laboratoire ou dans les bureaux, la dissection du travail, l'économie et l'efficace des actes, la pureté et la propreté des opérations, rejette dans les arts, les avantages de l'expérience acquise, refuse d'invoquer autre chose que l'improvisation, le feu du ciel, le recours au hasard sous divers noms flatteurs !...»

Variété III, IV et V. Paul Valéry. Gallimard (1936-1944)
«J'ai vu l'exposition Kandisky. Il est sans nul doute un très grand artiste et encore plus grand esthéticien -trop esthéticien. Cela en arrive à être la peinture des châtrés, des puritains et l'emploi du tire-ligne et du compas a pour résultat de provoquer des impressions semblables à celle qu'on éprouve chez un dentiste. Donc, en peinture, le perfection ne me semble pas résider ailleurs que dans la représentation du concept (idée) déjà épuré.»

Frantisek Kupka. Lettre à van Doesburg in Kupka, pionnier de l'abstraction, RMN (2018)
« A mon avis, si la classe que l'on nomme là-bas "intelligenzia" était appelée tout simplement "mécaniquenzia", ce serait peut être plus juste.
[…]
Je dois te dire encore que certains êtres terrestres appartenant à l'intelligenzia, dont les manifestations psychiques, après avoir subi diverses manifestations psychiques, après avoir subi diverses modifications au cours de leur existence responsable, ont déjà pris des formes bien établies et familières à leur entourage, ne sont plus désignés par les autres êtres sous le nom collectif d' "intelligenzia" ; on leur donne d'autres noms composés de plusieurs mots, ou plutôt de plusieurs racines de mots, tirés eux aussi du grec ancien, tels que :
Bureaucrates
Ploutocrates
Théocrates
Démocrates
Zébrocrates
Aristocrates
et ainsi de suite...

Récits de Belzébuth à son petit-fils : critique objectivement impartiale de la vie des hommes. Georges Ivanovitch Gurdjieff. Stock + plus (1976)
«But de l'impressionnisme : les culs bulbeux de Renoir, ses cuisses coupoles byzantines, son roccoco en rose, son banquet de femelles roses...»

Ultima necat I : journal intime 1978-1985. Philippe Muray. Les Belles Lettres (2015)

Réminiscence personnelle (28)

«La vie intérieure est la recherche de la sérénité.»

Antimémoires. André Malraux. Gallimard (1972)
«Me vinrent des réflexions sur la vanité. Car toujours elle m'apparut non comme un vice mais comme une maladie. Et celle-là que j'ai vue s'émouvoir de l'opinion de la foule, et de corrompre dans sa démarche et dans sa voix à cause qu'elle devenait spectacle, et tirait des satisfactions extraordinaires de paroles prononcées à son propos, celle-là dont la joue se chargeait de feu parce qu'on la regardait, j'y voyais autre chose que stupidité : mais maladie.»

Citadelle. Antoine de Saint-Éxupery. Gallimard (1959)