dimanche 17 août 2014

Talens réunis : textes (6.4)



«De retour que je fus du logis de M. Arnous, nous nous couchâmes, mais à peine nous nous étions reposées une heure, qu'on vint m'éveiller pour me donner avis que le capitaine Manechini désirait me parler de la part du Connétable. Tous nos gens commencèrent à trembler à cette nouvelle, et pour prévenir ce qu'il en pouvait arriver, j'en fis d'abord avertir M. Arnous, qui m'envoya en même temps des gardes, me priant très instamment d'aller loger chez lui, où je serais plus en sécurité qu'en aucune autre part. Je le fis aussi, après avoir donné audience à Manechini, qui n'avait point d'autres propositions à me faire que de retourner auprès du Connétable, ou d'attendre pour le moins qu'il m'envoyât un train plus conforme à ma qualité et ce qui était nécessaire pour continuer mon voyage avec plus d'éclat et de bienséance. Il n'oublia pas de m'attendrir avec le souvenir de mes enfants, jugeant que la tendresse que j'avais pour eux m'engagerait peut être de prendre la résolution qu'il tâchait de m'insinuer, mais encore que, je les aimasse extrêmement, je craignais bien plus le danger qu'il y avait pour moi, et, ne doutant pas que de si belles paroles ne cachassent quelque méchant dessein, je lui dis que le mien n'était pas de m'en retourner. Et, en entrant en même temps dans le carrosse que M. Arnous m'avait envoyé avec un gentilhomme, nous allâmes dans sa maison où nous fûmes si bien reçues et si bien régalées, et où nous trouvâmes de  si bons lits, qu'en peu de temps nous nous remîmes de toutes la fatigues que nous avions souffertes sur cette barque. Le jour suivant, comme j'avais envoyé à M. de Grignan la lettre que j'avais de M. de Pomponne, il arriva de sa part un gentilhomme avec six gardes pour m'accompagner et me donner tout ce que j'aurais besoin. J'acceptai les offres de ce cavalier, et, après avoir mangé , nous montâmes avec lui en carrosse, Madame Mazarin et moi, et nous arrivâmes le soir à Aix en compagnie de M. de Grignan, qui nous était venu recevoir à une lieue de la ville avec son carrosse, où il nous pria d'entrer et nous témoigna qu'il était extrêmement fâché de ce qu'il ne pouvait pas nous loger dans le palais du Gouverneur, qui était M. de Vendôme, mon neveu, fils du duc de mercure et de Victoria Mancini, ma soeur aînée. Après l'avoir bien remercié de ses soins nous le priâmes qu'il ne se mît point en peine de notre logis, parce que nous avions déjà donné parole à un gentilhomme de mon frère, appelé Moriés, que nous irions loger chez son frère le président du Castelet, comme nous fîmes, et où nous fûmes magnifiquement traitées durant quinze jours.»

Mémoires d'Hortense et de Marie Mancini : Mémoires de Marie Mancini. Mercure de France : Le temps retrouvé (1987)

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