dimanche 5 juin 2016

«L'imagerie incessante (télévision, vidéo, cinéma) constitue notre environnement, mais dès lors que la question du souvenir se pose, la photographie est plus incisive. La mémoire procède par l'arrêt sur image ; son unité de base est l'image isolée. En cette ère d’information saturée, la photographie représente un moyen rapide d'appréhender un objet ainsi qu'une forme compacte de mémorisation. La photographie est comparable à une citation, à une maxime ou à un proverbe. Chacun d'entre nous dispose, dans son stock mental, de photographies dont le souvenir peut être instantanément rappelé. Qu'on mentionne seulement la photographie la plus célèbre de la guerre civile espagnole -celle du soldat républicain touché simultanément par l'appareil  de Robert Capa et par une balle ennemie- et quiconque ou presque a entendu parler de cette guerre pourra se figurer l'image granuleuse, en noir et blanc, d'un homme vêtu d'une chemise blanche aux manches retroussées tombant à la renverse sur un monticule, le bras droit projeté en arrière tandis que son fusil lui échappe ; un homme saisi au moment où il va s'écrouler, mort, sur sa propre ombre.»

Devant la douleur des autres. Susann Sontag. Éditions Bourgeois (2003)

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