dimanche 29 mai 2016

«Don Juan était un maître, tandis que le Collectionneur est un esclave. Don Juan transgressait effrontément les conventions et les lois. Le Grand Collectionneur ne fait qu'appliquer docilement, à la sueur de son front, la convention et la loi, car collectionner fait désormais partie des  bonnes manières et du bon ton, collectionner est presque considéré comme un devoir. Si je me sens coupable, c'est uniquement de ne pas prendre Élisabeth. 
Le Grand Collectionneur n'a rien de commun ni avec la tragédie ni avec le drame. L'érotisme, qui était le germe des catastrophes, est devenu, grâce à lui, une chose pareille à un petit déjeuner ou à un dîner, à la philatélie, au ping-pong, ou à une course dans les magasins. Le Collectionneur a fait entrer l'érotisme dans la ronde de la banalité. Il en a fait les coulisses et les planches d'une scène d'un vrai drame n'aura jamais lieu. Hélas mes amis, s'écria Havel d'un ton pathétique, mes amours (si je peux me permettre de les appeler ainsi) sont les planches d'une scène où il ne passe rien.»

Risibles amours
Milan Kundera. Gallimard (1986)

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