jeudi 5 mai 2016

«[Californie ? 1890]

Je n'aime que toi, je ne suis heureuse qu'en rêvant de toi, cela est aussi certain, aussi réel que ma conscience d'exister, pourtant... oh, je ne t'accuse pas !... pourtant Van tu es responsable (ou ce qui revient au même, le Destin à travers toi est responsable) d'avoir ouvert en moi, lorsque j'étais encore enfant, une source de frénésie, une fureur de la chair, une irritation insatiable... Le feu que tu as allumé a laissé son empreinte sur le point le plus vulnérable, le plus pervers, le plus sensible de mon corps. Aujourd'hui il faut que j'expie l'excès de vigueur prématurée avec lequel tu as raclé la rouge écorchure, comme le bois calciné doit expier d'être passé par la flamme. Privée de tes caresses, je perds tout empire sur mes nerfs, plus rien n'existe que l'extase du frottement, l'effet persistant de ton dard, de ton poison délicieux. Je ne t'accuse pas, je te dis la raison qui fait que le désir me consume et que je ne puis résister à l'impact d'une autre chair - et que notre passé commun engendre des ondes de trahisons illimitées.»

Ada ou l'ardeurVladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)

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