samedi 8 août 2015

Festival des libertés (2) Caravansérail été vingt-quinze

Socrate : Représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'instruction et à l'ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière. Ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête. La lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux. Entre le feu et les prisonniers passe une route élevée. Imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
Glaucon : Je vois cela.
Socrate : Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois et en toute espèce de matière. Naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.
Glaucon : Voilà, un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
Socrate : Ils nous ressemblent, répondis-je. Penses-tu que dans une telle situation ils n'aient jamais vu autre chose d'eux mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ?
Glaucon : Comment cela se pourrait-il s'ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie ?
Socrate : Et pour les objets qui défilent n'en est-il pas de même ?
Glaucon : Sans contredit.
Socrate : Mais, dans ces conditions, s'ils pouvaient se parler les uns aux autres, ne penses-tu pas qu'ils croiraient nommer les objets réels eux-mêmes en nommant ce qu'ils voient ?
Glaucon : Nécessairement.
Socrate : Et s'il y avait aussi dans la prison un écho que leur renverrait la paroi qui leur fait face, chaque fois que l'un de ceux qui se trouvent derrière le mur parlerait, croiraient-ils entendre une autre voix, à ton avis, que celle de l'ombre qui passe devant eux ?
Glaucon : Non par Zeus.
Socrate : Assurément, de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués.


La République. Platon. Flammarion (2002)



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