jeudi 13 août 2015

«Le garçon a les yeux fixés sur le magnétophone et roule des hanches. Des enfants accourent sur le terrain de jeu et se joignent à lui : ils lancent les bras en avant, tantôt l'un, tantôt l'autre, ils renversent la tête en arrière, ils agitent les mains en pointant l'index comme s'ils menaçaient quelqu'un et leurs cris se mêlent à la chanson qui sort du magnétophone.
Tamina est cachée derrière un tronc épais d'un platane, elle ne veut pas qu'ils la voient, mais elle ne peut pas  les quitter des yeux. Ils se conduisent avec une coquetterie provocante d'adultes, agitant les hanches en avant puis en arrière comme s'ils imitaient le coït. L'obscénité des mouvements plaqués sur les corps enfantins abolit l'antinomie entre l'obscène et l'innocent, entre le pur et l'immonde. La sensualité devient absurde, l'innocence devient absurde, le vocabulaire se  décompose et Tamina se sent mal à l'aise : comme si elle avait un poche vide dans l'estomac.»

Le Livre du rire et de l'oubliMilan Kundera. Editions Gallimard (1979)

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