lundi 24 août 2015

Sur le baroque des Muses galantes !

«Le baroque a inventé les corps torturés. Il y a dans le spectacle des supplices où il se délecte quelque chose qui est la rencontre de Sade et de Bossuet (relire, de ce dernier, la longue description détaillée du martyre de saint-Gorgon). Ses tableaux et ses statues sont insupportables et scandaleux. Pourquoi ? Parce que c'est exactement ce qui ne doit pas être montré aux enfants. Et que donc, devant ces exhibitions, les parents qui s'imaginent ne plus être des enfants estiment avoir droit à la parole. Pour dire que ça les traumatise à travers leur fantasme d'enfant. Pour ne pouvoir jamais dire aussi à quel point c'est pire encore qu'ils ne l'imaginent. Car l'obscénité ne réside pas seulement  dans la mise en scène des gesticulations de souffrance ou d'extase, dans les trépignements précis des martyrs et les ravissements des miraculés. C'est toute l'architecture (de l'église ; y en a-t-il d'autre ?), toute l'histoire de l'architecture qui soudain casse son erre, fait des embardée, chavire furieusement et devient sculpture puis chair. Une architecture en train de muter follement en érections de statuaire, voilà ce qui ne  doit pas être vu à aucun prix par les petits d'hommes.»

Le XIXe siècle à travers les âgesPhilippe Muray. Editions Denoël (1999)

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