mercredi 15 octobre 2014

«Voici Alfred Maury, presque un inconnu. Il a pourtant écrit sur tout les sujets qui nous remuent. Histoire littéraire, religion comparée, syncrétisme, astrologie, hallucinations, clé des songes.  Il passe par Comte mais vient de La Mettrie, de l'homme-machine des Lumières (La Mettrie, grand consommateur de cadavres et champion de la libre pensée, était obsédé par la démonstration de l'inexistence de l'âme ; il utilisait donc les morts, les morts et encore les morts, c'était son argument massue pour prouver l'absence de toute âme ; les palpitations nerveuses des tortues ou des lézards qui continuent bien après le dernier souffle ; les entrailles effectuant encore post-mortem  leur mouvement péristaltique ; les coeurs arrachés des grenouilles, les coqs courant le cou coupé ; bref, les expériences qu'on aura tout le loisir de refaire plus tard avec les guillotinés de fraîche date ; préoccupation scientifique  qu'on retrouvera encore bien après à Jersey dans certaines questions de Hugo à Chénier, via les tables tournantes, sur ses sensations de décapité)... Alfred Maury a attentivement étudié ses propres hallucinations, ses rêves. Et les rêves des autres : la magie et l'astrologie médiévales, le socialisme du 16e. Jésus lui est apparu en songe, lui a confié qu'il n'était pas immortel, qu'il avait vieilli et qu'il allait mourir... Il pense que tout mysticisme mène à la folie et que Jeanne d'Arc serait aujourd'hui internée. Il s'est penché sur les hérésies, les gnosticismes. Il a été tenté par la critique des textes bibliques, l'étude de l'aberrant dogme de la "Trinité", la climatologie. Bref, il a ratissé le plus largement possible. Avec l'Amour pour principe, l'Ordre pour base, le Progrès pour but. Evidemment.»

Le XIXe siècle à travers les âgesPhilippe Muray. Editions Denoël (1999)

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