dimanche 6 septembre 2020

Visionnage parisien en salle (21) à l'Espace Saint-Michel


La jeune fille à l'écho (La jeune fille au cor). Arunas Zebriunas (1964) d'après la nouvelle Ekho de Yuriy Nagibin

«Longtemps ignorée en dehors des frontières de son pays, la Lituanie, l’œuvre d’Arūnas Žebriūnas est sur la voie d’une reconnaissance posthume et c’est heureux. La sortie de La Belle, il y a deux ans, avait permis de découvrir un conte à la poésie rare, où les influences du néoréalisme se trouvaient transcendées par une forme d’onirisme ouvert sur le mystère, comme une trouée dans un quotidien morose. De manière plus radicale, La Jeune fille à l’écho explore le même dispositif formel, avec un surcroît d’influences fantastiques. Les voix qui résonnent entre les parois minérales constituent le secret de Vika, petit elfe sautillant, accompagné de son cor. Livrée à la solitude, depuis que son grand-père s’est éloigné pour pêcher, elle marche au bord de l’eau, pique une tête, tandis que les plans-séquences densifient la contemplation dans un paysage sans âge, un environnement quasi originel. L’intrusion du groupe d’enfants figure une sorte de retour à la civilisation, mais la compagnie d’un garçon solitaire comme l’héroïne recompose une manière d’alliance presque édénique, que prolonge un désir d’exploration. Ricochant sur la crête des falaises inquiétantes, les zooms rompent la langueur de la déambulation initiale, ouvrent sous les pieds des deux protagonistes et du spectateur quelques perspectives bien plus vertigineuses. La succession des paréidolies incarne la métamorphose des pitons rocheux, liés à la jeune oréade par une sorte de secret tacite. Hélas, le charme se brise au ras de l’onde, où s’agrège à nouveau la bande de garçons. La petite fille fait l’expérience d’une perfide trahison qu’elle surmonte par des facéties primesautières. Mais elle ne pardonnera jamais le parjure. 
A la fois récit onirique et conte initiatique douloureux, La Jeune fille à l’écho étreint le cœur comme peu de films sur l’enfance. On n’oubliera pas le visage désespéré de Vika, à l’étroit dans l’habitacle embué d’une cabine téléphonique, ni son rire, lorsqu’ayant saisi le combiné, elle enchaîne les plaisanteries. Dans le rôle principal, Lina Braknytė est tout simplement extraordinaire.»

Jérémy Gallet. avoir-alire.com (2020)

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