lundi 13 janvier 2020

Visionnage domestique parisien (32) : joie du chant de la première scène


La double vie de VéroniqueKrystof Kieslowki (1991)

Weronika, chanteuse à la voix d’or, s’est brûlé un doigt lorsqu’elle était petite. Elle aime les boules de cristal et souffre du cœur. Au cours d’un concert à Cracovie, elle meurt sur scène d’une crise cardiaque. À Paris, une jeune femme se sent soudainement emplie d’une tristesse qu’elle ne comprend pas. Véronique chante et, enfant, a failli se brûler le doigt. Elle aime les balles magiques et souffre, elle aussi, du cœur…

Weronica vit à Cracovie, en Pologne. La jeune femme croque la vie à pleine dent et irradie de sa voix angélique le monde. Véronique, française installée à Clermont-Ferrant, semble quant à elle habitée par une douce mélancolie. Ces deux femmes séparées par des milliers de kilomètres se croisent un jour, au loin. De là naît un film aux questions qui resteront en suspens, laissant le spectateur face à une oeuvre poétique et trans-sensorielle. Car pourquoi vouloir tout expliquer lorsqu’il suffit de ressentir ? 

Ressentir la musique de Zbigniew Preisner qui amène La double vie de Véronique à un autre niveau et lui confère son atmosphère étrange, envoûtante. Une composition qui trouve son plus grand souffle lors d’un opéra interprété par Weronica et un spectacle de marionnettes auquel assiste Véronique. Sans le travail de Zbigniew Preisner, La double vie de Véronique ne serait pas cette oeuvre dont les images marquent profondément la rétine et hantent des jours entiers. Chaque plan imaginé par Krystof Kieslowki fait ressentir le lien spécial entre Weronica et Véronique, du choix des couleurs à la mise en scène de leurs habitudes communes. Jamais le cinéaste ne place face à l’évidence mais opte pour la carte de la pudeur. La double vie de Véronique n’est pas tape-à-l’oeil et prend son temps pour installer la relation entre Alexandre (Philippe Volter) et Véronique (Irène Jacob).

La naissance de ces deux amants qui s’aiment de manière silencieuse mais passionnée touche en plein coeur. Ce couple, Krystof Kieslowki l’aime aussi et il filme consciencieusement la belle Irène Jacob et le fascinant Philippe Volter partageant un rapport charnel. Baignée dans une lumière verte, l’actrice trouve là son plus beau rôle aux côtés de Trois Couleurs : Rouge du même cinéaste. Un artiste et sa muse, comme le cinéma en a très souvent connu (Anna Karina et Jean-Luc Godard pour ne citer qu’eux), forçant l’admiration. La double vie de Véronique n’aurait pas été le film qu’il est aujourd’hui sans la grâce de Irène Jacob dont le jeu est à l’image de la réalisation de Kieslowki : en retenue.

Le Bleu du miroir

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