samedi 11 janvier 2020

Éblouissement des prémisses (49)

«Le disque a changé notre rapport à la musique. En premier lieu la connaissance de la musique passe pour beaucoup par l'audition passive, alors qu'elle passait auparavant par la réappropriation active, par le déchiffrage d'une partition. [...] En second lieu, l'œuvre musicale, qui est par essence mobile, changeante et diverse, se fige inconsciemment pour nous en une unité statique, immobile et éternelle, considérée comme l'équivalent musical de la partition. Alors qu'une œuvre musicale n'est jamais exactement la même, puisque toute exécution est singulière, le disque au contraire peut nous amener à croire à l'identité de cette œuvre  pour autant que, à chaque fois qu'on met un disque, c'est exactement la même chose qu'on entend. Le disque, en ce sens, est la négation du musical. On comprend la différence entre l'audition d'un disque et celle d'un concert : si j'entends au disque ce que je sais déjà, parce que rien ne pourrait me surprendre dans la mesure où je l'ai déjà écouté un nombre incalculable de fois, le concert est un événement non reproductible dans lequel l'artiste surprend toujours mon attente et mes anticipations.»

Qu'est-ce que la musique ? Éric Dufour. Vrin (2005)

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