mercredi 1 janvier 2020

«Pourquoi vous ai-je conté ceci ? Pour mettre en évidence la différence profonde qui existe entre la production spontanée de l'esprit -ou plutôt, par l'ensemble de notre sensibilité, et la fabrication des œuvres. Dans mon histoire, la substance d'une œuvre musicale me fut libéralement donnée ; mais l'organisation qui l'eut saisie, fixée, redessinée me manquait. Le grand peintre Degas m'a souvent rapporté ce mot de Mallarmé qui est si juste et si simple. Degas faisait parfois des vers, et il en a laissé de délicieux. Mais il trouvait souvent de grandes difficultés dans ce travail accessoire de sa peinture. (D'ailleurs, il était homme à introduire dans n'importe quel art toute la difficulté possible.) Il dit un jour à Mallarmé : "Votre métier est infernal. Je n'arrive pas à faire ce que je veux et pourtant, je suis plein d'idées..." Et Mallarmé lui répondit : "Ce n'est point avec des idées, mon cher Degas, que l'on fait des vers. C'est avec des mots."»

Variété III, IV et V. Paul Valéry. Gallimard (1936-1944)

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