samedi 4 mars 2017

«Les ennemis du culte spectaculaire, hélas sont en général presque aussi dérisoires que le Spectacle lui-même. De temps en temps, on organise sur eux de grandes enquêtes. On monte des émissions, par exemple sur une peuplade bizarre, ultra-minoritaire et surtout exaspérante : les gens qui n'ont pas de poste de télévision chez eux. On les baptise "téléphobes" parce qu'ils est essentiel de ne pas laisser croire qu'il pourrait s'agir de simples indifférents, d'agnostiques paisibles, détachés ; leur non-sens pratique de la télé ne peut être qu'une névrose, une maladie pernicieuse, le résultat d'une étrange "phobie". On leur demande comment ils font, comment ils peuvent vivre sans images à domicile. Ils répondent que ça va merci, qu'ils tiennent le coup, qu'ils voient des amis, qu'ils sortent, etc. Mais ils disent cela, en général, avec une fatuité qui prouve à quel point eux-mêmes sont convaincus de l'anomalie de leur position, et persuadés qu'ils ne pourront pas continuer à s'y tenir éternellement.»

L'Empire du Bien. Philippe Muray. Société d'édition des Belles-Lettres (2014)

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