jeudi 28 juillet 2016

«Tout le monde dominant réside dans la tentative perpétuelle d'imposer l'idée qu'aujourd'hui prolonge hier (un hier sélectionné comme de juste), et que les conditions d'existence présente ne font que poursuivre, sans interruption notable (et même avec d'énormes améliorations), les événements des temps anciens. L'époque qui commence se veut la descendante légitime et privilégiée des âges disparus. Elle tient à ce qu'on la reconnaisse comme leur héritière accomplie. Elle tient surtout à ce qu'on ne voie pas les caractères les plus saillants de son extravagante nouveauté, à commencer par sa misère ahurissante. Le bénéfice d'une telle opération falsificatrice est évident : le réel, dont notre temps manque surabondamment, il espère que le passé lui en prêtera un peu. Et que nul ne s'apercevra de la supercherie. Partout et toujours, il importe de faire croire en même temps, avec la même intensité, que tout a changé et que rien n'a changé ; ou plutôt que tout continue, mais en se bonifiant très sérieusement ; et aussi que délirent ceux qui jugent à l'inverse.»

Après l'Histoire. Philippe Muray. Les Belles Lettres (2000)

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