mardi 20 novembre 2018

«Alors, en général, on a le choix entre être une fille et être une héroïne – le genre d’héroïnes qu’on trouve dans les romans. Mais je ne suis pas une héroïne non plus ! Une héroïne est belle – ses yeux aussi bleus que la mer lancent des regards mystérieux par-dessous ses paupières baissées –, elle avance en ondulant, son sourire éclatant ensorcelle, elle tombe systématiquement amoureuse d’un homme – un homme, obligatoirement –, elle mange des choses (que les romans appellent toujours “des mets délicats”) avec un appétit d’oiseau, et dans les grandes occasions, sa voix se remplit de larmes. Moi, je ne me livre à aucune de ces activités. Je ne suis pas belle. Ma démarche n’est pas ondulante – d’ailleurs je n’ai jamais vu personne onduler, à part peut-être une vache suralimentée. Mon sourire éclatant n’ensorcelle personne. Mes yeux, qui n’ont rien de commun avec la mer, ne lancent aucun regard mystérieux. Je n’ai jamais mangé de “mets délicats” et j’ai un excellent coup de fourchette. Et pour finir, ma voix, à ma connaissance, ne s’est pas encore remplie de larmes.
Non, je ne suis pas une héroïne.»

Que le diable m'emporte. Mary MacLane. Sous-sol (2018)


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire