lundi 22 février 2016

L'Éblouissement des prémisses (incipit 13)

«Le 4 avril 1954, au Carnegie Hall à New York, Arturo Toscanini dirigeait ce qu'il avait décidé d'être son dernier concert.
Il n'est guère besoin d'insister sur le caractère prestigieux d'une carrière -fort bien connu au demeurant- qui dura presque soixante-huit ans et qui se termina au moment où le maestro fêtait son quatre-vingt-huitième anniversaire. A vrai dire la question peut se poser quant aux raisons qui ont pu déterminer le célèbre chef d'orchestre à prendre sa retraite à ce moment plutôt qu'à un autre, "avant" ou "après". S'agissait-il tout simplement d'un état de fatigue dû à un âge aussi avancé ? Mais tous ceux qui l'ont vu au pupitre au cours des dernières années de son activité ont pu témoigner  du fait qu'il y a peu de chef d'orchestre dont l'énergie et la vitalité égalent celle dont faisait preuve alors cet extraordinaire vieil homme. Même ses légendaires répétitions étaient restées aussi agitées qu'auparavant et il n'était pas rare de le voir "piquer des colères" absolument terrifiantes, de tenter d'arracher son pupitre (que l'on avait pris la précaution de visser solidement au plancher), de casser sa baguette et de la lancer à la tête du musicien le plus proche, de partir finalement en claquant la porte.»

Le Compositeur et son double. René Leibowitz. Éditions Gallimard (1986)

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