mercredi 4 avril 2018

Manon Lullin


«Je sens que l’état de mariage est la vocation d’une femme, que c’est à cet état là où elle est appelée, et où elle peut le mieux faire son salut. L’état de célibat est sans doute le plus heureux mais que de tentations n’expose-t-il pas, de goûts, de passion, outre que le solide bonheur est toujours la suite de la pratique du devoir et que ce bonheur est bien plus doux et plus pur lorsqu’il a pour but de rendre des gens heureux. Mais d’un autre côté, quelle foule de chagrins et de désagréments n’attire-t-il-pas, le seul doute de la tendresse d’un mari doit jeter l’esprit dans une cruelle situation d’autant plus qu’il est difficile de l’entretenir cette tendresse  et que l’esprit doit agir avec le cœur mais où le prendre. Les commencements sont toujours feu et tendresse. Le temps qui produit la familiarité produit aussi le dégoût et l’ennui, on ne se gêne plus et chacun suit ses goûts. Le masque tombe, l’homme reste et le héros s’évanouit. Outre mille et mille chagrins domestiques, défauts d’humeur de caractère qui revienne à chaque instant une femme doit se dépouiller de son propre caractère pour revêtir celui de son mari, penser comme lui, agir comme lui et n’avoir de la raison que pour connoitre que ce qui est bien et mal, elle doit caller et ne jamais témoigner la moindre supériorité.»


Paroles de femmes : rôles et images de soi dans les écrits personnels, Europe XVIe-XXe siècles. Sous la direction d’Emmanuelle Berthiaud . Éditions le Manuscrit (2017)

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