vendredi 9 octobre 2015


«Quoiqu'il en soit Du Fresnoy l'épousa. Je crois qu'on peut placer ce mariage vers 1663 ou 1664.
En effet, nous savons par d'Hozier que Du Fresnoy maria une de ses filles, belle comme un ange, bien faite et de beaucoup d'esprit, dit-il en juillet 1680, avec M. d'Alègre, comte de Beauvoir en Auvergne, et que de cette union, naquit une fille qui épousa le célèbre comte de Boulainvilliers.
Or, Madame de Boulainvilliers, Claude Catherine d'Alègre, mourut à Paris, le 1er septembre 1723 (Table du journal de Verdun 1,70), âgée de 42 ans. Elle était donc née en 1681. Donc sa mère était nubile quand elle se maria en 1680, c'est à dire âgée d'environ 16 ans ou même un peu plus ; elle naquit donc en 1164 si ce n'est 1663, ce qui met le mariage de ses parents en 1162 ou 1664. Mais il se peut que le fils de Du Fresnoy ait été l'aîné de ses enfants ; on pourrait alors reculer la date du mariage ; cependant il ne faut pas perdre de vue que Mme du Fresnoy était dans la fleur de sa beauté en 1673 et qu'elle n'avait pu naître que vers 1648.
Je ne doute pas que, soit avant de l'épouser, soit dans les premiers temps de leur mariage, Du Fresnoy n'ait fait donner à Mlle Colot une éducation suffisante, si elle ne l'avait pas reçue déjà, Et puis la nature fait tant pour ses favoris ! Ne voit-on pas des hommes, des femmes surtout, deviner, pour ainsi dire, les bonnes manières sans avoir fréquenté ceux qui les ont par leur éducation première et presque par droit de naissance ? Mme Du Fresnoy les eut, elle, naturellement sans doute et aussi par droit de conquête, c'est le cas de le dire. Cela résulte et du silence significatif du haineux et malveillant La Fare et surtout du récit de Mmes de Coulanges et de Sévigné ; j'en dirai de même de son esprit, mais j'y  reviendrai. L'austère Louvois, si sévère pour ses commis,ne put voir cette belle personne sans l'aimer et il l'aima éperdument. Il paraît bien établi que, quoi qu'il fût secrétaire d’État de la guerre, il eut les privilèges des surintendants et ne trouva pas Mme Du Fresnoy cruelle. Que fit Du Fresnoy, si, comme on ne peut guère en douter, il connut son malheur ? Il est probable qu'il prit son parti avec philosophie ; en tout cas, sa femme allait à la Cour et dans le plus grand monde, tandis qu'on ne voit pas que lui les fréquentât. Elle triomphait seule. Le plus important est une lettre de Mme de Sévigné à Mme de Grignan, du 29 janvier 1672. «Hier au soir, dit-elle dans cette lettre, Mme Du Fresnoy soupa chez nous. C'est une nymphe, c'est une divinité. Mais Mme Scarron, Mme de La Fayette et moi nous voulûmes la comparer à Mme de Grignan, et nous la trouvâmes cent piques, au-dessous non pour l'air et pour le teint, mais ses yeux sont étranges : son nez n'est point comparable au vôtre, sa bouche n'est point finie — la vôtre est parfaite — et elle est tellement recueillie dans sa beauté que je trouve qu'elle ne dit précisément que les paroles qui lui siéent bien. Il est impossible de se la représenter parlant communément et d'affection sur quelque chose. C'est la résidence de l'abbé Têtu auprès de la plus belle ; il ne la quitta pas. Et pour votre esprit ces dames ne mirent aucun degré au dessus du vôtre, et votre conduite, votre sagesse, votre raison, tout fut célébré. Je n'ai jamais vu une personne si bien louée ; je n'eus pas le courage de faire les honneurs de vous ni de parler contre ma conscience. » (Sévigné, Ed. Regnier, t. II, p.485.)»

Mémoire sur Mr du Fresnoy, bibliophile du XVIIe siècle et sur sa famille. Jérôme Pichon. Librairie Techener. (1893)

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