samedi 13 février 2021

«Les femmes sont obstinément naïves quand elles parlent des “besoins” des hommes. Elles se sont laissé persuader que ce sont des puissances irrésistibles, une sorte de souffrance malpropre et néanmoins grandiose ; elles paraissent ignorer qu’elles-mêmes, après une continence assez prolongée, deviennent aussi folles que les hommes, et que les hommes, après un certain temps de transition, s’habituent aussi aisément qu’elles au renoncement. La différence est plus morale que physiologique, elle tient à l’habitude qu’on a de s’accorder ou se refuser la satisfaction de ses désirs. Mais, pour beaucoup de femmes qui pensent avoir des raisons de ne pas obéir à leur convoitise, l’idée que l’homme ne peut se dominer sans danger pour lui-même est un prétexte bienvenu pour prendre dans leurs bras l’homme-enfant éprouvé. À son tour Ag[athe] -à qui l’interdiction d’obéir, vis-à-vis de son frère, à la voix pourtant sans équivoque de son coeur imposait le rôle d’une femme un peu frigide- utilisait inconsciemment cette ruse.»

 L'homme sans qualitésRobert Musil. Editions du Seuil (1956)

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