dimanche 31 janvier 2021


«Souvent même dans les années où Ulrich avait cherché sa voie seul et non sans insolence, le mot de "soeur" avait été chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il n’eût jamais songé alors qu’il possédait une soeur réelle et vivante. Il y avait là une contradiction d'origine obscure sur laquelle on pourrait dire beaucoup de choses que le frère et la soeur, d'ordinaire, dédaignaient. Non qu'elles parussent fausses, mais, à côté de la vérité dont ils se savaient proches, elle n'avaient pas plus d'importance qu'un angle rentrant pour l'arrondi d'un mur arqué.
Incontestablement, des phénomènes analogues sont fréquents. Dans plus d'une existence, la soeur réelle, imaginaire, n'est rien d'autre que la forme juvénile, insaisissable, d'un besoin d'amour qui plus tard, les rêves refroidis, se contente d'un oiseau, d'un animal quelconque, ou se tourne vers l'humanité et le prochain.»

L’homme sans qualités. Robert Musil. Editions du Seuil (1956)

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