mardi 24 janvier 2017

«Le lit pose une des plus grandes questions de notre époque. Nous sommes déchirés entre deux attentes. Notre désir de couple, de proximité amoureuse, cette envie de construire un petit monde d’amour. Et, a contrario, l’aspiration à notre bien-être personnel qui nous incite à élargir de plus en plus nos espaces de confort individuel. En somme, nous voudrions dormir seuls et dormir avec. Le lit est la ligne de front, le lieu de confrontation permanente entre ces deux utopies contradictoires qui sous-tendent nos sociétés. La façon dont se conjuguent ces deux aspirations dévoile l’évolution future de la société, vers toujours plus d’individualisme ou d’envie d’unité. Le lit est aussi un thermomètre du couple… Il révèle le sens des évolutions conjugales. C’est un lieu où les désirs et les rejets se font les plus intenses. Une femme m’a expliqué comment elle dormait accrochée au matelas pour éviter tout contact avec son époux.
Le lit lui-même peut être à l’origine de tensions dans le couple. Lors des premiers temps d’une relation, l’amour et le désir le bouleversent. Le confort personnel est oublié, seul compte l’autre et son corps. Un matelas jeté sur le sol peut suffire pour bien vivre sa nuit. C’est lorsqu’on se couche ensemble tous les soirs qu’on peut commencer à se trouver à l’étroit. Dormir à deux implique tout un apprentissage, des ajustements discrets. Au fil du temps, en ronflant, en bougeant, le partenaire peut se transformer en redoutable ennemi de l’intérieur. Bien des amours se brisent sur un simple ronflement.»

Un lit pour deux. Jean-Claude Kauffman. Jean-Claude Lattès (2015)

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