samedi 9 janvier 2016

Souvenir cinématographique ambré

«Est-ce tu sais, gentil jeune homme, a-t-il repris, comme s'il continuait son discours, est-ce que tu sais ce que c'est que la limite d'une mémoire d'homme sur cette terre ? La limite d'une mémoire d'homme, c'est juste que cent ans. Cent ans après sa mort, il y a encore ses enfants, ou bien ses petits enfants qui peuvent se souvenir de lui, ceux qui ont encore vu son visage, mais, ensuite, même si, son souvenir peut se prolonger, c'est juste des paroles, des pensées, parce qu'ils ont tous passé, ceux qui ont vu son visage vivant. Et l'herbe, alors, elle pousse sur son tombeau, au cimetière, sa blanche pierre, elle s'écaille, et tous les gens, l'oublient, et toute sa postérité, ils oublieront ensuite même jusqu'à son nom, parce qu'ils ne sont pas nombreux, ceux qui restent dans la mémoire des gens - et c'est tant mieux ! Tant mieux que vous m'oubliez, mes gentils, moi, même de ma tombe, je vous aime. J'entends, mes petits enfants, vos jolies voix gaies, j'entends vos pas sur les tombeaux de vos pères, le jour de leur fête ; vivez, en attendant, sous le soleil, vivez en joie, moi, je prie Dieu pour vous, je reviens vous voir dans une vision de nuit... pareil, même dans la mort, il y a l'amour !»

L'AdolescentFédor Dostoïevski. Actes Sud (1998)

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