mardi 23 juin 2015

L'Éblouissement des prémisses (incipit 3)

«La vie de l'oncle Dimi et des siens n'était qu'une sorte d'esclavage déguisé en liberté. Tous le produit de leur travail était absorbé par les dettes éternelles au propriétaire du terrain et à l'État : pour eux le beau froment, le meilleur maïs, le lait de la vache, les oeufs et les poules. Pour les habitants de la chaumière, la soupe à l'eau, les haricots, et une mamaliga* de mauvaise qualité.
Cette vie rendait les gens méchants. Oncle Dimi se saoulait le dimanche et battait sa femme qui, de peur, allait se cacher chez les voisins. Et tout prétexte lui était bon. Rien que pour sa lenteur à allumer le feu, l'oncle, à grands coups de bottes, jetait sa femme la tête en avant dans les cendres de l'âtre. Alors la vieille mère se fâchait, prenait la cobilitza et allongeait à son fils quelques bons coups, qu'il encaissait en riant.
"Ivrogne !... Tant que vous êtes amoureux vous tirez une langue d'une aune pour avoir la jeune fille et quand vous l'avez, ce n'est plus qu'une chienne !..."»

Codine. Panaït Istrati. Le Quadrige d'Apollon P. U. F. (1964)

*La mamaliga est le pain du paysan roumain

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