jeudi 27 novembre 2014

Talens réunis (22)


«Dans la chambre d'auberge, une servante à l'air bougon dispose une fiasque de vin blanc, un jambon de San Daniele, des fromages, et sort sans pouvoir s'empêcher en refermant la porte de jeter un regard soupçonneux sur Ortensia. Une seconde encore, le temps d'écouter son pas s'éloigner, et de toute la force de ces heures passées ensemble sans oser s'approcher de tout le désir renforcé par la peur, Sandro et Ortensia se précipitent l'un sur l'autre avec un irrépressible fou-rire, qui gêne leur baiser. Ils se sont agrippés, accrochés l'un à l'autre avec leurs bras, leurs, mains, leurs jambes. Leurs bouches se cherchent, et puis non, c'est impossible : ils rient trop. C'est comme si toute l'inquiétude, la fatigue, l'attente, les instants de panique, lorsqu'un cavalier galopait derrière eux, et puis l'accablement de s'être retrouvés il y a quelques instants dans l'espèce de dortoir sordide où les conduisait l'hôte, tout se dénouait à la fois en une explosion : ils rient, ils tremblent de rire, ils claquent des dents de rire, et leur rire se redouble de se baiser qu'ils ne parviennent pas à se donner à cause du rire.»

StradellaPhilippe Beaussant. Editions Gallimard (1999)

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