vendredi 19 avril 2019

Visionnage parisien en salle (6) : De la modernité du diaporama

Une audace formelle formidable qui relativise totalement les 24 images par seconde supplémentaires de l'image animée d'un film. De plus, sur le plan narratif, ces images surnuméraires diluent le regard et déconcentrent le propos.

Les Grands squelettes. Philippe Ramos (2019)

A Paris, lors d’une journée printanière, un homme en costume est étendu sur le sol. S’il se relève, c’est sans bien savoir pourquoi il était d’abord tombé. Ses pensées nous parviennent : très vite, elles dérivent, remontent à son réveil, sa compagne endormie à l’ombre des rideaux… Derrière la façade des vêtements, du travail, les grands squelettes sont une foule d’individus perdus dans leurs pensées. Philippe Ramos soumet radicalement la fiction au rythme imprévisible et secret de la rêverie. Une dérive sans barrières et sans juges : reviennent inlassablement des mots simples dédiés à l’amour, au désir et au sexe. L’angoisse se fait discrète, mais omniprésente. Philippe Ramos compose son film avec une majorité d’images fixes, des instantanés d’atmosphères
fugaces (la fraîcheur d’une serre, une main qui nous touche…), mais une fixité qui fuit le trop-plein de beauté. Melvil Poupaud, Françoise Lebrun, Jacques Bonnaffé, Jean-François Stévenin, Jacques Nolot, Denis Lavant, Anne Azoulay, Alice de Lencquesaing… tous impressionnants, leurs corps restent baignés dans une lumière quotidienne, en toute sobriété. Dès lors, paraissent-ils d’autant plus fragiles et familiers à la fois. Dès lors aussi, le mouvement raréfié se fait-il plus précieux. Des gestes esquissés, le simple passage du vent, quelques photogrammes qui suffisent à dire ce qui sépare le mouvement amoureux de l’approche de la mort. Avec ce film aux accents choraux, mais où chaque comédien manquerait de peu l’autre, Philippe Ramos dresse avant tout le parcours de nos petites et grandes solitudes. Présentes jusqu’au plus profond du sommeil, elles suivent les grands squelettes dans leur quotidien, précèdent à leur réception du monde. Elles rendent aussi au bonheur son éclat dès lors qu’il s’annonce. (VP)

FID 29ème festival international de Marseille (2018)

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