samedi 27 janvier 2018

«Que doit être un texte s’il peut, de lui-même en quelque sorte, se tourner pour briller encore, après une éclipse, d’une lumière différente, dans
un temps qui n’est plus celui de sa source productive (en fut-il jamais contemporain?), puis répéter encore cette résurgence après plusieurs morts dont, parmi d’autres, celles de l’auteur, et le simulacre d’une multiple extinction? Valéry s’intéressait aussi à ce pouvoir de régénérescence. Il pensait que cela - la possibilité pour un texte de (se) donner plusieurs temps et plusieurs vies - (se) calcule. Je dis cela se calcule: une telle ruse ne peut se machiner dans le cerveau d’un auteur, tout simplement, sauf à le situer comme une araignée un peu perdue dans un coin de sa toile, à l’écart. La toile devient très vite indifférente à l’animal-source qui peut fort bien mourir sans avoir même compris ce qui s’était passé. Longtemps après, d’autres animaux viendront encore se prendre aux fils, spéculant, pour en sortir, sur le premier sens du tissage, c’est-à-dire d’un piège textuel dont l’économie peut toujours être abandonnée à elle-même. On appelle cela l’écriture.»


Les Sources de Valéry. Qual QuelleJacques Derrida. John Hopkins University Press. (1972)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire