mardi 28 avril 2015

«Les yeux baissés, Martine quitte la maison avec son filet à provisions, suit le trottoir bleuté, et derrière elle, à trois pas, se dandine un fat à moustaches noires ; sur le boulevard filent et voguent  les wagonnets électriques, en forme de cygnes et de bateaux, dans lesquels on s'assied comme dans une nacelle de carrousel ; des magasins d'ameublement on sort divans et fauteuils pour leur faire prendre l'air et les écoliers s'y vautrent pour s'y reposer, cependant que le petit élève de service, avec sa brouette pleine de livres et cahiers de la communauté, essuie la sueur à son front, tel un artisan adulte ; sur le pavé rafraîchi et humide passent avec un bruit de crécelle les voitures biplaces à remontoir, les pendulettes, comme in les désigne ici, en province, et qui sont tout bonnement les rejetons abâtardis des machines d'antan à d'immenses conques laquées (pourquoi donc me reviennent-elles en mémoire ? Ah oui les photos de la revue) ;»

Invitation au suppliceVladimir Nabokov. Éditions Gallimard (1960)

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