«Angela voulait pouvoir mettre des mots sur tout. Elle demandait qu'Antoine décrive son plaisir. Qu'il trouve les qualificatifs les plus précis pour dire les soubresauts de son corps quand il jouissait en elle. Etait-ce comme une décharge électrique ou comme le frayeur d'une chauve-souris, y avait-il de la couleur ou bien était-ce limpide et blanc, est-ce que le ciel et la terre se renversaient et qu'il y avait au loin comme un chant de grillons, est-ce qu'il y avait des coups de burin sur la peau et le coeur et la sensation d'un métal brûlant qui s'écoulait doucement avec de petites vapeurs bleutées, est-ce qu'il avait envie de crier des mots incompréhensibles adressées au vent et à la pluie, pensait-il à la carapace dorée et verte de certains scarabées, éprouvait-il la sensation de descendre vers quelque chose de noir et de tumultueux avec des rochers et des vagues, ou au contraire, y avait-il du ciel, des brises parfumées et le sifflement infime et pointu du vent contre la coque d'un planeur.
Antoine répondait que c'était tout cela et bien d'autres images encore comme celle d'une araignée qui étendrait ses pattes à l'intérieur de chaque nerf et de chaque veine et enverrait de petites coulées de lave d'orgeat, chaude et sucrée. Ou encore l'image d'une entrée en mer en plein midi et d'un soleil qui pèserait sur les épaules comme des doigts de laiton et doucement le corps passerait de la vie aérienne à la vie marine avec le bleu et le vert et les jeux étranges des poissons aux écailles d'ardoise.»
L'amour dans l'âme. Yves Simon. Editions Grasset et Fasquelle (1978)
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