Le blog-note d'Aimable Lubin : extension du domaine radiophonique des Muses galantes et de la Petite Boutique Fantasque
mercredi 24 juillet 2024
PBF 2024.17 : A quoi sert toute cette viande creuse ?
Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF :
mardi 23 juillet 2024
dimanche 14 juillet 2024
98
«Après une nuit où l'on a peu dormi plus personne ne nous aime. Le sommeil en moins a emporté avec lui un je-ne-sais-quoi qui nous rendait humain. Il y a une irritation latente à notre égard, semble-t-il, jusque dans l'air inorganique qui nous entoure. Nous-mêmes, finalement cessons de nous soutenir, et c'est entre nous et nous qu'est blessée la diplomatie de cette bataille sourde.
J'ai aujourd'hui traîné les pieds et ma grosse fatigue par les rues. Mon âme est réduite à un écheveau en pelote, et ce que je suis, ce que j'ai été, c'est-à-dire moi, a oublié son nom Si j'ai un lendemain, je sais seulement que je n'ai pas dormi, et l'enchevêtrement de divers intermèdes installe de grands silences dans mon discours intérieur.
[...]»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
Thématique printanière Bryan Ferry 9 (These foolish things)
115
«Fluide, l'abandon du jour se meurt entre les pourpres épuisées. Personne ne me dira qui je suis, ni ne saura qui j'ai été. Je suis descendu de la montagne ignorée dans la vallée que j'allais ignorer, et mes pas, dans cette lente fin d'après midi, sont des vestiges laissés les clairières de la forêt. Tous ceux que j'ai aimés m'ont oublié dans l'ombre.
[...]»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
samedi 13 juillet 2024
Thématique printanière Bryan Ferry 8
Réminiscence personnelle (74)
110
«La banalité est un foyer. Le quotidien est maternel. Après une large incursion dans la grande poésie, sur les montagnes de l'aspiration sublime, les rochers du transcendant et de l'occulte, on trouve plus que délicieux et revigorant de rentrer à l'auberge où les imbéciles heureux rient aux éclats, de boire avec eux, devenu idiot pareillement, tel que Dieu nous a faits, content de l'univers qui nous a été donné, et laissant le reste à ceux qui gravissent des montagnes pour ne rien faire une fois là-haut.
[...]»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
mercredi 10 juillet 2024
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Sus aux Philistins !
Photographie : Jack Delano
mardi 9 juillet 2024
dimanche 7 juillet 2024
Thématique printanière Bryan Ferry 7
85
«Toute la journée, dans toute la désolation de ses nuages légers et tièdes, a été occupée par les informations annonçant une révolution. Ces nouvelles, vraies ou fausses, m'emplissent toujours d'un malaise particulier, mélange de dédain et de nausée physique. Cela fait souffrir mon intelligence que des gens pensent changer quoi que ce soit en s'agitant. La violence, quelle qu'elle soit, a toujours été pour moi une forme exorbitée de la stupidité humaine. Par ailleurs, tous les révolutionnaires sont stupides, comme le sont, à un degré moindre, parce que moins gênant, tous les réformateurs.
Révolutionnaire ou réformateur -l'erreur est la même. Impuissant à dominer et réformer sa propre attitude à l'égard de la vie, qui est tout, ou son être, qui est presque tout, l'homme se dérobe en cherchant à modifier les autres et le monde extérieur. Tout révolutionnaire, tout réformateur est un évadé. Combattre c'est ne pas être capable de se combattre soi-même. Réformer c'est ne pas avoir amélioration possible.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
samedi 6 juillet 2024
Complainte amoureuse
90
«[...]
Un homme, même si je peux le reconnaître en pensée que c'est un être vivant comme moi, a toujours eu, pour ce qui est en moi, involontairement, est véritablement moi, moins d'importance qu'un arbre si l'arbre est plus beau. C'est pourquoi j'ai toujours considéré les mouvements humains -les grandes tragédies collectives de l'histoire ou de ce qu'on fait d'elle- comme des frises de vives couleurs, vides de l'âme de ceux qui les parcourent. Jamais ne m'a pesé ce qui avait pu arriver de tragique en Chine. C'est un décor lointain, même à sang et à peste.
Je me rappelle, avec une tristesse ironique, une manifestation d'ouvriers, sous l'égide de je ne sais quelle sincérité (j'ai toujours du mal à admettre la sincérité dans les mouvements collectifs, dans la mesure où l'individu, seul avec lui-même, est l'unique être qui sent). C'était un groupe compact et désordonné de crétins animés, qui avait défilé en criant des choses diverses face à mon indifférence hors-jeu. J'ai subitement eu la nausée. Ils n'étaient même pas suffisamment sales. Ceux qui souffrent vraiment ne font pas dans la plèbe, ne s'organisant pas en groupe. Quand on souffre on souffre seul.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
92
«[...]
Mon désir est de fuir ce que connais, fuir ce qui est mien, fuir ce que j'aime. Je désire partir - non pour des Indes impossibles, ou les grandes îles du Sud de tout, mais pour l'endroit, n'importe lequel -hameau ou désert- qui ne soit intrinsèquement pas celui-ci.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (72)
mardi 2 juillet 2024
mercredi 26 juin 2024
PBF 2024.15 : Denis et la jument hystérique
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Sus aux Philistins !
Photographie d'Uzès (Jean Patin)
mercredi 19 juin 2024
dimanche 16 juin 2024
61
«Nous n'aimons jamais quelqu'un. Nous aimons, uniquement l'idée que nous nous faisons de quelqu'un. C'est un concept qui est le nôtre -en somme c'est nous-mêmes- que nous aimons.
C'est vrai pour toute la gamme de l'amour. Dans l'amour sexuel nous cherchons notre plaisir par l'intermédiaire d'un corps étranger. Dans l'amour autre que sexuel, nous cherchons notre plaisir par l'intermédiaire d'une idée qui est la nôtre. L'onaniste est abject, mais, pour dire l'exacte vérité, l'onanisme est la parfaite expression logique de l'amant. C'est le seul qui ne feint pas et ne se leurre pas.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
60
«Tout homme aujourd'hui, dont la stature morale et l'envergure intellectuelle ne soient pas celles d'un pygmée ou d'un rustre, aime, quand il aime, d'un amour romantique. L'amour romantique est le produit extrême de siècles des siècles d'influence chrétienne ; et , quant à sa substance, ou aux étapes de son développement, on peut les faire entendre, à quelqu'un qui ne les comprendrait pas, en le comparant à un vêtement, un costume, que l'âme ou l'imagination confectionnerait pour en revêtir des individus rencontrés au hasard, en pensant qu'ils peuvent leur convenir.
Mais tout vêtement, comme il n'est pas éternel, ne dure qu'autant qu'il dure ; et très vite, sous cet habit de l'idéal que nous avons taillé, qui part en guenilles, surgit le corps réel de la personne humaine que nous en avions revêtue.
L'amour romantique est donc un chemin de désillusion. Il peut ne pas l'être à condition que la désillusion, acceptée depuis le début, décide de changer constamment d'idéal, de tisser constamment dans les ateliers de l'âme, de nouveaux vêtements, grâce auxquels constamment puisse se renouveler l'aspect de la personne qui les porte.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
vendredi 14 juin 2024
Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (71)
samedi 8 juin 2024
Thématique printanière Bryan Ferry 6
mercredi 5 juin 2024
Le temps retrouvé. Marcel Proust. GF Flammarion (1987)
dimanche 2 juin 2024
Réminiscence personnelle (73)
«27
«J'ai beau appartenir, par l'âme, à la lignée des romantiques, je ne trouve d'apaisement que dans la lecture des classiques. Leur sobriété même, à travers laquelle exprime leur clarté, me console je ne sais de quoi. J'en retire une impression stimulante de vie ample qui contemple de vastes espaces sans les parcourir. Même les dieux païens ont besoin de ce vaste apaisement.
[...] »
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
«Je lis et je suis libéré. J'acquiers de l'objectivité. Je cesse d'être moi, et d'être éparpillé. Et ce que je lis, au lieu d'être un vêtement à moi que je ne vois pas bien et qui souvent m'incommode, c'est la grande clarté du monde extérieur, toute entière remarquable, le soleil qui voit tous les êtres, la lune qui parsème d'ombres le sol tranquille, les vastes espaces qui débouchent sur la mer, la noire densité des arbres qui agitent leur vert feuillage là-haut, la paix solide des bassins dans les parcs des grandes propriétés, les chemins dissimulés par les vignes dévalant les courtes pentes des coteaux.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
samedi 1 juin 2024
Musique à Toulouse (16) avec Caroline et Jean-Christophe : Passe ton Bach d'abord, un nouveau souffle
43
«[...]
Mais il est des natures plus rares qui aiment mieux périr que travailler sans joie ; des difficiles, des gens qui ne se contentent pas de peu et qu'un gain abondant ne satisfera pas s'ils voient pas le gain des gains dans le travail même. Les artistes et les contemplatifs de toute espèce font partie de cette rare catégorie humaine, mais aussi ces oisifs qui passent leur existence à chasser ou à voyager, à s'occuper de galants commerces ou à courir les aventures.
[...]»
Le gai savoir. Nietzsche. Gallimard Idées (1950)
mercredi 29 mai 2024
PBF 2024.14 : Le théorème de la passoire
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Sus aux Philistins !
Photographie de Martha Norelius par Underwood & Underwood 1925
lundi 27 mai 2024
dimanche 26 mai 2024
«Savoir qu'elle sera mauvaise, l'oeuvre que l'on ne fera jamais. Pire encore, cependant, sera celle qui jamais ne pourra se faire. Celle que l'on fait, est-elle faite. Sans doute pauvrette, mais elle existe, comme la plante chétive dans l'unique pot de fleurs de ma voisine infirme. Cette plante est sa joie, et aussi parfois la mienne. Ce que j'écris, ce que je considère mauvais, peut aussi, peut aussi un moment distraire du pire tel ou tel esprit meurt ou triste. Ça me suffit, ou ça ne me suffit pas, mais c'est utile d'une certaine façon, et la vie toute entière est comme ça.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
samedi 25 mai 2024
Visionnage domestique (190)
Ils ont trente, quarante, cinquante ans ou plus. Ils vivent dans le XIIIe arrondissement, près de la BNF, s’y terrent, entre deux chutes de neige. Alain Resnais compose encore ses films comme ses troupes d’acteurs : il y a les anciennes et les nouvelles recrues, les auto-références et la passion d’un cinéaste qui s’intéresse toujours aux films contemporains. Cœurs est un de ces films admirables dont la virtuosité ne gâche ni l’émotion ni le mystère.
C’est l’histoire de quelques cœurs, brisés, déçus, fatigués, pleins d’espoir. Ils sont petits, presque morts, comme nous le suggère la neige qui tombe en permanence sur des décors millimétrés. On pense évidemment à L’Amour à mort, à l’idée de spiritualité oscillant entre une supériorité de la vie et un passage vers la mort. Alain Resnais se souvient de sa propre œuvre et la remodèle dans Cœurs : André Dussollier était le même agent immobilier timide et renfermé que celui d’On connaît la chanson, Pierre Arditi est filmé dans la même pénombre qui masquait la vérité de L’Amour à mort. On se souvient, et on découvre encore pourtant l’art de Resnais.
Le réalisateur cache bien son jeu comme ses acteurs : les six personnages, loin d’être des caractères déjà vus dans la « famille » resnaisienne, sont des créations du temps présent, non de simples déclinaisons répétées. Ils sont une sorte de concentré de la vie moderne dans ce qu’elle comporte de solitude et surtout de masques. Thierry vit avec sa sœur, Gaëlle, et ne connaît les femmes que platoniquement par sa secrétaire croyante, Charlotte. Gaëlle sort tous les soirs, faisant croire qu’elle vit de l’amour des hommes, alors qu’elle attend dans les cafés l’arrivée d’un homme hypothétique. Dan, ancien militaire, ange déchu de l’armée, boit dans les bars sans attendre qui que ce soit : il raconte sa vie à Lionel qui cache lui aussi ses peines derrière son comptoir et la souffrance de ses clients.
Les cœurs se croisent, bien entendu, mais sans créer de liens véritables comme le faisaient les personnages d’On connait la chanson : Alain Resnais a crée des hommes et des femmes opaques. Chaque discussion est prise en cours de façon à ce que la compréhension psychologique de chacun ne soit ni immédiate ni totale. Chaque personnage est caché par un rideau de perles, une fenêtre, une obscurité. Les diverses parois ne séparent pas les hommes les uns des autres mais les hommes d’un extérieur. Tout le film se situe en intérieur, en repli sur soi, derrière un écran, de télévision ou de regards figés. Quand l’un de ces êtres sort de son rôle connu et parfois apprécié, on ne le voit qu’à peine. Charlotte la catholique se filme en petites tenues pour réjouir le cœur de ses connaissances. Lionel s’occupe d’un père malade et odieux, dont on n’entendra que la voix. Comme le dit Charlotte : « Les gens âgés sont souvent agressifs, je le sais. » Alain Resnais se moquerait-il de lui-même ?
Ce n’est pas la vieillesse physique qui entre en jeu ici, mais l’immobilité des existences, et leur rapport à la mort inconsciente. Il y a quelque chose de mystique dans Cœurs : la pénombre est parsemée de rayons lumineux de temps à autres ; on répète sans cesse : « Mais, mon Dieu, qu’est-ce qui nous arrive ?» La caméra se fait parfois omnisciente. Rappelant Dogville de Lars von Trier, Resnais montre Dan et sa future ex-femme Nicole visitant des appartements : il a la bonne idée de filmer en plongée, du plafond, les différentes pièces. Le décor de théâtre se meut peu à peu en espace confiné, enfermant les âmes, mettant en relief la place de chacun, et conservant l’ouverture d’un plafond qui n’existe plus. Ils sont droits ces cœurs, ils sont froids aussi, comme le Paris blanc de neige et des nouveaux immeubles de la Bièvre, un Paris absent, sans bruits urbains, invisible. Ils attendent. Comme le dit Lionel à Dan, « tout dépend de votre propre clarté ».
Parce qu’ils résistent également, par le contact à autrui qui, sans les dévoiler réellement, les rassure sur leur capacité à survivre. Le couple, quels qu’en soient les deux participants, n’est pas amour parfait, il est nécessité dans le dialogue, même interrompu, puisque les personnages ne peuvent se toucher. Alain Resnais se dit souvent attiré par la beauté des films de Wong Kar-Wai : il en a retiré aussi l’amour du croisement, du passage de ces cœurs libres qui ne sont pas pris, par hasard, par malchance, par fatalité peut-être. La disponibilité n’est pas la liberté, elle serait plutôt synonyme de frustration sexuelle et amicale. Les images se répondent mais pas les humains.
Du début à l’extrême fin, Alain Resnais mène de main de maître la danse. Si ses personnages sont fanés, dans une attente vide d’actions et emplie de sens, son art est intact, renouvelé, passionnant. Mais l’émotion et la beauté incroyable de Cœurs tient tout autant à la grâce des acteurs, à leurs expressions teintées d’une vivacité rentrée que l’on pourrait nommer énergie du désespoir. Si tous sont pareillement entrés dans l’univers du film avec talent, Pierre Arditi est impressionnant de sensibilité, de conviction, et de beauté troublante.
Les anges de Resnais sont gardiens, déchus, soumis, au-dessus de leurs désirs et confinés à l’intérieur d’eux-mêmes et des espaces. Il leur suffirait d’un peu de cette clarté quasi divine pour retrouver l’usage de leurs ailes. Dans la quête d’un autre, on s’oublie soi-même. Lionel/Arditi a cette question au centre du film : « Après tout, qu’est-ce qu’on peut être à part soi ?»… beaucoup de choses, semble nous répondre Resnais, pourvu qu’on en ait la force et la possibilité.
vendredi 24 mai 2024
mardi 21 mai 2024
lundi 13 mai 2024
Les apéritifs de la rue du cimetière (2) : La tête haute
dimanche 12 mai 2024
samedi 11 mai 2024
47
«De la répression des passions.- Si l'on s'interdit constamment l'expression des passions comme une chose vulgaire qu'il faut laisser aux natures grossières, aux bourgeois, aux rustres, si l'on veut donc, non réfréner les passions mêmes, mais seulement leur langage et leur geste, on n 'en atteint pas moins, du même coup, ce qu'on ne veut pas : on réfrène les passions elles-mêmes, ou tout au moins on les affaiblit et les transforme ; et ce fut ainsi qu'il en advint, exemple instructif entre tous, à la cour de Louis XIV et à tout ce qui en dépendait. L'époque suivante, élevée dans l'habitude de réfréner l'expression des passions, perdit jusqu'à la passion elle-même ; elle fut remplacée par la grâce, la frivolité, le badinage ; ce fut une époque frappée par l'incapacité de se montrer discourtoise : au point qu'on n'y lançait et n'y rendait l'offense qu'avec des propos obligeants.
[...]»
Le gai savoir. Nietzsche. Gallimard Idées (1950)
«Aucune idée brillante ne parvient à circuler si ce n'est en s'agrégeant quelque élément de stupidité. La pensée collective est stupide parce qu'elle est collective : rien ne franchit les barrières du collectif sans y laisser, à l'instar d'une gabelle, la majeure partie de l'intelligence véhiculée.
Dans notre jeunesse nous sommes deux : coexistent en nous notre propre intelligence, qui peut être grande, et la stupidité de notre inexpérience, qui constitue une seconde intelligence inférieure. C'est seulement quand nous atteignons le deuxième âge que se produit en nous l'unification. D'où le comportement toujours frustre de la jeunesse -dû, non à son inexpérience, mais à sa non-unité»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
vendredi 10 mai 2024
Il en a toujours été ainsi !
Le Loup des steppes. Hermann Hesse. Le Livre de Poche, (2021)
52
«Ce que les autres savent de nous.- Ce que nous savons de nous-mêmes, ce que notre mémoire en a retenu, est moins décisif qu'on ne pense pour le bonheur de notre vie. Vient un jour où surgit en elle ce que savent (ou croient savoir) les autres de ce nous ; nous nous apercevons alors que leur opinion est plus puissante. On s'arrange mieux de sa mauvaise conscience que de sa mauvaise réputation.»
Le gai savoir. Nietzsche. Gallimard Idées (1950)
«Personne n'est plus entraîné à la souffrance ni physique ni morale, nul ne voit plus que rarement quelqu'un souffrir ; il en résulte une conséquence fort importante : c'est qu'on hait la souffrance maintenant plus qu'autrefois, qu'on parle d'elle plus que jamais et qu'on va même jusqu'à ne pouvoir en supporter la simple idée : on en fait une question de conscience et un reproche à l'existence toute entière.»
Le gai savoir. Nietzsche. Gallimard Idées (1950)
mercredi 8 mai 2024
PBF 2024.13 : Fière d'être Olympe de Gouges
«Don de soi-même. Il est de nobles femmes qui, manquant de certaine ressources d'esprit, ne savent pas trouver d'autre moyen pour exprimer leur plus grand abandon que d'offrir leur vertu, leur pudeur : c'est leur trésor le plus précieux. Et il n'est pas rare que ce don soit accepté sans que le bénéficiaire s'en trouve aussi fort obligé que le supposait la donatrice ;... une bien mélancolique histoire !»
Le gai savoir. Nietzsche. Gallimard Idées (1950)
«- Le genre de l'homme est la volonté, celui de la femme la soumission,... telle est la loi des sexes, eh oui ! une dure loi pour la femme ! Tous les humains sont innocents de leur existence, mais les femmes le sont en seconde puissance : qui donc saurait avoir pour elle assez de douceur, assez d'huile ?
- Que nous chaut l'huile ? Que nous chaut la douceur ? répondit quelqu'un de la foule : Il faut mieux élever les femmes !
- Il faut mieux élever les hommes dit le sage et il fit signe au jeune homme de le suivre..
Mais le jeune homme ne le suivit pas.»
Le gai savoir. Nietzsche. Gallimard Idées (1950)
lundi 6 mai 2024
dimanche 5 mai 2024
Réminiscence personnelle (72)
«105
«En tous lieux de ma vie, en toutes situations et rapports avec autres, j'ai toujours été, pour tous un intrus. A tout le moins, toujours un étranger. Au milieu de parents, comme de connaissances, j'ai toujours été ressenti comme quelqu'un d'extérieur. Je ne dis pas que j'ai été tenu pour tel, même une seule fois, après réflexion. Mais je l'ai toujours été spontanément pour la majeure partie des gens.
J'ai toujours été, partout et par tous, traité avec sympathie. Peu de gens je crois, auront aussi peu eu droit à un haussement de ton, un sourcil froncé, un éclat de voix ou un sous entendu. Mais la sympathie avec laquelle j'ai été traité a toujours été exempte d'affection. Pour les plus naturellement intimes, j'ai toujours été un hôte, qui donc, en tant qu'hôte, est bien traité, mais avec cette attention que l'on doit à un étranger, et l'absence d'affection que mérite un intrus.
[...] »
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)