lundi 31 mars 2014

«Si seulement son père avait pu échapper aux griffes du démon de la boisson soit en faisant le serment de ne plus boire soit en prenant ces poudres pour désintoxication recommandées par Votre santé, elle aurait roulé maintenant dans sa voiture personnelle et n'aurait eu à s'effacer devant personne. C'est ce que maintes et maintes fois elle s'était répété à elle-même alors que près des braises mourantes elle s'abîmait en de noires réflexions sans allumer la lampe car elle détestait deux lumières à la fois ou lorsque plus d'une fois aussi elle égarait son regard rêveur par delà la fenêtre durant des heures sur la pluie qui tombait sur la poubelle rouillée, toute pensive. Mais cette abjecte décoction qui a détruit tant de foyers et tant de familles, avait jeté son ombre sur les jours de son enfance. Oui, elle avait même été témoin sous le toit familial des actes de violence dus à l'intempérance et elle avait vu son propre père, proie des vapeurs de l'alcool, perdre toute figure humaine, car s'il y avait une chose entre toutes que Gerty avait apprise, c'est que l'homme qui lève la main sur une femme cette main que les lois de l'humanité lui imposent de rendre secourable mérite d'être stigmatisé comme tombé plus bas que terre.»

Ulysse. James Joyce. Gallimard (2004)

 Interrogation sociétale sur trois axes : les photographies des gamines plus ou moins dénudées qui encombrent le réseau mondial, les imprécations de Louis-Ferdinand Céline sur "les secousses de croupions" et la musique de Hans-Martin Linde jouée à la flûte à bec par Marion Eloy.

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dimanche 30 mars 2014

Bénéfice de l'âge !

«Les jours passent. L'accalmie se prolonge. Par moments on dirait qu'elle atteint à la paix. Mais plus elle s'étend moins je m'en parle ; et c'est par l'échange de leurs silences que celui qui s'éloigne et celui qui s'approche, en moi, se disent un adieu avant de se séparer pour toujours.
Mais est-ce toujours ? Et cet apaisement qui tombe de mon âme n'est-il pas un répit qui m'est accordé avant de nouveaux orages ? Ou bien vais-je à pas lents vers des pays de douceur et de patience où, purifié par l'épreuve, je prendrai, des biens de la sérénité, ce que l'on peut prendre sur la terre.»

Le Mas Théotime. Henri Bosco. Gallimard (1952)


vendredi 28 mars 2014

Résonances contemporaines (1)

«XXXI [II] Thésée et Romulus étaient tous deux, par nature, faits pour la politique, mais ils ne gardèrent ni l'un ni l'autre le caractère d'un roi ; ils s'en éloignèrent et passèrent un à la démocratie, l'autre à la tyrannie, commettant la même faute sous l'effet de passions contraires. Car celui qui exerce une autorité doit avant tout la conserver, et pour cela, il faut tout autant s'abstenir de ce qui ne convient pas que s'attacher à ce qui convient. Celui qui relâche son autorité ou la durcit n'est plus un roi ni un chef ; il devient soit un démagogue soit un despote, et inspire à ses sujets la haine ou le mépris. Cependant, le premier de ces défauts est dû, semble-t-il, à la modération et à l'humanité, tandis que l'autre provient de l'égoïsme et de la dureté.

Vies parallèles. Plutarque. Quarto Gallimard (2001)

Projet Terramycine 1 : Les points rouges (première partie)



Modes musicaux grecs et peinture baroque

«[...] il n’y a donc qu’à trouver différents modes dans la peinture pour la composition des tableaux et l’expression des sujets, comme les anciens en ont eu dans la musique, pour leurs divers récits et leurs différentes chansons. L’on en remarque trois principaux, savoir le mode dorien, le phrygien, le lydien, auxquels on en ajouta ensuite plusieurs autres, dont les uns servaient à chanter gravement les louanges des grands hommes ; les autres donnaient de la valeur et animaient au combat ; d’autres portaient à l’amour ; les uns excitaient à la tristesse et les autres à la joie. Commes ces différents modes venaient des différentes moeurs et coutumes des peuples qui les avaient inventés, dont les uns étaient plus modérés comme les Grecs, les autres plus vaillants comme les Phrygiens, et les autres plus mous et efféminés comme les Lydiens, l’on en peut faire comparaison avec les diverses manières de peindre, qu’on remarque dans l’école de Rome, dans celle de Florence, et dans celle de Lombardie, dont la première conserve plus de majesté et de grandeur, la seconde plus de furie et de mouvement, et la troisième beaucoup d’agrément et de  douceur.»

Les Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture au XVIIe siècle. Préface d'André Félibien.  Edition établie par Alain Mérot. (énsb-a)

mercredi 26 mars 2014

Épiphanie artefactuelle (2)



Le vent se lève ! ... il faut tenter de vivre !
L'air immense ouvre et referme mon livre,

La vague en poudre ose jaillir des rocs !

Envolez-vous, pages tout éblouies !

Rompez, vagues ! 
Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs !

Paul Valéry

mardi 25 mars 2014

Projet Poubelle-bis (4)

«En été, au mois d'août, "la Maison Petracci, fondée en 1850" fermait. Nathalie se transportait, avec Luigi et Michette dans le Midi où elle avait hérité d'une maison de campagne ayant appartenu à son oncle à elle : une magnanerie avec ses étagères pour vers à soie qu'on y avait laissé comme le reste... Nathalie avait depuis l'enfance gardé dans les oreilles ce bruit de papier de soie que les vers faisaient dans les feuilles de mûrier, dont on les nourrissait.»

L'âme. Elsa Triolet. Gallimard (1963)

lundi 24 mars 2014

Projet Poubelle-bis (3)

«Je songe à un marchand de tableaux qui me confiait un jour :
- Vingt pour cent sur du Rembrandt, ça ne m'intéresse pas.
Je songe à un critique théâtral qui disait une fois :
- Mme Sarah Bernhardt, en jouant Hamlet, l'a grandi.
Je songe à un vicaire de Saint-Louis d'Antin qui déclarait en chaire :
- C'est dans les tourments éternels que Renan expie les audaces sacrilèges de sa pensée.
Et il me semble soudain qu'il n'y a plus de négociants, plus de cabotins, plus de cafards. La terre est propre comme un chien baigné.»

Les copains. Jules Romains. Gallimard (1922)

Projet Terramycine



dimanche 23 mars 2014

Projet Poubelle-bis (2) : prise de conscience

«Comment avais-je pu voir Renaud constamment le verre à la main sans y songer ? La quotidienneté frappe d'aveuglement. Le verre était toujours plein : je pensais vaguement qu'il ne buvait jamais que c'était une coquetterie, un tic. Je ne l'avais vu ivre qu'une fois, et pour six fines minuscules qui ne m'auraient rien fait. Je le croyais sensible à l'alcool, au contraire.»

 Le repos du guerrier. Christiane Rochefort. Grasset (1958)

vendredi 21 mars 2014

Épiphanie artefactuelle (1)



Pardonne-moi le doute
Où repose ton être
En cette après-midi
De février, le dix.

Jules Supervielle

Projet Poubelle-bis (1)

«Gilles l'interrompit avec violence :
- Ne me parle pas de tes filles, parle de toi.
- Eh bien, tu ne m'aimes plus.
Gilles se le demandait depuis qu'il avait reçu le télégramme où elle lui disait que tout était arrangé. Et, en ce moment, une voix diabolique murmurait au fond de lui :
Ce sera atroce, mais demain tu seras seul dans ta voiture. Et en route pour l'Italie ou pour la Chine. Le monde est à toi.
Cependant une affreuse douleur lui tordait les entrailles, aussi forte que  celle de Paris, lors des premiers télégrammes.
- Ecoute, Dora, tout a été fini entre nous, quand tu m'as télégraphié à Paris. tout ce que tu as fait depuis est abominable. Maintenant c'est fini.
Il avait un revolver dans sa poche, ce qui donnait à son chagrin un caractère atrocement dérisoire, car il savait qu'il ne s'en servirait pas.»

Gilles. Drieu La Rochelle. Gallimard (1939)

jeudi 20 mars 2014

«Mes yeux épient les coins les plus reculés ; Tandis qu'au premier plan, des frémissements parcourent le bras nu de la jeune fille, ma voisine, dont les doigts se laissent à pianoter sur le rebord verni de la table, comme s'ils rejouaient une mélodie dont son corps entier aurait conservé, intact, un souvenir qui, à certains moments calculés d'avance, épouserait le présent, avec des ramifications qui se prolongeraient en un dialogue où je chercherais à faire d'elle ma partenaire de prédilection.»

Les aventures d'une jeune fille. Jean-Edern Hallier. Editions du Seuil 10/18 (1963)

Dissertation sur les noirs, les bruns et les jaunes

«Le père Conmee songea aux âmes des hommes noirs et bruns et jaunes et à son sermon sur Saint Peter Claver S.J. et sur les missions africaines et sur la propagation de la foi et aux millions d'âmes noires et brunes et jaunes qui n'avaient pas reçu le baptême par l'eau lorsque leur dernière heure venait tel un voleur dans la nuit. Ce livre du jésuite belge, le Nombre des élus, semblait au Père Conmee un plaidoyer raisonnable. Il s'agissait là de millions d'âmes humaines créées par Dieu à sa Propre ressemblance auxquelles la foi n'avait pas (D.V.) été apportée. Mais c'était des âmes de Dieu créées par Dieu. Il semblait au Père Conmee dommage qu'elles soient toutes perdues, du gaspillage, pour ainsi dire.»

UlysseJames Joyce. Gallimard (2004)

La Petite Boutique Fantasque


La PBF tous les mercredis à 19H sur Radio-radio 106.8 Mhz (Toulouse) et sur www.radio-radio.net avec possibilité de télécharger le podcast pour ceux qui ont piscine le mercredi...

mardi 18 mars 2014

Glissement du héros au grand homme

«Passer des héros aux grands hommes est une des formes de l'engagement des Lumières contre les privilèges de la naissance et de l'absolutisme. "Un roi qui aime la gloire, écrivait déjà Fénelon (le "divin Fénelon" pour le XVIIIe siècle) à propos d'Achille et d'Homère, la doit chercher dans ces deux choses : premièrement il faut la mériter par la vertu, et ensuite se faire aimer par les nourrissons des Muses."»

Préface aux Vies parallèles de Plutarque. Anne-Marie Ozanam. Quarto Gallimard (2001)

lundi 17 mars 2014

Carte interrogative

Dissertation sur les noires et les jaunes

«- Pensez-vous qu'il y ait une différence entre les blondes et les brunes ? dit Bertlef, visiblement sceptique sur l'expérience féminine du docteur Skreta.
- Je vous crois ! dit le docteur Skreta. Les cheveux blonds et les cheveux noirs, ce sont les deux pôles de la nature humaine. Les cheveux noirs signifient la virilité, le courage, la franchise, l'action, tandis que les cheveux blonds symbolisent la féminité, la tendresse, la faiblesse et la passivité. Donc une blonde est en réalité doublement femme. Une princesse ne peut être que blonde. C'est aussi pour cette raison que les femmes, pour être aussi féminines que possible, se teignent en jaune et jamais en noir.
- Je serais très curieux de savoir comment les pigments exercent leur influence sur l'âme humaine, dit Betlef d'un ton dubitatif.
- Il ne s'agit pas de pigments. Une blonde s'adapte inconsciemment à ses cheveux. Surtout si cette blonde est une brune qui s'est fait teindre en jaune. Elle veut être fidèle à sa couleur et se comporte comme un être fragile, une poupée frivole, elle exige de la tendresse et des services, de la galanterie et une pension alimentaire, elle est incapable de ne rien faire par elle-même, toute délicatesse au-dehors et au-dedans toute grossièreté. Si les cheveux noirs devenaient une mode universelle, on vivrait nettement mieux en ce monde. Ce serait la réforme sociale la plus utile que l'on ait jamais accomplie.»

La Valse aux adieux. Milan Kundera. Gallimard (1973)

Un petit diaporama expérimental proposé par la Petite Boutique Fantasque, très orienté sur l'actualité culturelle toulousaine entre 2004 et 2006. La musique qui accompagne ces images, témoins d'une tranche de temps, est celle de Healthy colours par Robert Fripp et Brian Eno (Label Caroline)

dimanche 16 mars 2014

Analogie peinture et musique à l'époque baroque

«Il s’était imaginé que comme dans la musique l’oreille ne se trouve charmée que par un juste accord de différentes voix ; de même dans la peinture la vue n’est agréablement satisfaite que par la belle harmonie des couleurs, et la juste convenance de toutes les parties les unes auprès des autres. De sorte que considérant que la différence des sons cause à l’âme des mouvements différents, selon qu’elle est touchée par des tons graves ou aigus, il ne se doutait pas que la manière d’exposer les objets dans une disposition de mouvements, et une apparence d’expression plus ou moins violentes, et sous des couleurs mises les unes auprès les autres et mélangées diversement ne donnaient à la vue diverses sensations qui pouvaient rendre l’âme susceptible d’autant de passions différentes.»

Les Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture au XVIIe siècle. Préface d'André Félibien.  Edition établie par Alain Mérot. (énsb-a)