lundi 18 août 2014

Projet Poubelle-bis (17)

«Marié très jeune, et après trois mois de mariage ne vivant plus auprès de sa femme qu'il aimait, il fut désespéré quand elle demanda le divorce et fort long à s'en remettre : il ne pouvait se résoudre à quitter personne. Il était pourtant très amoureux d'une autre qu'il épousa, à peine libre, et qu'il aima tendrement mais aussitôt de beaucoup plus loin, toujours en voyage et emmenant tour à tour toutes les amies de sa femme qui le sut, et jusqu'à sa première femme qui ne s'était pas consolée de ne plus le voir. Il fut ainsi conduit jusqu'à un second divorce, qui lui fit beaucoup de peine. Cette fois, il jura de s'amender, de renoncer à tout, et avant de passer la porte, sa femme pleura avec lui. Au même instant il avait une liaison avec une petite vendeuse dont les mains sentaient l'eau de Cologne et dont la peau était douce comme le miel, et il jetait quelques jalons vers la femme d'un général, encore belle, qu'il avait vue si majestueuse dans une réception officielle, qu'il rêvait du visage qu'elle pouvait avoir en d'autres occasions. Le second divorce fut prononcé, la générale succomba, la petite vendeuse pensa faire un beau mariage, et la tendresse aidant, il épousa à nouveau sa première femme : sûr enfin d'avoir réparé tous ses torts, rajeuni, heureux, il eut une douzaine d'aventures plus compliquées et plus exquises les unes que les autres, quand il mourut.»

Le Bonheur du jour. José Cabanis. Editions Gallimard(1960)

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