«Le petit Scarron a tousjours eu de l'inclination à la poésie, dansoit des ballets et estoit de la plus belle humeur du monde, quand un charlatan voulant le guérir d'une maladie de garçon, luy donna une drogue qui le rendit perclus de tous ses membres, à la langue près et quelque autre partie que vous entendez bien ; [...]. Il est depuis cela dans une chaise couverte par le dessus, et il n'a de mouvement libre que celuy des doits, dont il tient un petit baston pour se gratter ; vous pouvez croire qu'il n'est pas autrement ajusté en galant. Cela ne l'empesche pas de bouffonner, quoyqu'il ne soit quasy jamais sans douleur, et c'est peut être une des merveilles de nostre siècle, qu'un homme dans cet estat-là et pauvre puisse rire comme il fait.
Il a fait pis, car il s'est marié. il disoit à Girault, à qui il a donné une prébende du Mans qu'il avait : "Trouvez-moy une femme qui se soit mal gouvernée, afin que je la puisse appeler putain sans qu'elle s'en plaigne." [...] il épousa une fille de treize ans, fille d'un fils d'Aubigny l'historien. [...].
Il disoit qu'il s'estoit marié pour avoir compagnie, qu'autrement on ne le viendroit point voir. En effect, sa femme est devenüe fort aimable. [...]. Mme Scarron a dit à ceux qui luy demandoient pourquoy elle avait épousé cet homme :"J'ay mieux aimé l'espouser qu'un convent." [...]
Quelquefois il eschappe de plaisantes choses à Scarron ; mais ce n'est pas souvent. Il veut tousjours estre plaisant et c'est le moyen de l'estre guères. Il fait des comédies, des nouvelles, des gazettes burlesques, enfin tout ce dont il croit tirer de l'argent.»
Historiettes. Tallemant des Réaux. Éditions Gallimard (1961)
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