«Sa femme Mme Puta, ne faisait qu'un avec la caisse de la maison, qu'elle ne quittait pour ainsi dire jamais. On l'avait élevée pour qu'elle devienne la femme d'un bijoutier. Ambition de parents. Elle connaissait son devoir, tout son devoir. Le ménage était heureux en même temps que la caisse était propère. Ce n'est point qu'elle fût laide, Mme Puta, non, elle aurait même pu être assez jolie, comme tant d'autres, seulement elle était si prudente, si méfiante qu'elle s'arrêtait au bord de la beauté comme au bord de la vie, avec ses cheveux un peu trop peignés, son sourire un peu trop facile et soudain, des gestes un peu trop rapides ou un peu trop furtifs. On s'agaçait à démêler ce qu'il y avait de trop calculé dans cet être et les raisons de la gêne qu'on éprouvait en dépit de tout, à son approche. Cette répulsion instinctive qu'inspirent les commerçants à ceux qui les approchent et qui savent, est une des très rares consolations qu'éprouvent d'être aussi miteux qu'ils le sont ceux qui ne vendent rien à personne.»
Voyage au bout de la nuit. Louis-Ferdinand Céline. Editions Gallimard (1952)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire