«Parce que, chez ceux qui savent se venger, ou qui savent se défendre, en général - comment cela se passe-t-il ? Eux, dès qu'ils sont possédés, disons, par l'idée de vengeance, ils n'ont plus rien en eux que leur idée aussi longtemps qu'ils n'atteignent pas leur but. Un monsieur de ce genre vous fonce droit droit au but, comme un taureau furieux, cornes baissées, il n'y a guère qu'un mur qui vous l'arrêtera. (A propos : devant ce mur, ce genre de messieurs, je veux dire les hommes spontanés et les hommes d'action, ils s'aplatissent le plus sincèrement du monde. Pour eux, ce mur n'est pas un obstacle comme, par exemple pour nous, les hommes qui pensons, et qui, par conséquent, n'agissons pas. ; pas un prétexte pour rebrousser chemin, prétexte auquel nous réservons le meilleur accueil. Non, ils s'aplatissent de tout coeur. Le mur agit sur eux comme un calmant, une libération morale, comme quelque chose de définitif, quelque chose même, je peux dire, de mystique... Mais plus tard avec le mur.) Eh bien, c'est cet homme spontané que je considère, moi, comme l'homme le plus normal, tel que l'imaginait sa tendre mère -la nature- quand elle le mit au monde. Cet homme-là, j'en suis jaloux jusqu'à m'en faire tourner la bile. Il est idiot, nous n'en discuterons pas, mais qui vous dit qu'un homme normal ne devrait pas être un idiot - qu'en savez-vous ?»
Les Carnets du sous-sol. Fédor Dostoïevski. Babel - Actes Sud (1992)
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