Au hasard des bacs de disque, à la fin des années 1970, je tombais sur un vinyl de Nico à la pochette énigmatique : Desertshore. La musique qui émanait des sillons était aussi déroutante que la pochette : la voix glaciale de Nico, un improbable harmonium, les arrangements de John Cale. Sur la pochette, il était précisé que les photographies étaient tirées d’un film de Philippe Garrel, la Cicatrice intérieure. Pour ajouter à l’étrangeté, une plage du disque était occupée par la voix d’un enfant qui chantait en français Le Petit Chevalier.
J’ai beaucoup fantasmé autour de cette Cicatrice intérieure : le désert, l’enfant qui guide un cheval portant Nico en amazone et la musique qui exprimait la souffrance, la solitude, le désespoir. Et je n’ai eu aucune possibilité de visionner ce film expérimental ni à Saint-Girons, ni à Garaison.
Et puis j’ai oublié.
Quand à la fin des années 1980, je tournais Johnny and Mary, je devais en avoir des réminiscences : le tournage s’effectuait sur un terrain vague au sable clair qui ressemblait à celui de la pochette. Le jeu que j’inspirais à Isabelle s’inspirait de la lenteur et de la froideur de la voix de Nico.
Puis de nouveau, j’oubliais.
Enfin, en 2012, ressortit en DVD deux films de Garrel : la Cicatrice intérieure et Liberté la nuit. Ce dernier, je l’avais vu dans notre petit cinéma d’art et d’essai montpellierain et il avait bouleversé Isabelle. Elle m’en avait parlé toute la nuit. Peut être se sentait proche de Mouche en militante du FLN, comme elle se sentira proche de Mireille Perrier en actrice dans Elle a passé tant d’heures sous les sunlights.
Mais revenons en 2012. Je pus visionner, enfin, ce film qui me hantait depuis près de 30 ans. A ma grande surprise, la différence entre ce que j’imaginais du film et ce qu’avait effectivement filmé Garrel était réduite. Mon esprit avait presque recrée l’ambiance exacte de fin d’amour, de jalousie du film. J’en suis resté abasourdi quelques instants. D’autant plus que le jeu hiératique de Nico ressemblait à celui d’Isabelle. La ressemblance allait jusqu’à une certaine naïveté scénarique que la Cicatrice intérieure partageait avec Johnny and Mary. Quelquefois, je regrette un peu que dans mes déménagements successifs j’ai égaré les bobines super8 de ce court-métrage inachevé...
«Une famille traverse le désert d’Egypte
Un amant vient à la rencontre de la femme sur les terres volcaniques d’Islande
Un film dont les plans riment comme un poème.»
La Cicatrice intérieure. Philippe Garrel. Why Not Productions (1970)
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