«Nous étions en plein mois de juin... Devant nos yeux, le ciel du levant perdait sa couleur pourpre et inondait le monde d'une douce et caressante lumière. En bas, le port apparaissait déjà dans tous ses détails... Soudain, une trompette brisa l'air de ses sons métalliques. Je tressaillis, comme frappé au coeur et une avalanche de bonheur m'envahit. L'homme planté au milieu de la cour, avait son instrument braqué contre le soleil rayonnant derrière les saules des marécages, et les interminables modulations du Réveil semblaient autant de louanges adressées au jour naissant. Je m'arrêtais de respirer... Cet hymne matinal faisait vibrer toute ma chair. Le soldat me paraissait un héros vengeur ; le retentissement de son appel dominait à tel point la vie que je croyais que tout l'univers l'écoutait ! Lorsque la sonnerie cessa, je crus que mon coeur se rompait, qu'il me tombait dans le ventre. Je fondis en larmes.
Vexé qu'il y ait eu un témoin, qui sûrement se moquerait de moi, je tournais le dos à Codine. Mais, ô surprise ! la main sur mon épaule, une main lourde, terriblement pesante et que je soutenais à peine - il mâchait des mots mouillés de larmes :
- Fratello... Fratello... Vois-tu ? Je te disais bien... hier... que, moi aussi... je suis faible !... Fratello, ne me tourne pas le dos...
Codine. Panaït Istrati. Le Quadrige d'Apollon P. U. F. (1964)
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