«- Tu sais aussi, repris-je, que les serviteurs de ces gens-là tiennent à l'occasion, en secret, des propos du même genre au fils de la famille. En apparence, ils sont bien intentionnés, mais s'il leur arrive de rencontrer un débiteur que le père ne poursuit pas, ou quelqu'un d'autre qui se trouve en faute à son égard, ils recommandent au fils, quand il sera devenu adulte, d'humilier tous ces gens-là et de chercher à se montrer plus homme que son père. Hors de chez lui, le fils entend d'autres propos du même genre, et il constate que ceux qui se limitent à leurs propres affaires dans la cité, sont traités d'imbéciles et que leur réputation est médiocre, tandis que ceux qui se mêlent des affaires des autres, sont honorés et loués. Alors le jeune homme qui entend et voit tout cela, et qui par ailleurs prête l'oreille aux paroles de son père et qui observe de près ses occupations en les comparant à celles des autres, se voit tiraillé des deux côtés : d'abord du côté de son père, qui nourrit et fait croître le principe rationnel de son âme, et du côté des autres, qui alimentent la partie désirante et l'élément d'ardeur virile. Comme son naturel n'est pas celui d'un homme méchant, mais qu'il a été influencé par les mauvaises fréquentations des autres, il se porte vers la position intermédiaire entre les deux, et il remet le pouvoir de gouverner en lui-même à la partie remplie d'ardeur, et il devient un homme arrogant et entiché d'honneurs.»
La République. Platon. Flammarion (2002)
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