«En lisant Phédon, ce n'est que vers la fin du dialogue que je m'aperçois que nous sommes dans de bien beaux draps. Socrate n'a pas réussi à me convaincre que l'âme est immortelle et qu'il va vivre dans un monde supérieur. On a l'impression que les disciples de Socrate ne sont pas convaincus non plus puisqu'ils pleurent ; autrement pourquoi pleureraient-ils. Lorsque le soir arrive et que Socrate prend le poison ; lorsque ses pieds refroidissent ainsi que le ventre, lorsque, enfin, il meurt, une terreur, une tristesse énorme me saisissent. La description de la mort de Socrate est tellement convaincante, beaucoup plus convaincante que les arguments de Socrate pour l'immortalité. D'ailleurs, les arguments s'évanouissent en un instant ; on les oublie tout de suite, mais l'image de Socrate mort se grave dans ma mémoire : tous les hommes sont mortels ; Socrate état un homme, Socrate est mortel.»
Journal en miettes. Eugène Ionesco. Mercure de France (1967)
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